Aujourd’hui, chaque semence est un combat qu’elles mènent contre la météo.
À l’aube, Amina marche sur la terre rouge, ses pieds effleurant la poussière qui brûle sous le soleil. « Avant, nous savions exactement quand planter le maïs ou le manioc. Aujourd’hui, chaque semence est un pari contre la météo », murmure-t-elle, comme si la terre écoutait ses doutes.
Elle s’arrête un instant, ferme les yeux et sent le vent caresser son visage, emportant avec lui l’odeur âcre de la poussière et les souvenirs des saisons anciennes. Chaque pas qu’elle fait semble tracer une danse fragile entre espoir et incertitude, et elle imagine les récoltes futures comme des promesses que le ciel doit tenir.
Plus loin, Fatou traverse les sentiers rocailleux avec un seau d’eau sur l’épaule. « Je marche trois heures par jour pour puiser de l’eau pour ma famille et nos chèvres. La rivière change de cap selon l’humeur du ciel », raconte-t-elle. Elle rit parfois, nerveusement, quand le vent emporte le peu qu’elle a pu récolter. Ses yeux suivent les ondulations de l’eau, rêvant d’un filet plus généreux qui nourrirait le village tout entier. Chaque pierre sur laquelle elle pose le pied semble murmurer des histoires anciennes de femmes courageuses, et elle se sent soudain moins seule face à l’immensité du ciel et à la sécheresse qui s’étire.
À quelques kilomètres, Mariama observe son champ de manioc brûlé par le soleil. « Le climat nous vole nos récoltes. Chaque pluie qui tombe trop tôt ou trop tard change tout », explique-t-elle, ses yeux cherchant les nuages comme on cherche un espoir perdu.
Le vent soulève des tourbillons de poussière qui dansent autour d’elle comme de petites flammes, et elle imagine déjà les prochains semis, les graines qui s’accrocheront à la terre malgré tout. Elle murmure des prières silencieuses aux nuages, convaincue que même dans la destruction, la vie s’accroche et que la résilience des femmes du village finira par transformer chaque difficulté en promesse de renaissance.
Pourtant, ces femmes ne se laissent pas vaincre. Fatoumata, coordinatrice d’un jardin solidaire au Niger, raconte les solutions inventives : « Nous stockons l’eau de pluie et plantons des variétés résistantes. Sans l’entraide des autres femmes, nous aurions tout perdu ». Naomie, maraîchère en République centrafricaine, ajoute : « Quand mes légumes poussent malgré la sécheresse, c’est toute ma famille qui respire. Chaque graine est un combat gagné contre le soleil et la poussière. »
Obstacles
Ces initiatives restent fragiles. L’accès au financement, aux technologies agricoles et aux prévisions climatiques reste limité. Les politiques publiques tardent à atteindre ces femmes, et la résilience se heurte au silence des décideurs. L’agronome Léa Mbarga insiste : « Investir dans les femmes rurales, c’est investir dans la survie des villages et dans la lutte contre les effets du changement climatique ».
La 30ᵉ Journée mondiale de la femme rurale n’est pas seulement symbolique. Elle rappelle que chaque récolte est une victoire, chaque graine plantée un acte de courage. « Quand nous réussissons à récolter malgré la sécheresse, c’est toute la communauté qui respire », conclut Amina.
Entre poussière et vent, pluie et soleil capricieux, elles continuent de semer la vie. Le climat est devenu leur adversaire premier, mais leur détermination est une force que rien ne peut effacer.
Jean-René Meva’a Amougou
