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Santé publique: la grippe joue aux farces et attaques

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Une hausse marquée des cas de grippe frappe plusieurs régions du Cameroun. En cause : une souche particulièrement virulente du virus A/H3N2, dont certaines mutations inquiètent les scientifiques.

Fièvre persistante, toux sèche, douleurs musculaires… Depuis plusieurs semaines, les hôpitaux camerounais constatent une recrudescence de syndromes grippaux, notamment chez les enfants. Le ministre de la Santé publique (Minsanté), Manaouda Malachie, a tiré la sonnette d’alarme le 15 octobre dernier, évoquant une « nette augmentation » des infections respiratoires aiguës dans les régions du Littoral, du Centre, du Nord-Ouest et de l’Ouest.

Entre août et octobre, 850 échantillons ont été analysés : 179 étaient positifs à la grippe, soit un taux de 21,1 %. Aucun décès n’a été enregistré pour l’instant, mais les urgences sont saturées, surtout chez les enfants de moins de cinq ans. « La grippe progresse chez les moins de 65 ans, surtout les enfants, mais ralentit chez les plus âgés. Pourtant, l’intensité globale reste très élevée », explique le Pr Honoré Kesseng, infectiologue.

Pendant ce temps, la COVID-19 reste stable, avec seulement cinq cas confirmés sur la même période, un taux de positivité de 0,59 %, sans hospitalisations graves ni nouveaux variants. Mais c’est bien la grippe saisonnière qui inquiète le plus les experts.

Expertise

Selon le Centre Pasteur du Cameroun, dont le service d’épidémiologie est partenaire du réseau national de surveillance, la situation est suivie de près. « Depuis 2023, le Cameroun a enregistré de nombreux cas liés au virus A/H3N2, actuellement l’un des sous-types les plus fréquents dans le monde », indique l’institution. Le CPC a séquencé les souches locales (2023-2024) et révèle qu’elles appartiennent toutes à la lignée 3c.2a. Le plus inquiétant : plusieurs mutations importantes ont été détectées.

Parmi elles, la mutation H275Y, retrouvée dans environ 30 % des échantillons, est connue pour provoquer une résistance à l’oseltamivir, l’un des principaux antiviraux utilisés contre la grippe. « Cela montre que le virus évolue rapidement, parfois en s’éloignant des souches vaccinales », souligne le CPC, insistant sur la nécessité d’une surveillance génétique constante, notamment en Afrique centrale.

Face à cette flambée et aux risques associés, le ministère de la Santé appelle à une vigilance accrue : éviter l’automédication, consulter tôt en cas de symptômes, appliquer les gestes barrières, et promouvoir la vaccination, encore marginale au Cameroun.

« Ce sont des mesures simples mais efficaces pour limiter les formes graves et ralentir la circulation du virus », rappelle Pr Kesseng. Il appelle également à une meilleure formation du personnel soignant dans la détection précoce des cas et dans la gestion des complications liées à la grippe.

À ce jour, la couverture vaccinale contre la grippe reste faible, faute de sensibilisation, d’approvisionnement stable en vaccins et d’adhésion du public. Pourtant, selon les experts, la vaccination reste la meilleure arme pour prévenir les formes graves et protéger les populations à risque, notamment les personnes âgées, les enfants et les personnes immunodéprimées.

Alors que la saison sèche approche, les autorités redoutent une pression épidémique durable. La grippe, souvent sous-estimée, montre cette année un visage plus agressif, nécessitant une réponse sanitaire rapide et coordonnée.

Jean-René Meva’a Amougou

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