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Bello Bouba Maigari: le vieux chêne Grand Nord

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Dans le vaste théâtre politique camerounais, certains acteurs sont des éclairs qui traversent la scène et s’éteignent, tandis que d’autres sont des phares : constants, observateurs, et inébranlables face aux tempêtes. Bello Bouba Maigari appartient à cette dernière catégorie.

Né en 1947 à Maroua, il porte sur ses épaules l’âge de l’expérience et le poids de la mémoire politique. À 78 ans, il sait que l’État n’est pas un jeu de hasard : c’est un labyrinthe où chaque couloir cache un défi et où chaque porte peut révéler une surprise. Son parcours électoral est ponctué de tentatives courageuses et de leçons d’humilité. Aux présidentielles passées, il s’est présenté avec la conviction d’un navigateur qui connaît les courants. Si les chiffres de ses résultats n’ont jamais atteint les sommets, ses coups d’éclat ont marqué les esprits.

On se souvient de ce débat télévisé où, face à des adversaires plus flamboyants, il a calmement résumé la situation économique du pays en une métaphore : « Le Cameroun est comme un fleuve : il peut être calme, mais si l’on ignore les rapides, on finit par chavirer. » Les téléspectateurs ont applaudi, certains ont ri, et tous ont reconnu le doigté d’un homme qui ne parle pas pour remplir l’air, mais pour instruire et faire sourire.

Guéguerre

Celle avec Issa Tchiroma Bakary, jadis ami et aujourd’hui rival, ajoute une saveur particulière à son portrait. Dans les salons feutrés de Garoua, on raconte encore cette anecdote où Tchiroma, en pleine campagne, avait ironisé sur l’âge de Bello Bouba, le qualifiant de « monument historique du Nord ». Bello Bouba, imperturbable, avait répliqué en souriant : « Même un monument sait résister aux tempêtes mieux qu’une maison en carton. » Depuis, leurs confrontations sont devenues légendaires : piques subtiles dans les médias, clins d’œil ironiques lors des meetings, et parfois ce qui semble être un duel de regards plus redoutable que n’importe quel slogan électoral.

Bello Bouba excelle dans l’art de connaître les rouages de l’État. Ses collaborateurs politiques le décrivent comme un virtuose des dossiers, capable de démêler un budget complexe ou d’anticiper les décisions administratives avec une précision presque chirurgicale. On raconte qu’il a déjà sauvé une négociation stratégique simplement en citant un article oublié d’une loi datant des années 1980, provoquant à la fois admiration et consternation chez ses interlocuteurs. Cette connaissance intime des mécanismes du pouvoir, ajoutée à son calme légendaire, lui confère un crédit que les projecteurs médiatiques ne peuvent jamais totalement éclipser.

Et pourtant, derrière la rigueur et le pragmatisme se cache un homme doté d’un humour pince-sans-rire et d’une vision poétique du monde. Lors d’un meeting dans la région de l’Extrême-Nord, il avait comparé la politique à un champ de mil : « Il faut savoir semer, arroser, attendre patiemment que les récoltes viennent, sinon on finit par nourrir uniquement les oiseaux. » Ce mélange de sagesse et de malice lui attire l’estime de certains jeunes militants et la tendresse des anciens qui reconnaissent en lui un guide discret, loin des éclats de voix et des slogans tonitruants.

Passif

Ses coups d’éclat électoraux, bien que modestes dans les chiffres, sont révélateurs de son audace. Lors d’une campagne passée, il avait surpris tout le monde en organisant une visite impromptue à un marché de Maroua, discutant avec les commerçants, goûtant à des spécialités locales et improvisant un discours poétique sur l’économie informelle. Les images de cette journée ont circulé longtemps : un candidat âgé, attentif, riant avec les habitants, prouvant que la proximité humaine peut être un atout électoral puissant.

La rivalité avec Tchiroma, ses campagnes passées, ses réussites et ses coups d’humour politique forment le portrait d’un homme qui sait que la politique est autant affaire de constance et de stratégie que de charisme médiatique. Comme un vieux chêne solidement enraciné dans le paysage du Nord, Bello Bouba résiste aux tempêtes électorales, aux vagues de critiques et aux flots parfois tumultueux de la presse. Et s’il connaît parfaitement les règles du jeu, il n’hésite jamais à y ajouter une touche de poésie, un sourire malicieux ou une anecdote savoureuse qui humanise l’exercice du pouvoir.

À 78 ans, il montre que l’on peut faire de la politique avec sérieux, finesse et humour, tout en restant fidèle à ses convictions. Sa connaissance des arcanes de l’État, son expérience électorale, ses confrontations avec Tchiroma Bakary et sa capacité à toucher les cœurs sans crier font de Bello Bouba Maigari une figure incontournable et fascinante. Dans un Cameroun souvent emporté par les passions et les slogans, ses proches estiment qu’il demeure ce sage discret mais attentif, qui rappelle que la politique, au fond, est un art de patience, de stratégie et de nuances, où le vrai pouvoir réside autant dans le savoir que dans la capacité à faire sourire et réfléchir.

Jean René Meva’a Amougou

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