Home INTÉGRATION RÉGIONALE Afrique : créer des emplois ou perdre le siècle

Afrique : créer des emplois ou perdre le siècle

0

L’Afrique subsaharienne avance, mais sur un fil.

Une croissance de 3,8 % en 2025, selon la Banque mondiale, semble prometteuse après les turbulences des dernières années. Pourtant, derrière ces chiffres, se cache une équation plus angoissante : comment transformer cette résilience économique en prospérité partagée ? Comment donner un avenir aux millions de jeunes qui frappent déjà à la porte du marché du travail ? Car le véritable défi n’est plus la survie économique, mais la création d’emplois de qualité. Le dernier Africa’s Pulse de la Banque mondiale, publié ce 7 octobre, en fait le cœur de son diagnostic. L’Afrique comptera, dans un quart de siècle, 600 millions d’actifs supplémentaires. Une force démographique qui pourrait devenir le plus grand levier de croissance du monde, ou son fardeau le plus lourd. Aujourd’hui, seuls 24 % des nouveaux travailleurs décrochent un emploi salarié. Le reste s’accroche à l’informel, ce vaste refuge de la débrouille qui nourrit, mais n’enrichit pas.

Le rapport est clair : la région doit changer de dimension. Créer des emplois ne se décrète pas, cela s’organise. Il faut abaisser le coût de l’activité économique, renforcer les infrastructures et investir massivement dans les compétences. L’Afrique ne manque pas d’énergie, mais d’électricité ; elle ne manque pas de jeunesse, mais de formation. C’est là que se joue la bataille. Tant que l’entrepreneuriat restera prisonnier de la bureaucratie et de l’incertitude, les ambitions se faneront avant d’avoir germé.

Le secteur privé, souvent célébré dans les discours, doit devenir l’ossature réelle du développement. Agroalimentaire, construction, tourisme, santé : les gisements d’emplois sont là, encore inexplorés. Chaque emploi créé dans le tourisme, rappelle le rapport, en génère un et demi dans les secteurs connexes. Mais il faut un environnement des affaires stable, des institutions solides et une gouvernance crédible. Sans cela, les investisseurs continueront de regarder l’Afrique comme un pari risqué plutôt qu’une promesse d’avenir.

La dette, elle, pèse comme une pierre sur les épaules des États. En dix ans, le service de la dette extérieure a doublé pour atteindre 2 % du PIB. Vingt-trois pays sont désormais surendettés ou proches de l’être. Ce carcan budgétaire réduit la marge de manœuvre publique, tandis que l’aide internationale se contracte. Autrement dit, le salut viendra moins de l’extérieur que de la capacité des pays africains à bâtir eux-mêmes les conditions d’une croissance créatrice d’emplois. L’Afrique a trop souvent vécu de promesses de lendemains meilleurs. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention mais à la lucidité et à l’action. Transformer la démographie en dividende suppose un saut de gouvernance et d’audace économique. Sans cela, la croissance restera une belle illusion statistique ; avec cela, elle deviendra le socle d’une nouvelle ère.

Jean-René Meva’a Amougou

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile