Dans un hôtel feutré de Yaoundé, un après-midi, les nappes rivalisent avec la blancheur des pages, les fleurs exhalent un parfum de protocole, et le cliquetis des stylos fait plus de bruit que les talons des invités.

Des ministres posent pour les photos, inclinant la tête avec gravité. Les fidèles applaudissent à chaque geste comme s’il s’agissait d’un spectacle de Broadway. Un attaché distribue des marque-pages dorés comme des médailles olympiques, un photographe immortalise chaque signature, et un serveur trébuche sur un tapis pour ajouter un peu de suspense au protocole. Les invités essaient de subtiliser des marque-pages comme souvenirs, le photographe capture chaque mouvement comme un ballet chorégraphié, et les rires étouffés des invités se mêlent au cliquetis des stylos. Un collaborateur annonce fièrement : « Prochaine étape : lecture dramatique de la préface ! »
Au final, dans ce hall doré de Yaoundé, entre fleurs, stylos et rires chuchotés, la littérature devient danse, poésie silencieuse et comédie involontaire. Les ministres signent, sourient, posent, tandis que les spectateurs, amusés, prennent des notes, rient, ironisent… et lisent, parfois, quelques pages, pour voir comment loyauté et plume peuvent s’entrelacer dans un ballet à la fois absurde, poétique et politique. « Écrire, c’est immortaliser l’histoire », déclare un ministre, plume levée. Traduction : « Je signe pour prouver que je connais le président mieux que Google et Wikipédia réunis. »
Au Cameroun, le stylo est devenu une arme de communication. Les ministres se transforment en auteurs, et Paul Biya devient muse officielle. Chaque livre signé semble dire : « Regardez-moi, je suis loyal… et littéraire ! » Chaque livre est un festival de superlatifs : « stratège incomparable », « gardien de la stabilité », « maestro du dialogue intergénérationnel ». Les paragraphes semblent murmurer : « Regardez comme je connais la grandeur du président ! »
Les opposants rient moins : « C’est de la littérature en service commandé », souffle un cadre du SDF. « Pendant qu’on discute chômage et routes défoncées, on nous sert des dédicaces ministérielles. Formidable ! » Sur Twitter, un internaute résume : « Si Biya n’existait pas, on l’inventerait juste pour pouvoir dédicacer. » Un autre propose : « Séance suivante : Biya sur facture d’électricité, édition collector! »
Les défenseurs du régime répliquent : « Ces livres transmettent une vision, un modèle de longévité et un chemin pour la jeunesse. » Traduction : « Si on parle de problèmes, ça fait moins vendre… donc on parle de Biya ». Les réseaux sociaux ajoutent leur grain de sel : « Concours : le ministre qui met le plus de superlatifs sur Biya gagne un selfie officiel!»
JRMA