Dans la sous-région, le digital n’est plus une promesse : il devient une réalité qui touche chaque jour davantage de citoyens. Etat des lieux.

Selon Jacob Kotcho Bongkwaha, directeur du marché commun de l’organisation, « le taux de pénétration des abonnés mobiles est passé de 18 % à 42 % entre le début de la dernière décennie et 2019, et il devrait atteindre 46 % d’ici 2025 ». Une progression spectaculaire qui illustre l’accélération des technologies de communication dans la sous-région.
L’accès à Internet mobile suit la même trajectoire. De 52 millions d’utilisateurs en 2020, le chiffre devrait grimper à 86 millions d’ici 2025, soit plus d’un tiers de la population. Cette croissance ouvre un terrain fertile pour le commerce électronique et les services digitaux. « Les smartphones deviennent des passerelles vers des services financiers, éducatifs et commerciaux jusque-là inaccessibles à beaucoup », souligne Dr Sylvie Mbarga, experte en économie numérique à Yaoundé.
Pour les start-up locales, cette révolution numérique est une aubaine. « Nous pouvons désormais atteindre des clients dans des zones semi-urbaines et rurales, ce qui était impossible il y a cinq ans », explique Alain Tchatchoua, dirigeant d’une plateforme de livraison de produits alimentaires à Douala. L’inclusion numérique, jusque-là un concept, commence à se traduire en opportunités économiques tangibles.
Mais la route est encore semée d’obstacles. Les infrastructures restent inégales selon les pays et les zones, et le coût des données mobiles freine l’accès pour de nombreux citoyens. « On parle de boom numérique, mais il faut rendre ces services abordables pour que la transition soit véritablement inclusive », tempère Fatou Ngoma, consultante congolaise en politiques publiques. Elle insiste également sur la formation aux compétences digitales pour préparer la population à tirer pleinement profit de cette révolution.
Les gouvernements ne restent pas inactifs. La CEEAC encourage la création de plateformes régionales de commerce électronique et de solutions de paiement mobile sécurisées. L’objectif : construire un marché unique numérique, où les biens et services circulent librement et où les citoyens peuvent profiter des avantages du digital.
Au-delà de l’économie, le numérique transforme d’autres secteurs : éducation, santé, agriculture. Les plateformes d’apprentissage en ligne se multiplient, les consultations médicales à distance se développent, et les outils connectés permettent aux agriculteurs de mieux gérer leurs cultures. « Cette transition numérique n’est pas seulement économique, elle change la vie des gens », observe Marie-Claude Essola, sociologue camerounaise spécialisée dans les nouvelles technologies.
La CEEAC est donc à un tournant. Entre promesses de croissance, défis d’infrastructure et enjeux d’inclusion, le numérique devient un levier stratégique de développement régional. Si les efforts se poursuivent pour rendre les services accessibles à tous, l’Afrique centrale pourrait voir naître un marché digital dynamique et intégré, capable de transformer durablement son économie et sa société.
Jean-René Meva’a Amougou