Home INTÉGRATION RÉGIONALE Maîtrise des outils financiers: la BEAC lance son institut de formation

Maîtrise des outils financiers: la BEAC lance son institut de formation

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Yvon Sana Bangui, le gouverneur de la Beac

Mis en œuvre à partir de Yaoundé, le projet vise à combler le déficit de ressources humaines qualifiées et à doter l’Afrique centrale d’un outil moderne de transmission des savoirs.

À l’heure où l’intégration régionale en Afrique centrale reste un chantier semé d’embûches, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) vient de franchir un pas symbolique et stratégique. L’institution monétaire a annoncé la création d’un Institut de formation et de perfectionnement, destiné à renforcer les compétences des cadres financiers, bancaires et économiques de la sous-région CEMAC. Selon le gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui, cette initiative « répond à une double exigence : former une nouvelle génération de spécialistes capables d’accompagner les réformes économiques, et hisser la sous-région au niveau des standards internationaux en matière de finance et de régulation ». L’institut devrait ouvrir ses portes dès l’an prochain, avec un siège à Yaoundé et des antennes prévues à Douala et Libreville, cœur des places financières de la CEMAC.

Corpus

Le programme de formation sera structuré autour de trois volets principaux : la politique monétaire et la régulation bancaire, la gestion des marchés financiers régionaux, et l’analyse macroéconomique appliquée. Des modules spécialisés en statistiques, cybersécurité bancaire et innovation numérique sont également annoncés. « Nous devons préparer nos pays à affronter la digitalisation de la finance, les risques liés aux cryptomonnaies ou encore la nécessité de mobiliser l’épargne locale », précise un cadre de la BEAC associé au projet.

Au-delà des techniciens de la Banque centrale, l’institut sera ouvert aux cadres des ministères des finances, aux responsables d’institutions de microfinance et aux jeunes diplômés désireux de se spécialiser. Une ouverture qui traduit une ambition plus large : transformer le déficit chronique de compétences en un vivier régional.

Regards

Les partenaires internationaux ne cachent pas leur intérêt. La Banque mondiale et le FMI, déjà impliqués dans plusieurs programmes de renforcement des capacités, ont salué l’initiative, tout comme l’École nationale d’administration (ENA) de Paris et l’Institut de la Banque de France, pressentis pour des collaborations.

Pour certains observateurs, ce projet constitue aussi un outil politique. « La BEAC cherche à consolider son rôle de moteur de l’intégration, dans un contexte où la libre circulation des personnes et des capitaux peine à se concrétiser », analyse un économiste camerounais. L’institut apparaît ainsi comme un geste de diplomatie régionale, capable de rapprocher des États souvent rivaux autour d’un intérêt commun : la formation des élites.

Reste la question de la pérennité. Les précédentes tentatives de créer des centres de formation régionaux ont souvent buté sur le manque de financement et de coordination. La BEAC assure avoir prévu un budget pluriannuel, alimenté par une fraction de ses excédents et par des partenariats extérieurs. Si cette promesse est tenue, l’Afrique centrale pourrait enfin disposer d’un outil capable de transformer ses ambitions de développement en compétences tangibles.

Dans une sous-région marquée par les paradoxes – richesse en ressources naturelles mais pauvreté structurelle, marchés fragmentés mais aspirations à l’unité – la création de cet institut résonne comme un signal fort : celui d’un futur qui se construit par la connaissance et la maîtrise des outils financiers.

Jean-René Meva’a Amougou

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