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Sur la route Nationale N° 1: chant des ruines sous les pieds

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Pont sur Mayo palar desservant le Tchad à la sortie de Maroua

Voyage au rythme lent, sur 279 km qui proposent une lecture claire de la décrépitude.

Pont sur Mayo palar desservant le Tchad à la sortie de Maroua

Un matin de septembre, le bus immatriculé LT 246 GZ de Touristique Express quitte Maroua en direction du Grand Sud. Destination : Yaoundé, capitale politique du Cameroun. À bord du long porteur, les passagers prennent place sur les banquettes du bus estampillé « VIP Confort » mis en piste. Un chauffeur fataliste et des bagages sont rapidement enfouis dans les malles creuses du véhicule. En filigrane, une question hante le voyage : que dit-on de cette route nationale n°1 à quelques semaines de la présidentielle d’octobre 2025 ?

Les secousses des illusions

Dès la sortie de l’agence de voyage, les secousses commencent. Les nids-de-poule sur certains axes n’ayant pas bénéficiés des récents aménagements du Contrat-Désendettement-Développement (C2D) s’ouvrent comme des pièges. À chaque soubresaut, un passager lâche une exclamation. « C’est ça une ville complètement rénovée ? » ironise Pascal, étudiant en transit vers Garoua.

Son voisin réplique : « Depuis 20 ans, on nous promet une réhabilitation… mais regarde ! ». Les affiches ponctuent le trajet jusqu’au pont Makabaye à la sortie de la ville : « des travaux à peines livrés, on voit déjà des barricades qui préviennent des réfections sur certains axes », commente Bintou, une native de Maroua. Ici, les promesses politiques ne s’affichent pas seulement sur des panneaux, elles s’éprouvent dans les flaques d’eau sur le bitume et les suspensions usées.

Garoua, la belle aux eaux dormantes

À Garoua, le contraste frappe. Ville propre, ordonnée, les mototaxis obéissent aux feux, les rues respirent. Le bus s’arrête pour le carburant, et les passagers s’éparpillent dans le marché, le souffle coupé par la chaleur. Mais derrière cette façade de modernité, le chemin vers Ngaoundéré promet encore mille secousses. Les 279 kilomètres à venir sont une succession de défis : routes cabossées, virages traîtres et conversations enfiévrées.

La présidentielle d’octobre 2025 se glisse entre les sièges. « Chaque sept ans, ils promettent de refaire la route… Regardez ! » s’énerve le chauffeur. « Mais des travaux sont en cours », répond un passager. La RN1 devient alors une arène où chacun mesure la distance entre parole et réalité.

Sur des chemins difficiles

A Badankali, un camion chargé de conserves, renversé, bloque le passage. Des femmes proposent arachides bouillies et sésame aux voyageurs immobilisés. Ici, la route est une artère vitale : commerce et circulation s’entrelacent. La RN1 n’est pas qu’une route nationale, elle est transnationale, reliant le Cameroun au Tchad et au Nigeria. Tout blocage se répercute sur les marchés et les prix, rappelant que cette route est le poumon économique du Nord. Tout blocage se répercute sur les marchés et les prix. Aïssatou, commerçante de Garoua, résume : « Quand les camions n’arrivent pas, tout augmente. » La RN1 n’est pas qu’une voie de transport : elle pulse, respire et blesse.

Ngaoundéré, cicatrice et carrefour

À l’entrée de la ville, le bus s’arrête devant l’Université. Les étudiants descendent, rient et étirent leurs bras fatigués. Ngaoundéré, carrefour du Nord et du Sud, porte les stigmates du voyage : poussière rouge, ralentisseurs improvisés et regards inquiets des habitants. Dans cette ville, chaque fissure est un jugement, chaque bosse un symbole. Pendant les heures d’escales ici, intrigues et blagues s’invitent parmi les passagers. Sur les banquettes installées dans la salle d’attente de l’agence, un jeune étudiant tchadien lâche en sirotant son thé : « Cette route, c’est le nerf de l’Afrique centrale.

Mais elle est traitée comme une piste de village ». « Celui qui répare la route aura nos voix », confie un vieux vendeur. C’est à bord d’un second bus immatriculé LT 708 LX estampillé « Confort VIP » que les passagers reprennent la route. Le trajet qui va de Ngaoundéré à Garoua Boulai est moins contraignant. Mais nids de poules et surprises s’invitent à l’aventure.

La RN1, miroir du Cameroun

Deux jours plus tard, 12 septembre, 6h35. Le bus atteint Yaoundé après 37 heures de voyage. Visages creusés par la fatigue, yeux empreints d’histoires et de paysages traversés. La RN1 n’est plus seulement une route : elle est un verdict silencieux sur le Cameroun, un miroir des fractures et des frustrations, une artère où se jouent dignité et citoyenneté. Chaque kilomètre parcouru est une leçon.

Chaque secousse un rappel : la route, c’est la voix du peuple. En octobre, les passagers de la RN1 voteront non seulement pour des candidats, mais pour la dignité de circuler, de commercer, de vivre pleinement dans un pays qui ne les oublie pas. « La route est devenue un terrain électoral. En octobre, ce sont eux, les usagers de la RN1, qui auront la parole. Et dans l’urne, ils ne voteront pas seulement pour un candidat. Ils voteront aussi pour la route », commente un universitaire anonyme en transit pour Yaoundé.

Tom

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