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L’Afrique face à son choix : parler d’une seule voix à l’UNESCO

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Le retrait de la candidate mexicaine Gabriela Ramos, annoncé le 22 août dernier, a rebattu les cartes de la course à la direction générale de l’Unesco.

Pour la première fois depuis près de quarante ans, le poste est à portée de main d’un Africain. Firmin Edouard Matoko, candidat du Congo, et Khaled Ahmed El-Enany Ali Ezz, candidat de l’Égypte, incarnent désormais l’espoir d’un continent qui aspire à peser davantage dans la gouvernance mondiale. Mais cette opportunité historique risque de se transformer en nouvelle fracture si l’Afrique ne parvient pas à surmonter ses divisions.

À Sipopo, lors de la 7e session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale), les dirigeants ont pris acte de la nouvelle configuration. L’enthousiasme a vite laissé place à un embarras palpable : deux candidats africains pour un seul poste, deux visions, deux soutiens diplomatiques… mais un seul fauteuil à Paris. Le risque est clair : voir les voix africaines se disperser et offrir, par cette rivalité, une victoire indirecte aux autres blocs régionaux mieux organisés et stratégiquement plus disciplinés. À Sipopo, un appel a été lancé pour que le Congo et l’Égypte trouvent un terrain d’entente. Cet appel ne doit pas rester lettre morte. Car l’élection à l’Unesco ne se jouera pas seulement à Paris, mais dans les coulisses des alliances régionales, là où se négocient les soutiens et où se scellent les compromis. Une candidature africaine unique, portée par l’Union africaine et relayée par les organisations sous régionales, aurait le poids d’un symbole et la force d’une légitimité incontestable.

L’enjeu dépasse les carrières individuelles. Il s’agit de la place de l’Afrique dans l’arène multilatérale. L’Unesco n’est pas une organisation secondaire. Elle incarne la promotion du savoir, de la culture, du patrimoine et de l’éducation – autant de domaines où le continent, riche de sa diversité mais encore marginalisé, a besoin d’être entendu et reconnu. Quarante ans après Amadou-Mahtar M’Bow, figure pionnière et visionnaire, l’Afrique a l’occasion de retrouver une voix au cœur de la diplomatie culturelle mondiale. Rater cette chance serait une faute politique.

Les États africains ont déjà payé le prix de leurs querelles intestines sur la scène internationale. Combien de sièges au Conseil de sécurité, à l’OMC, ou au sein des grandes agences de l’ONU ont échappé au continent faute de consensus ? Combien de fois les ambitions nationales ont-elles pris le pas sur la nécessité d’une représentation collective ? Chaque division affaiblit la crédibilité africaine et conforte l’idée que ce continent reste incapable de dépasser ses frontières pour défendre l’intérêt commun.

L’heure n’est plus aux demi-mesures. Le Congo et l’Égypte doivent dépasser leurs ambitions nationales et comprendre que la victoire de l’un sera la victoire de tous. L’Union africaine a le devoir d’imposer une candidature unique, soutenue par toutes les capitales. Faute de quoi, le continent offrira au reste du monde un spectacle affligeant : celui d’une Afrique incapable de se rassembler même lorsqu’elle a toutes les cartes en main. Soyons clairs : si l’Afrique échoue encore à parler d’une seule voix, elle portera seule la responsabilité de son effacement diplomatique. L’histoire jugera sévèrement un continent qui, faute de cohésion, aurait laissé passer l’occasion de se réinscrire au centre du jeu multilatéral.

Jean-René Meva’a Amougou

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