Après plus d’une décennie de croissance fulgurante, le marché de l’argent mobile en Afrique francophone s’apprête à franchir une nouvelle étape, ouvrant la voie à des transactions plus fluides et moins coûteuses.

Jusqu’ici, chaque acteur fonctionnait en vase clos. Un client d’Orange Money qui voulait envoyer des fonds vers un compte Wave, ou un abonné MTN souhaitant transférer de l’argent vers Moov, se heurtait à des frais élevés, voire à l’impossibilité technique d’effectuer l’opération. Cette fragmentation freinait l’inclusion financière, malgré l’adoption massive du mobile money dans la sous-région.
Face à ces limites, les autorités monétaires ont décidé d’agir. Des sources très introduites affirment que la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) mettent en place un cadre réglementaire destiné à connecter les différents portefeuilles numériques et les établissements bancaires. L’objectif est clair : bâtir un espace intégré où les utilisateurs pourront transférer leur argent à travers les frontières et les opérateurs, avec davantage de souplesse et à moindre coût.
Les implications sont considérables. Pour les banques traditionnelles, l’ouverture des systèmes crée un terrain de jeu plus concurrentiel, mais aussi une opportunité d’élargir leur clientèle en s’appuyant sur les réseaux mobiles. Pour les fintechs, souvent présentées comme les grandes gagnantes de l’ère numérique, la donne change : leur principal avantage, la construction de réseaux fermés et exclusifs, pourrait s’éroder face à un marché désormais ouvert.
Le cas de Wave illustre ce tournant. La licorne sénégalaise avait bâti son succès sur des frais réduits et une adoption massive, mais l’interopérabilité pourrait redistribuer les cartes en nivelant les avantages compétitifs. Le commerce électronique, l’agritech et surtout les transferts de fonds, secteurs dynamiques et stratégiques pour les économies locales, devraient être directement impactés.
Au-delà des enjeux techniques, c’est tout le visage de la finance numérique en Afrique francophone qui se redessine. En facilitant la circulation de la monnaie entre la CEMAC et l’UEMOA, l’interopérabilité pourrait renforcer l’intégration économique régionale et stimuler l’innovation. Une question demeure toutefois : ce changement profitera- t-il réellement aux populations, ou accentuera-t-il la concurrence au détriment de la rentabilité des acteurs ? Une chose est sûre : l’Afrique francophone entre dans une nouvelle ère financière, où la connectivité entre systèmes sera la clé de la prochaine phase d’inclusion.
Ongoung Zong Bella