À la veille d’une présidentielle explosive, le clergé catholique se divise entre prudence diplomatique et discours frontal. Alors que certains évêques sont reçus au Palais de l’Unité, trois autres voix fortes brisent le consensus en appelant clairement les Camerounais à choisir l’alternance au sommet de l’État.

Monseigneur Paul Lontsie-Keune, évêque de Bafoussam: l’inflexible
À l’approche de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, l’évêque de Bafoussam a livré un message fort au peuple camerounais. Il dénonce d’abord les zones d’ombre qui entourent le processus électoral : « reports des élections législatives et municipales, multiplication des candidatures, rejet systématique des recours, restrictions des libertés publiques, présence massive des forces de l’ordre et montée du tribalisme ». Autant de signaux inquiétants qui amènent l’homme d’Église à poser une question centrale : « le Cameroun veut-il vraiment de la démocratie et de l’alternance ? ».
Pour le prélat, « aucune paix durable ne peut être construite sur le mensonge, la fraude, la peur ou l’injustice. La véritable paix, affirme-t-il, repose uniquement sur la justice, la vérité et le respect de l’État de droit. L’absence d’alternance prépare le lit des conflits futurs et non de la paix », avertit-il avec gravité. Citant la Bible et le philosophe Claude Lefort, il rappelle que « le pouvoir doit rester provisoire et soumis aux règles démocratiques, et que l’alternance est un bien précieux pour toute nation : elle évite la confiscation du pouvoir, renouvelle la légitimité des institutions et redonne au peuple le sentiment de sa souveraineté ». Au Conseil constitutionnel, il lance un appel solennel : « dire le droit, rien que le droit, loin des influences partisanes, afin que la justice ne soit pas seulement rendue, mais également perçue comme telle ».
Les propos de Mgr Lontsié-Keune ont déclenché des réactions contrastées, allant du soutien à l’inquiétude, en passant par la suspicion d’ingérence politique. Ils illustrent également une Église aux voix parfois discordantes sur la question cruciale d’une possible alternance en 2025. Le gouvernement, via son porte-parole, le ministre René Emmanuel Sadi, a tenté de minimiser ces prises de position. Tout en affirmant reconnaître le droit à la libre expression, il a jugé certaines opinions, notamment celles centrées sur la présidentielle, comme excessivement véhémentes ou fondées sur des interprétations abusives des propos.
TOM