L’insécurité en RCA a bouleversé la vie de l’adolescent. Il a dû abandonner les salles de classe pour trouver la pitance quotidienne.
11 ans d’âge et déjà leader de sa famille. La faute à la guerre. Les Chinois du chantier de construction de l’autoroute hésitent à lui donner sa chance : « Tu es encore trop jeune. Rentre à la maison ». Mais Hervé ne l’entend de cette oreille. Il utilise un argument convaincant, celui de chef de famille : « messieurs, si je ne travaille pas, nous allons dormir affamé ». Les Chinois acceptent à contrecœur de prendre le petit Hervé comme manœuvre. Mais il est commis aux petites tâches : se balader avec le tuyau d’eau ou passer la pelle à un technicien.
Pour répondre aux critiques, son mentor monte au créneau. Pour Jean, son filleul travaille actuellement pour trouver l’argent qui enverra à ses frères et sœurs encore sur les bancs de l’école. « Vous ne pouvez pas comprendre, cet enfant veut voir ses frères partir à l’école. Quand il reçoit sa paye le vendredi, il cherche un point de transfert d’argent et il met cet argent dans son compte. Actuellement, Hervé a au minimum 120.000 FCFA d’économie », révèle-t-il. Il poursuit : « savez-vous qu’il paye la scolarité de son grand frère ». C’est une élite, y compris pour son village natal. « Hervé envoie aussi de l’argent, des habits et des chaussures en RCA. Il est vu comme un dieu par les membres de sa famille », renchérit-il.
Sa maturité est encore plus visible à la fin de journée de ce vendredi 08 août 2025. Contrairement à ses collègues aînés qui cherchent à manger les menus copieux, ou à prendre des crédits chez Diane la vendeuse du coin, le petit Hervé s’assoit pour évaluer et élaborer les stratégies d’utilisation de sa paye du samedi. « L’heure n’est pas à la blague, les rentrées arrivent. Je vais prendre un verre de tapioca (100 FCFA), le sucre et le tour est joué. Ma facture ne dépasse pas 200 FCFA », prévient Hervé. Ces multiples actes de maturité amènent certains parents à le prendre en exemple et en sympathie. Ils promettent des fournitures scolaires pour les frères et sœurs de Hervé.
André Gromyko Balla
