Home INTÉGRATION RÉGIONALE Le régime transforme les temples du savoir en casernes politiques

Le régime transforme les temples du savoir en casernes politiques

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En Côte d’Ivoire, l’université, lieu sacré de la pensée, du débat et de la formation de l’élite nationale, est en train de subir une profonde transformation. Non pas une évolution académique, non pas une réforme de fond tournée vers l’excellence, mais une dérive politique grave, orchestrée par le régime d’Alassane Ouattara et son ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Adama Diawara.

La dernière trouvaille de ce prétendu ministre consiste à installer des forces parallèles et irrégulières sur les campus universitaires. Des groupes supposément chargés de la « sécurité », mais qui, dans les faits, servent à surveiller, intimider et réprimer les étudiants. Ces milices, formées en marge des structures officielles, sont financées sur fonds publics. Autrement dit : l’argent du contribuable est utilisé non pas pour élever le niveau de l’enseignement supérieur, mais pour museler la jeunesse ivoirienne.

Quand le ministre tente d’acheter la conscience des étudiants

Le nom d’Adama Diawara ne fait pas l’unanimité dans les cercles académiques, et pour cause. Déjà, le 14 septembre 2023, il s’était illustré dans un scandale de corruption morale. À l’époque, les étudiants de l’École préparatoire aux sciences de la santé (EPSS) s’opposaient à la suppression du tronc commun en médecine, mesure controversée et incompréhensible, qui risquait d’appauvrir la formation médicale ivoirienne. Face à la résistance des étudiants, le ministre n’avait rien trouvé de mieux que de proposer des billets de banque pour tenter de les faire taire. Mais, preuve que tout n’est pas perdu, ces étudiants avaient refusé cet acte de corruption manifeste. Ils avaient dit niet à une tentative de marchandage politique. Ce refus avait mis en lumière l’indécence du régime et le manque de légitimité morale d’un ministre qui, dans tout pays normal, aurait dû présenter sa démission immédiate. Seulement voilà: depuis avril 2011, la Côte d’Ivoire n’est plus un pays normal. Ce pays est tombé dans une logique où l’éthique, l’intégrité, la responsabilité ne sont plus les piliers de la vie publique.

Vers une dictature académique ?

En installant ces forces de sécurité informelles dans les universités, le pouvoir franchit une ligne rouge. Les franchises universitaires, qui garantissent l’autonomie des institutions et la liberté d’expression académique, sont piétinées. L’université devient un espace sous surveillance, non plus un lieu de liberté intellectuelle, mais une zone militarisée au service d’un régime autoritaire. Le prétexte est toujours le même: assurer la sécurité des biens et des personnes. Mais, en réalité, ce que craint le régime, ce n’est pas l’insécurité, c’est la voix libre et critique des étudiants. Ce sont eux, historiquement, qui ont toujours été à la pointe des contestations. Ce sont eux qui, dans les années 1990, ont contribué à la chute du parti unique. Ce sont eux qui, demain, pourraient devenir les fers de lance d’un soulèvement populaire.
En muselant l’université, le régime Ouattara cherche donc à tuer dans l’œuf toute contestation possible. C’est une stratégie de contrôle total de la société, de l’espace public, des institutions, et même de la pensée.

Une dérive qui s’inscrit dans un système plus large

Cette dérive universitaire n’est que la face visible d’un iceberg bien plus inquiétant: la transformation progressive de l’État ivoirien en instrument de répression au service d’intérêts privés et étrangers. Le régime ne gouverne plus pour les Ivoiriens, mais pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Le départ du PDCI du RHDP, autrefois principal allié du pouvoir, a révélé au grand jour les fractures internes de ce régime. Le climat politique est délétère, marqué par l’exclusion de figures majeures de l’opposition, la mainmise sur les médias publics, l’instrumentalisation de la justice, et l’utilisation abusive des forces de l’ordre contre les manifestations pacifiques.
Aujourd’hui, même les pays voisins s’inquiètent de la situation en Côte d’Ivoire. Le régime Ouattara, perçu comme inflexible, autocratique et déconnecté du peuple, est vu comme un facteur d’instabilité pour l’ensemble de la sous-région. Le vent de rejet des régimes autoritaires qui souffle sur l’Afrique de l’Ouest n’épargnera pas Abidjan.

Le peuple se réveille

Le 9 août 2025 restera une date charnière. Ce jour-là, des milliers d’Ivoiriens ont répondu à l’appel du PPA-CI et du PDCI pour dénoncer la dérive dictatoriale du régime. À Yopougon, à Abobo, à Bouaké, à Daloa, le peuple a marché, non plus par peur, mais par dignité. C’est la preuve que l’inertie n’est plus une option. Comme le disait Machiavel, « La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples. » Mais cette forteresse commence à se fissurer. La population ne veut plus d’un pouvoir qui traque les étudiants, qui exclut les opposants, qui règne par la peur, et surtout, qui fait de la Côte d’Ivoire une terre d’aliénation politique.
Aujourd’hui, les Ivoiriens sont étrangers dans leur propre pays. Ils voient leurs institutions dévoyées, leurs droits bafoués, leur jeunesse maltraitée. L’heure est venue de dire stop.

Conclusion

Ce qui se joue aujourd’hui dans les universités ivoiriennes dépasse le simple cadre de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un combat pour la souveraineté nationale, pour la démocratie, pour la justice, pour la dignité humaine.
Les universités ne doivent pas devenir des casernes. Les étudiants ne doivent pas être traités comme des ennemis de l’État. Les ministres ne doivent pas acheter le silence par des billets de banque. Et le peuple ne doit plus tolérer un pouvoir qui le méprise.
Si la Côte d’Ivoire veut retrouver sa normalité, elle doit commencer par purger son système des pratiques autoritaires. Le retour à l’éthique, à la transparence, à la responsabilité publique est une urgence. Le réveil du peuple, amorcé le 9 août 2025, doit se poursuivre. Car un peuple qui se tait devient complice.

Jean-Claude DJEREKE

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