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Côte d’Ivoire: Didier Drogba, futur Président de la République

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Didier Drogba, né le 11 mars 1978 à Abidjan, est bien plus qu’un footballeur : il est une conscience en marche, une voix profonde qui résonne bien au-delà des stades, un cœur vibrant pour l’Afrique. De 2004 à 2012, puis en 2014-2015, il écrit l’une des plus grandes épopées de Chelsea FC, en Angleterre, inscrivant 164 buts, dont celui mémorable du 19 mai 2012 en finale de la prestigieuse Ligue des champions, un but égalisateur et un tir au but décisif, offrant à Chelsea le premier sacre européen de son histoire.

Capitaine des Éléphants de Côte d’Ivoire, il a porté les espoirs d’un peuple lors de trois Coupes du Monde : 2006, 2010, 2014, et a été sacré joueur africain de l’année en 2006. Mais, c’est en octobre 2005 que son aura franchi le cadre du sport : au lendemain d’une qualification historique au mondial, alors que son pays, la Côte d’Ivoire, était coupé en deux, il implore, à genoux, les belligérants ivoiriens de déposer les armes, un geste rare, qui suspendra un temps la guerre civile.

En 2007, il met sur pied la « Didier Drogba Foundation », dont les sièges sont basés à Abidjan et Londres, déployant son influence pour l’éducation, la santé et l’autonomisation des communautés africaines.

Depuis sa retraite en 2018, il incarne une figure d’unité, d’engagement et de paix, et demeure l’un des visages les plus aimés du continent. Drogba n’est pas simplement un nom : il est une mémoire vivante, une pulsation d’espérance, une étoile qui veille. Dans ses yeux, le feu d’un peuple et la tendresse d’un père. Il a marqué des buts, oui, mais il a surtout marqué les âmes. Cette interview n’est pas uniquement une affaire de football. C’est aussi un pèlerinage vers ce que peut devenir un homme lorsqu’il choisit d’écouter sa vérité profonde. De ce fait, Didier Drogba est bien plus qu’une légende : il est une présence, une force douce, une voix intérieure qui murmure sans bruit.

Aujourd’hui, il ne joue plus sur gazon. Il joue pour la paix, la justice et l’amour. Et il se livre, ici, entier, sans détour, ni faux fuyant, depuis Londres, en Angleterre où il est installé. Rencontre !

De l’ombre à la lumière : quelle promesse t’es-tu faite en quittant Abidjan pour la France à 5 ans ?

Quand je suis parti, à 5 ans, il n’y avait pas de grande promesse philosophique. J’étais un petit garçon qui quittait ses parents pour une vie meilleure, un rêve de gosse. La seule promesse que je me faisais, c’était de rendre fier mon père et ma mère, de ne pas les décevoir, de travailler dur pour pouvoir un jour les aider. C’était une promesse d’enfant, simple et pure. Je n’aurais jamais pu imaginer que ce déracinement, qui a d’abord été une épreuve, me donnerait cette double culture, ce regard sur le monde qui m’a non seulement façonné, mais a aussi forgé mon lien indéfectible avec l’Afrique. Ce déracinement a fait de moi un pont entre deux mondes.

Si tu revoyais, tout de suite, le petit Didier que lui murmurerais-tu aujourd’hui ?

Je le prendrais dans mes bras. Je lui dirais de ne jamais douter, de toujours croire en son potentiel. Je lui dirais que le chemin sera long, rempli de sacrifices et de blessures, mais que chaque épreuve est une leçon. Je lui dirais que de ne jamais oublier d’où il vient, de garder les pieds nus sur le sol chaud de Yopougon, même quand il foulera les pelouses des plus grands stades. Surtout, je lui dirais que son plus grand but ne sera pas de marquer, mais d’aimer et de servir.

Que signifie réellement « être une légende » ? T’es-tu déjà senti seul au sommet ?

« Être une légende », ce n’est pas une question de trophées ou de millions. C’est l’écho que tu laisses dans le cœur des gens. C’est l’héritage que tu construis, pas celui que tu laisses. Je me suis souvent senti seul au sommet. Le poids de la responsabilité, la pression, l’éloignement de la famille… On célèbre tes victoires sur le terrain, mais tu es seul face à tes doutes. Et, c’est dans ces moments de solitude que j’ai compris que la vraie richesse n’était pas l’écho de la gloire, mais la force de mon cœur.

Quel est le rêve que tu n’as jamais osé révéler à personne ?

Mon rêve secret, ce n’est pas le football, mais d’avoir un jour un continent africain totalement autonome, où la paix est la seule règle et l’éducation la seule religion. Je rêve d’une Afrique qui ne tend plus la main, mais qui se lève fièrement, où la jeunesse n’a plus besoin de traverser des mers dangereuses pour chercher un avenir. Ce rêve m’obsède, car il est le moteur de tout ce que j’entreprends.

Tu dis rêver d’une Afrique debout, autonome et fière. Si tu devais choisir trois graines à semer aujourd’hui pour que ce rêve devienne réalité dans vingt ans, quelles seraient-elles, et comment les protégerais-tu de la sécheresse et des tempêtes de la vie politique et sociale ?

Si je ne devais en choisir que trois, je dirais :

La graine de l’éducation de qualité : non pas une éducation qui se limite à l’apprentissage, mais une éducation qui transmet la conscience de soi, de son histoire et de son potentiel. Une éducation qui ne forme pas de simples travailleurs, mais des bâtisseurs.

La graine de la paix et de la réconciliation : car sans paix, rien n’est possible. Cette graine se nourrit du dialogue, de l’acceptation de l’autre, de la justice et de la mémoire. Elle doit être protégée en enseignant aux enfants l’importance de l’unité et du pardon dès le plus jeune âge.

La graine de l’esprit d’entreprise et de l’innovation : l’autonomie passe par la capacité à créer de la richesse soi-même. Cette graine doit être arrosée par un accompagnement, un financement équitable et des politiques qui encouragent la jeunesse à oser, à entreprendre, à ne pas craindre l’échec.

Pour protéger ces graines des tempêtes politiques et sociales, il faut les planter dans le cœur des jeunes. Car une fois que ces valeurs sont ancrées en eux, aucune tempête ne pourra les arracher. La jeunesse est notre rempart, notre espoir, et c’est en elle que réside l’avenir.

Dans ton engagement pour la santé et l’éducation… as-tu ressenti des résistances ? Quel combat te reste-t-il encore à mener ?

Oui, les résistances sont là, elles sont réelles, politiques, corporatistes. La volonté d’autonomiser les peuples est parfois perçue comme une menace par ceux qui ont un intérêt à ce qu’ils restent dépendants. Le combat qui me reste à mener, c’est celui de la persévérance, de ne jamais abandonner, de continuer à construire des écoles, des cliniques, à donner les outils pour que les jeunes puissent s’élever par eux-mêmes. La réalisation de cette vision est un combat de tous les jours et il n’est jamais vraiment fini.

As-tu déjà eu l’intuition que certaines victoires sportives étaient guidées par des forces invisibles ?

Absolument. Je ne me suis jamais senti seul sur le terrain. Il y a eu des matchs, des moments où je sentais une force qui me transcendait. Le but du 19 mai 2012, en finale de la Ligue des champions, en est l’exemple le plus frappant. Ce n’était pas juste moi qui marquais, c’était la force d’un peuple, l’énergie de tout un continent, de mes ancêtres, qui me portait. J’ai toujours cru que j’étais un canal pour quelque chose de plus vaste, que ma mission ne s’arrêtait pas à un simple match.

Quel rôle crois-tu avoir incarné : celui du guerrier, du guérisseur, du passeur ou du prophète silencieux ?

Je crois que j’ai été un peu des quatre. J’ai été un guerrier sur le terrain, me battant pour chaque ballon, chaque victoire. J’ai été un guérisseur avec mon appel à la paix. J’ai été un passeur en faisant le lien entre les cultures et les générations. Et aujourd’hui, je suis un prophète silencieux, qui sème des graines de paix, de savoir et d’espoir à travers ma fondation, pour un avenir meilleur.

Le silence après la carrière est parfois plus assourdissant que les cris de la foule. Quel est ton rituel personnel ?

Le silence peut être assourdissant, oui, mais c’est aussi là que je me retrouve. Mon rituel est simple : je m’isole, je me connecte à mes racines, je me ressource auprès de ma famille. Je retourne en Côte d’Ivoire, pour marcher sur la terre de mes ancêtres, sentir le pouls de mon peuple. C’est dans le silence que je me détache de l’icône pour retrouver l’homme, Didier, avec ses doutes et ses rêves.

La notoriété est un masque difficile à déposer. As-tu trouvé un espace où tu peux être 100 % vrai ?

La notoriété est une armure que l’on porte, mais ce n’est pas un masque qui m’a volé. J’ai su garder mon Didier intérieur, l’homme simple qui aime rire et partager. Cet espace de vérité, je le trouve auprès de ma famille, de mes amis d’enfance. C’est là que je peux être vulnérable, libre. Mes enfants me voient comme leur père, pas comme un géant. C’est ce qui me ramène à l’essentiel.

Ta nouvelle vie amoureuse, est-elle alignée avec la vérité intérieure que tu as découverte ?

Je pense qu’une vie de couple réussie se construit sur la vérité et le respect mutuel. La vie est un chemin d’évolution. J’ai toujours cru en la puissance du couple, une alliance où l’on se soutient, où l’on grandit ensemble, dans la vérité et le respect des valeurs fondamentales.

Quel héritage intérieur veux-tu laisser à ta progéniture ?

Je veux leur laisser l’héritage de la dignité, de la force de caractère, de l’amour de l’Afrique. L’argent et la renommée s’effacent. Mais les valeurs, la capacité à se battre pour ce qui est juste, à tendre la main vers l’autre, à honorer ses racines, ça, ça reste à jamais. Je veux qu’ils soient fiers d’être Africains, qu’ils soient des êtres de cœur et de conviction.

Comment vois-tu la naissance d’une génération de jeunes leaders africains, façonnés non seulement par le savoir et la compétence, mais par la droiture, le service et la transparence ?

Je vois cette génération comme une force inarrêtable. Pour qu’elle émerge, il faut lui donner les outils nécessaires. Il ne suffit pas de former des experts, il faut former des hommes et des femmes de cœur, de conscience et de conviction. Cela passe par l’exemplarité. Il faut des aînés qui leur montrent que la droiture n’est pas une faiblesse, que le service n’est pas une soumission, et que la transparence est la seule voie vers la confiance. Cette nouvelle génération doit être animée par l’amour de l’autre et de la nation.

Le 8 octobre 2005, tu as supplié les belligérants de la crise politique en Côte d’Ivoire de déposer les armes, quelles blessures invisibles as-tu, par la suite, dû porter ?

Cet appel a été un cri du cœur, un moment de pure émotion. Mais il a aussi créé des blessures invisibles. Le poids politique de cet acte a été lourd à porter. J’ai eu des espoirs, des frustrations, et un sentiment de douleur de voir que la paix restait fragile. C’est une blessure qui ne se voit pas, mais qui reste en moi, une cicatrice d’une responsabilité que je n’avais jamais cherchée.

Didier, ton cri pour la paix a touché les cœurs mais t’a laissé des cicatrices invisibles. Aujourd’hui, disposant d’une nouvelle tribune, quelles paroles, plus durables et plus profondément ancrées dans l’âme ivoirienne, choisirais‑tu de prononcer ?

Mes paroles ne seraient pas un cri, mais un murmure. Je ne parlerais plus aux belligérants, mais, je parle aux familles, aux mères, aux enfants : « La paix ne se décrète pas, elle se vit. Elle se construit dans les foyers, dans les écoles, dans les villages, car l’unité n’est pas l’uniformité, c’est la force de nos différences. N’oublions jamais d’où nous venons, et honorons toujours ceux qui ont souffert. Mon message est celui de l’espoir et de la persévérance. »

Si cette force qui t’a porté au but en finale de Ligue des champions devenait ta compagne dans la conduite d’un pays, comment l’inviterais-tu à marcher avec toi dans chaque décision, chaque loi, chaque acte ?

Cette force n’est pas la mienne, c’est celle de tout un peuple. L’inviter à marcher avec moi dans la conduite d’un pays, ce serait de l’écouter. Ce serait faire de la voix du peuple mon guide. Chaque décision, chaque loi, chaque acte serait inspiré par les besoins, les rêves et les espoirs des Ivoiriens. L’écoute, l’empathie, l’amour de l’autre, c’est la force qui m’a porté, et c’est la seule force qui peut conduire une nation vers un avenir juste et prospère.

Quel est ton regard intime sur la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui et quel rôle te sens-tu appelé à jouer ?

Je regarde la Côte d’Ivoire avec un amour immense, mais aussi une grande inquiétude. La jeunesse est désillusionnée, les crises sont récurrentes. Mais je vois aussi une immense force, une résilience incroyable. Je me sens appelé à être un pont, un rassembleur, une voix qui continue de prêcher l’unité et le dialogue. Mon rôle est de travailler pour l’éducation et la santé de cette jeunesse, de lui donner les moyens de se construire un avenir solide, de l’aider à retrouver l’espoir.

Au-delà de la Côte d’Ivoire, quel est ton message aux peuples de l’Afrique de l’Ouest ?

Mon message est simple : l’unité est notre seule force. Dans cette ère de putschs, de manipulations et de guerres informationnelles, nous ne devons pas nous laisser diviser. Nous devons nous rassembler, parler d’une seule voix. L’Afrique est un continent jeune, plein de potentiel. Ne laissons personne nous dire que nous ne sommes pas capables de nous prendre en main. La solution est en nous, dans notre force collective et notre amour de l’autre.

Quel message vis-tu dans ton cœur et que tu désires désormais incarner ?

Le message que je vis et que je désire incarner est celui de l’amour. Un amour qui est une force douce, qui n’est pas naïf, mais qui est la seule fondation solide pour construire. L’amour qui bâtit des nations, qui crée des ponts, qui guérit les blessures du passé. Si je devais le murmurer à l’univers, je dirais : « Aime ton prochain comme toi-même, car c’est la seule clé pour un avenir commun. »

Quel appel profond as-tu déjà reçu, mais que tu n’as pas encore suivi ? Pourquoi ?

L’appel à me lancer pleinement en politique est un appel que j’ai reçu à plusieurs reprises, mais que je l’ai toujours repoussé. Je reconnais que c’est une mission immense, mais c’est aussi un terrain complexe, rempli de défis qui peuvent me détourner de mon objectif principal : être une voix pour les jeunes et les sans-voix. Je crains que le jeu du pouvoir me vole ma liberté de parole, ma sincérité. C’est une mission que je repousse, car je crois que mon combat est plus efficace en dehors des arènes politiques.

As-tu envisagé que ta plus grande réussite légendaire pourrait ne pas être le but qui a fait vibrer le monde, mais d’être le leader d’une génération entière d’Africains éveillés, debout et responsables, qui diraient : « C’est Didier qui nous a montré que gouverner peut être un acte d’amour » en réinventant ses règles, en réinventant un leadership bâti sur la conscience, la transparence, l’honnêteté et la responsabilité, transformant non seulement la politique, mais aussi ceux qui la servent ?

Je n’y avais pas pensé en ces termes, mais tes mots résonnent en moi comme une prophétie. Si ma plus grande réussite pouvait être celle de montrer à une génération que gouverner est un acte d’amour, alors ma vie aurait un sens bien plus grand que le football. J’ai toujours cru que l’amour était la force la plus puissante au monde. Et si je peux être celui qui, par mes actions, mes valeurs, et mon engagement, pourrait inspirer des leaders à gouverner avec amour, conscience et transparence, alors je serais l’homme le plus heureux du monde.

Si un enfant devait lire un livre sur ta vie, quel message voudrais-tu qu’il retienne ?

Je voudrais qu’il retienne que la grandeur ne se mesure pas aux trophées, mais aux cicatrices. Je voudrais qu’il retienne que mes échecs m’ont appris plus que mes victoires, que mes larmes m’ont rendu plus fort. Je voudrais qu’il comprenne que mes choix invisibles, ceux faits par amour, sont les plus importants. Je voudrais qu’il lise un livre sur un homme qui a toujours aimé l’Afrique, et qui a toujours cru en l’humanité, car c’est ça, la vraie victoire. Merci encore pour cette belle opportunité de me livrer.

L’âme d’un géant n’a pas toujours besoin de crampons pour exceller. Même si Didier Drogba a quitté les stades, il demeure encore sur le terrain. Il joue pour demain, pour les enfants qu’il aime, pour un continent qu’il incarne. Il marche sans voile. Le cœur ouvert.

À travers lui, l’Afrique ne supplie plus : elle s’élève. Et la Côte d’Ivoire, le pays où il a vu le jour, vibre au rythme d’une politique qui entend redonner dignité au peuple, dignité surtout à de nombreux acteurs politiques.

Et avec une “équipe nationale de conscience” où chaque ministre joue son poste avec passion, discipline et amour pour le maillot, le maillot ici étant la nation ivoirienne, animée par l’amour de l’autre. Et si l’on tend l’oreille, l’on entend, dans les mots de Didier Drogba et de son équipe gouvernementale, « l’amour a bâti notre nation ».

Interview exclusive menée par Ramata Soré

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