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Dialogue politique en Côte d’Ivoire: théâtre d’ombres ou réelle volonté de changement ?

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Cinq dialogues politiques, cinq échecs. Aucun accord structurant. Aucun engagement ferme. Aucun mécanisme de mise en œuvre. La raison ? Le refus manifeste du pouvoir en place d’engager des réformes électorales de fond.

L’organisation d’élections libres et transparentes repose pourtant sur des piliers incontournables: l’audit crédible de la liste électorale, la réforme profonde de la Commission électorale indépendante (CEI) et un découpage électoral équilibré et accepté par toutes les parties prenantes. Or, ces trois revendications essentielles de l’opposition sont systématiquement éludées par le régime.

Il est clair que rien dans l’agenda du RHDP ne milite en faveur d’un processus électoral transparent. Toute réforme sérieuse de la CEI ou de la carte électorale risquerait de remettre en cause l’hégémonie du parti au pouvoir, construite sur des bases contestées. Dès lors, la stratégie est limpide: gagner du temps, simuler l’ouverture au dialogue, tout en maintenant les leviers du système électoral entre les mains du régime.

Une rencontre qui interroge

Le 16 juillet, la CAP-CI a rencontré des représentants du RHDP dans un cadre informel. Ce tête-à-tête, organisé dans les locaux du MGC, mouvement proche de Simone Gbagbo, étonne à plusieurs égards. D’abord, pourquoi dialoguer avec le RHDP en tant que parti, et non avec le gouvernement en tant qu’institution ? Ensuite, pourquoi tenir cette rencontre alors que les principales forces d’opposition – le PPA-CI de Laurent Gbagbo et le PDCI (aujourd’hui orphelin de son leader historique) – brillent par leur absence ?

On pourrait y voir une tentative d’avancer sur des questions urgentes. Mais il est difficile d’ignorer le désordre et l’improvisation qui entourent cette démarche. Une opposition sérieuse et unie ne peut se permettre de parler d’une seule voix aujourd’hui, et d’agir en ordre dispersé, le lendemain. Cette confusion affaiblit non seulement la crédibilité du front opposé au RHDP, mais elle trahit aussi un certain opportunisme politique de part et d’autre.

Une information relayée dans les coulisses politiques évoque l’intervention d’Emmanuel Macron auprès d’Alassane Ouattara comme facteur déclencheur de cette rencontre. Si cela s’avère exact, cela démontre une chose: Ouattara semble davantage réactif aux injonctions venues de l’Élysée qu’aux appels de ses propres concitoyens.
Ce n’est pas la première fois que la France joue un rôle discret dans la résolution (ou le maquillage) des crises ivoiriennes. Mais le fait que l’initiative d’un tel échange puisse venir d’un acteur étranger pose la question de la souveraineté politique du pays.

Un régime sans volonté de réforme

Le cœur du problème reste inchangé: le régime Ouattara ne veut ni réforme électorale, ni audit transparent, ni partage du pouvoir. Les élections à venir sont perçues non comme un moment démocratique, mais comme un dispositif à verrouiller pour assurer la continuité du pouvoir. Cette posture repose sur un mépris profond des exigences populaires.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il entretient le flou autour de sa propre candidature pour 2025. Le suspense qu’il maintient est tout sauf innocent. Comme le disait Machiavel, « la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples ». Cette inertie, Ouattara la cultive habilement, profitant du désarroi de l’opposition, de la lassitude populaire et de la passivité d’une société civile affaiblie.

Une opposition divisée et désorientée

Mais il serait malhonnête de ne blâmer que le régime en place. L’opposition ivoirienne porte aussi une part de responsabilité dans l’échec du processus démocratique. Son manque de cohésion, son absence de stratégie commune, et ses jeux d’alliance ambigus réduisent son efficacité. Comment espérer conquérir le pouvoir dans un tel désordre ? Comment prétendre sauver un pays abîmé par 15 ans de gouvernance RDR, quand on est soi-même incapable de s’unir autour de revendications claires ?

Les absences du PPA-CI et du PDCI à la rencontre du 16 juillet sont symptomatiques d’un malaise plus profond. Ces partis, chacun replié sur sa stratégie, donnent l’impression de préférer l’agenda électoral propre à leur base plutôt que la construction d’une alternative nationale crédible. Résultat: le pouvoir gagne du temps et le peuple, lui, perd espoir.

Pauvreté galopante, chômage des jeunes, accès difficile aux services de base, corruption institutionnalisée: les priorités du quotidien sont éclipsées par des calculs électoralistes.

La classe politique ivoirienne – dans son ensemble – donne l’image d’une élite déconnectée, plus préoccupée par sa survie que par le sort des citoyens. Et pourtant, la solution ne viendra que d’un sursaut populaire. L’Histoire enseigne que les régimes figés finissent toujours par céder face à la pression populaire. Mais encore faut-il que cette pression soit organisée, unie et constante.

Le dialogue politique en Côte d’Ivoire, tel qu’il est conduit aujourd’hui, n’est rien d’autre qu’un écran de fumée. Un faux-semblant. Une mascarade utile au régime pour entretenir l’illusion de la concertation, tout en gardant la main sur le système. La dernière rencontre entre la CAP-CI et le RHDP ne change rien à cette réalité. Elle illustre plutôt l’incapacité de l’opposition à peser sur le cours des choses. Pour espérer un changement réel, il faudra plus qu’un sixième dialogue. Il faudra une refondation du jeu politique, une réappropriation citoyenne du débat public et une opposition résolument unie. Car, face à un pouvoir qui a échoué, qui a appauvri et clochardisé le peuple, l’alternative ne peut naître que de la cohérence, du courage et d’une stratégie claire.

Jean-Claude DJEREKE

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