Faute de mieux, quelques citoyens y font de leurs machines à écrire un gagne-pain.

Par un matin de mercredi lugubre, Angèle, une petite jeune femme balaie un coin exigu au lieu-dit Poste centrale. Le visage engoncé dans une écharpe, elle termine sa séance de ménage. « Dormir, dormir… c’est bien joli, mais comment fait-on pour endormir la famine ? Eh bien ma foi, on sort dans la rue et on s’invente un poste », confie la jeune diplômée en droit. Ce dont elle parle, c’est sa « capacité à saisir 60 mots à la minute », avec sa modeste machine à écrire. Lassé de chercher un emplacement idéal, Angèle est finalement devenue une habituée de la Poste centrale. Ici, la jeune dame a défini sa stratégie marketing. Selon la secrétaire publique, le processus a d’abord consisté à analyser les opportunités existant à la Poste centrale. Puis à définir une offre concurrentielle s’adressant à une demande identifiée, et enfin à déterminer un plan d’actions et un système de contrôle qui lui permettent d’atteindre ses objectifs. » « Vous pouvez me confier votre boulot. Je peux même venir vous le remettre dans votre bureau. Vous ne payez le transport et je réduis le coût », répond Angèle.
Après avoir été limogée dans une entreprise de place ou elle était secrétaire bureautique il y a deux ans, Viviane a réussi à trouver la place dans le marché des saisies situé à proximité d’une banque derrière la poste centrale de la capitale. Elle n’a pas perdu les habitudes rigoureuses du secteur privé. Elle décide de ne plus travailler pour quiconque, elle est désormais autonome avec son secrétariat à ciel ouvert. Tous les matins, elle se rend de bonne heure pour commencer le travail afin de trouver la pitance lui permettant d’assurer les charges de chef de famille. Pour arriver à gagner de l’argent elle propose un travail de qualité aux clients. Le but est qu’ils reviennent dans son secrétariat niché dans un coin difficile d’accès. « Je gagne en moyenne 8 000 FCFA de lundi à vendredi. Ce qui me permet de tenir le coup. Je suis déjà en un chef d’entreprise même si elle est dans l’informel », se satisfait la dame.
Les retraités s’en mêlent aussi. Dieudonné, un jeune retraité, opère une transition pour ne pas trop subir l’oisiveté de la retraite. À force de fréquenter le coin lors des afterwork, il est tombé sous le charme du secrétariat bureautique. Le vacarme de la Poste centrale n’a pas été un problème. Lui également n’a pas perdu les réflexes de fonctionnaires. Il sort tous les matins et s’installe devant son ordinateur et sa photocopieuse. Contrairement à ses nouveaux collègues qui chassent les clients, Dieudonné a déjà son circuit. Ces anciens collègues encore en fonction et amis viennent toujours vers lui. Connaissant le fonctionnement de l’administration, il se fait beaucoup d’argent. « Je ne souffre pas. Au contraire, j’ai beaucoup d’argent actuellement par rapport à l’époque où j’étais agent public », confie-t-il.
André Gromyko Balla