Home AMBASSADES Notre société s’est emparée d’un gros thème : la cruauté

Notre société s’est emparée d’un gros thème : la cruauté

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On croit souvent que le Cameroun, c’est le pays où le quotidien est ingérable, où les incidents se multiplient.

C’est vrai. Tout le temps, d’absurdités ponctués par les mêmes déconvenues sont répétées ad nauseam. A chaque minute, boum, des faits divers égrènent des tableaux, tapent dans un torrent d’emmerdements, comme pour faire un signe à la société qui est la nôtre. Oui, chaque jour, au Cameroun, un fait divers énorme et brutal, oscillant entre burlesque et non-sens, sature l’espace public à l’aide de récits bouclés. Chaque jour, l’émotion d’entendre quelque récit imprévu et émouvant n’économise pas ses effets au sein de l’opinion publique.

Ces derniers jours, à travers le pays, l’affaire du « vol et disparition de sexe » et son intronisation médiatique mêlent des références plus ou moins pertinentes et des sentences les unes plus dures que les autres. Elle montre clairement le visage œcuménique des réactions d’un peuple vivant dans une jungle asphyxiante. En fait, voici un cas d’école de l’absorption du bon sens par le non-sens, sans la moindre prise de distance sur cette tyrannie du fait divers. Pourquoi ? La question n’a de simple que sa formulation. Ça fait peut-être un peu ringard mais, c’est sympathique, parfois marrant mais vraiment sans beaucoup plus. Sans être un spécialiste du « vol et de la disparition de sexe », et sans rompre bien évidemment avec notre compétence de journaliste, on se rend bien compte d’au moins une chose : l’empilement des récits et les différents registres d’analyse de cette affaire accumulent une série de sens et de non-sens, pour s’acheminer, l’air de rien, vers une œuvre d’utilité publique bizarrement fonctionnelle.

Et que dire lorsqu’on se tortille des questions troubles sur Saint-Désir Atango et ses filles ? L’affaire, dans ses afféteries et sa noirceur est de fait très bizarre. Elle dégouline de honte et de confusion mentale. Elle donne à voir et entendre des choses qu’on ne comprend pas bien, qu’on comprendra peut-être plus tard, et encore, jamais entièrement. Entre-temps, on souffle et on souffre devant cette affaire d’inceste. On est au-delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer. Bref, un ample tableau d’inceste complètement hors-sol, un chaud-froid qui fonctionne au-delà de toute prédiction. Qui regarde aujourd’hui ce vaste scandale, finit par conclure que notre société s’est emparée d’un gros thème : la cruauté. Face à l’émotion attachée aux évocations des événements rapportés, notre société se doit de sanctionner vigoureusement. Elle ne doit plus gommer ce qui est insoutenable et ce qui ne doit être accepté en aucune circonstance. Il n’est pas question ici d’entrer dans un débat stérile entre partisans ou adversaires de ci ou de çà, ou de chercher à disqualifier d’emblée un point de vue, mais de fixer les termes d’une problématique générale inscrite dans une orientation sans complaisance contre la cruauté. Cette cruauté qui débouche sur l’infamie et transforme l’humain en bête hurlante, interdit de penser qu’elle relève de cette « banalité du mal » selon la formule, devenue elle-même si banale, d’Hanna Arendt. S’il est envisageable de penser que les faits d’inceste reposent sur la férocité naturelle à l’humanité qui est déployée lorsque les circonstances le permettent, il est également urgent de les combattre.

Jean-René Meva’a

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