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Cemac : quand la vague venue de l’hinterland génère la tempête en haute mer

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Directeur général du PAD (à droite) en opération de reconquête du Tchad.

Brandies par la République Centrafricaine et le Tchad, les menaces d’abandon de la plateforme portuaire de Douala suscitent un branle-bas au Cameroun.

Directeur général du PAD (à droite) en opération de reconquête du Tchad.

«Le trafic maritime au port de Douala est en chute libre. En deux ans, il a pratiquement été réduit de moitié. Selon les chiffres officiels, le trafic maritime de cette place portuaire est passé de 15 millions de tonnes en 2015 à 8 millions au cours de cette année 2017. Sur le Tchad et la République Centrafricaine, Douala enregistre une baisse de 1,5 million de tonnes sur la même période. « Tous vont désormais au Soudan et au Benin », informe une source proche du dossier. En cause, les tracasseries et la corruption sur le corridor Douala-Ndjamena et sur le tronçon Douala-Bangui, soutient la même source ». Dans son édition N°305 du 18 décembre 2017, Intégration présentait déjà des indicateurs.  La pertinence de ceux-ci alertait justement sur les effets significatifs d’une dynamique mettant en péril les recettes engrangées par le Cameroun, grâce aux frets tchadien et centrafricain. 
 
Ce n’est pas tout…
En allant du plus ancien au plus récent, l’on tombe sur la décision du Tchad de rediriger ses flux commerciaux vers le port de Bata, en Guinée Equatoriale, au détriment des places portuaires de Douala et Kribi. Calculettes en main, les autorités camerounaises redoutaient alors des pertes énormes. Et pendant que Yaoundé était plongé dans ses grimoires, il apprenait encore que la RCA (République Centrafricaine) négociait l’ouverture d’une liaison commerciale avec le port de Bata en Guinée Equatoriale. « Les décisions tchadienne et centrafricaine soulignent l’émergence de Bata comme alternative crédible aux ports camerounais. Bien que sa capacité soit inférieure (7 millions de tonnes annuelles contre 12 et 20 millions pour Douala et Kribi), Bata bénéficie d’une meilleure fluidité dans les procédures douanières, réduisant les délais, d’une politique tarifaire compétitive, rendant les coûts plus prévisibles pour les importateurs et exportateurs pour contenir l’inflation », commentait alors François Ngomba. Pour le senior business manager camerounais, Douala et Kribi, les principales places portuaires de son pays « ont réalisé la vitalité et des ambitions du nain équato-guinéen avant de prendre des dispositions à partir de 2019 pour le cas de Douala ». 
« La Guinée équatoriale va désormais bénéficier des flux commerciaux en provenance du Tchad, avec les produits tchadiens passant par ses ports avant d’être acheminés par voie terrestre. Le rapprochement entre N’Djamena et Malabo remet en question la position dominante du Cameroun en Afrique centrale. En effet, le pays, qui a longtemps dominé le transit commercial dans la sous-région, pourrait voir une partie de ses échanges déviés vers les ports équato-guinéens. Ainsi, les ports de Kribi et Douala, jusque-là incontournables, se retrouveraient en concurrence directe avec ceux de la Guinée équatoriale. D’après les statistiques de la douane camerounaise, le Tchad et la République Centrafricaine, deux pays enclavés, font transiter chaque année des marchandises représentant respectivement 340 milliards FCFA et 55 milliards FCFA via les ports camerounais. Si ce trafic venait à se détourner vers la Guinée équatoriale, les pertes pour le Cameroun seraient considérables», analyse Daniella Ekosso, experte camerounaise en commerce international. 
« En clair, c’est la double pression venue de Ndjamena et de Bangui qui a remis en question le monopole logistique du Cameroun en Afrique centrale. Elle a carrément redessiné les équilibres économiques dans la sous-région », explique l’internationaliste Eddy Lionel Mbongo.

Louise Nsana

En vue de fluidifier le transit de marchandises en provenance ou à destination du Tchad, le Port autonome de Douala (PAD) et le Conseil des Chargeurs du Tchad (COC-TCHAD) ont scellé un protocole d’accord le 28 avril 2025. Alors qu’on annonçait le départ des chargeurs du Tchad du port de Douala-Bonabéri, pour des pays concurrents voisins, le protocole d’accord résonne à la fois comme une victoire diplomatique et géoéconomique pour le Cameroun. 
En flânant autour de cette actualité, il apparaît vite que l’affaire donne à voir des interactions dynamiques entre les Etats de la Cemac dotés d’infrastructures portuaires ouvertes à la mer d’une part, et ceux de l’hinterland d’autre part. À la lumière de l’ambiance actuelle, on peut objectivement penser que les pays de la Cemac sans littoral sont ceux qui modulent les enjeux stratégiques pour le contrôle des flux maritimes dans la sous-région. C’est une formule un peu forte.  Mais, de l’avis des experts, elle a la vertu d’être vraie. Voilà pourquoi le présent zoom s’attache à présenter les faits et à les expliquer.

Transit portuaire : le Cameroun sous pression du Tchad

Des concessions se multiplient afin de lever divers obstacles à la libre-circulation des biens à destination ou en provenance du pays de Mahamat Idriss Deby.

Le président de la République du Tchad a fait trembler Yaoundé le 21 janvier 2025 en signant l’accord de transit portuaire avec la Guinée équatoriale, d’une durée de cinq ans. Mahamat Idriss Deby ouvrant ainsi la voie à une reconfiguration du monopole logistique dans la sous-région Afrique centrale avec en sus des centaines de milliards de FCFA de pertes pour le Cameroun. Face à la pression, Yaoundé montre patte blanche. Des mesures sont prises afin d’apporter des réponses satisfaisantes aux réprobations de Ndjamena. Lesquels tournaient autour des pesanteurs observées à la gestion de son fret au Port autonome de Douala ; ainsi que des obstacles à la circulation des marchandises le long du corridor Douala-Ndjamena. C’est le sens que prend la signature d’un protocole d’accord entre le Port de Douala et le Conseil des chargeurs du Tchad le 28 avril dernier. Lequel vise la réduction des délais de transit, la simplification des procédures portuaires, l’application d’une tarification préférentielle pour les marchandises en provenance ou à destination du Tchad et la formation des chargeurs originaires de ce pays d’Afrique centrale. Dans le même sens, l’activation du projet de réhabilitation de la route Ngaoundéré-Maroua sur le corridor Douala-Ndjamena, annoncé pour avril 2025, devrait servir la cause. « Ce projet a été instruit dans des délais records et même par anticipation », indiquait Solomane Koné, directeur de la Banque africaine de développement (BAD) pour l’Afrique centrale.
L’évolution ainsi observée n’est pas pour arranger la seule situation du Cameroun. Le Tchad en bénéficie aussi dans la mesure où tout cela a vocation à optimiser ses échanges via les infrastructures portuaires du Cameroun ; alors que perdurent depuis 2023 la fermeture des frontières entre le Benin et le Niger. Toutes choses qui privent ce pays sans littoral de son deuxième corridor d’approvisionnement, Cotonou-Gaya-Maradi-Diffa.

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