A Douala, le 9 avril 2025, le Sénégalais, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique Noire (I FAN) Cheick Anta Diop a animé une conférence sur le thème : « Festival des arts nègres : la construction d’une conscience panafricaine ».
Au jeu des surnoms, El Hadji Malick Ndiaye gagnerait celui de « Mister Art africain ». A l’institut français du Cameroun (IFC), antenne de Douala, ce 9 avril 2025, le jeune Sénégalais réussi à fléchir à sa guise le cœur des écoutants et provoquer en eux quelques bouleversements. C’est que l’exposé El Hadji Malick Ndiaye tient à la complexité de ses analyses et à son refus des simplifications faciles, des positions tranchées. Liée à la fois à l’acuité de son regard et aux positions politiques nuancées et lucides qui en découlent, cette complexité permet tout de même aux uns et aux autres de se faire une idée du « Festival des arts nègres : la construction d’une conscience panafricaine».
Ce jour, le conférencier sénégalais renseigne que le premier festival dédié au continent avait initialement été programme en 1961, puis repoussé et programmé en 1965. Et s’est finalement tenu à Dakar du 1er au 24 avril 1966. L’Algérie va porter le flambeau du festival panafricain du 21 juillet au 1er août 1969, plus connu sous le nom de festival panafricain d’Alger. « Il est important de rappeler l’histoire pour plusieurs raisons. L’histoire nous permet de savoir ce qui a existé avant nous et comment cela s’est déroulée. L’histoire nous permet de nous inspirer de ce qui s’est passé pour mieux appréhender les mécanismes de comment notre monde fonctionne aujourd’hui. Mais l’histoire nous permet aussi de nous cultiver. D’avoir une culture générale vaste et de mieux avoir les arguments pour analyser et pour comprendre comment le futur sera structuré. L’histoire nous inspire de manière ré globale », souligne El Hadji Malick Ndiaye.
Dans ce discours comme dans d’autres, l’universitaire sénégalais s’impose à la fois comme spectateur du théâtre politique, mais également comme homme de conviction, porteur d’une opinion. « Je ne pense pas qu’on puisse penser à une identité africaine. Je pense même que c’est dangereux de penser à une identité africaine pour deux choses: la 1ère chose c’est qu’il ne peut pas y avoir une identité africaine, il y en a plusieurs. La 2ème chose c’est que l’identité n’est stagnante, c’est-à-dire qu’au jour le jour demain notre identité va changer. Notre identité évolue tout le temps. La manière dont on se comporte, dont on a une représentation de nous-mêmes, de notre vie, de la relation qu’on a avec les autres, de la connexion qu’on avoir avec nos valeurs et traditions. Tout cela change. Donc, l’Afrique est multiple, variée, contradictoire, et c’est ce qui fait sa richesse », déclare El Hadji Malick Ndiaye.
Au sujet des objets d’art pillés par les colons, le jeune historien sénégalais passe par un jugement sévère et agacé. « Ces objets ont deux dimensions. Si on considère que ces objets on en a besoin parce qu’ils doivent être fonctionnels en ce moment, nous rappeler la maternité, la fécondité, utilisé dans des cultes, pas nécessairement. Mais, ce n’est pas là la question. La question c’est que c’est un objet qui a été construit par nos ancêtres et qui montre notre histoire qui appartenait à nos ancêtres et fait notre fierté. Qu’on leur range dans nos valises, qu’on le range dans nos anciennes cours, qu’on leur brûle si on le veut, en tout cas, ça nous appartient parce que c’est que ça a été créée. Si ça montre un génie créateur, si ça magnifie une puissance, une beauté, ça revient à nous. Si ça doit être une plus-value pour l’économie dans nos musées, ça doit revenir à nous. Un objet qui nous appartient n’est pas un objet nécessairement qui va vous faire vivre toute de suite, que vous allez utiliser pour planter le manioc ou pour autre chose. On peut l’utiliser rien que pour le posséder parce que ça fait partie des patrimoines de notre lignée et de notre généalogie. C’est ça aussi le sens de l’histoire et de la mémoire », tranche-t-il
Diane Kenfack