Il y a des vérités que l’on s’entête à contourner, comme si le refus suffisait à réécrire le réel. Le nouvel avertissement de Hafez Ghanem, publié par le Policy Center for the New South, appartient à cette catégorie de sentences que l’Afrique ne peut plus se permettre d’ignorer. L’heure n’est plus aux slogans verdoyants ni aux illusions diplomatiques : le continent fait face à une équation brutale. L’adaptation n’est plus un choix stratégique ; c’est désormais le dernier rempart avant le chaos.

Pendant que les grandes puissances s’épuisent dans des promesses non tenues, la planète file vers un réchauffement proche de 3 °C. Ce chiffre, longtemps brandi comme un scénario extrême, est en train de devenir notre horizon le plus probable. Or, à ce niveau d’élévation, ce n’est pas seulement le climat qui se dérègle : ce sont les économies, les sociétés, les frontières mêmes qui vacillent.
L’Afrique, qui n’a presque pas contribué au stock historique de gaz à effet de serre, se retrouve pourtant en première ligne. Chaque dixième de degré y coûtera plus cher qu’ailleurs : récoltes balayées, villes littorales sous pression, conflits accentués par la rareté, migrations forcées. Il ne s’agit plus d’anticiper le risque ; il s’agit de défendre le futur le plus basique.
Le message de Ghanem est d’autant plus cinglant qu’il pointe l’impensable : l’atténuation, pilier sacralisé de l’action climatique internationale, est en train de s’effondrer sous nos yeux. Les revirements politiques aux États-Unis, l’essoufflement européen, les résistances sociales face au coût des transitions… tout converge vers une même réalité : le monde n’ira pas assez vite.
Face à ce naufrage collectif, l’Afrique doit rompre avec l’attentisme. Continuer d’espérer une réduction massive des émissions mondiales relève désormais de la naïveté stratégique. Miser exclusivement sur les engagements extérieurs serait une faute politique grave et un aveuglement moral. Le temps n’est plus aux plaidoyers solennels, mais à l’action implacable.
Adapter les sociétés africaines, ce n’est pas capituler ; c’est refuser d’être sacrifiées sur l’autel de l’incurie globale. Cela implique des villes résilientes, une agriculture repensée, des financements innovants, une diplomatie climatique offensive et des institutions capables de tenir bon face aux tempêtes à venir. Le coût sera immense, mais le prix de l’inaction serait incommensurable.
Ce choix n’est pas un renoncement, c’est un sursaut. L’Afrique doit devenir le continent qui regarde le danger en face quand d’autres détournent les yeux. Car la plus grande erreur serait d’attendre encore que les promesses lointaines résolvent les catastrophes imminentes. L’éditorialiste que je suis s’en serait volontiers tenu à une indignation raisonnée. Mais l’heure n’est plus à l’élégance. À 3 °C, il n’y aura plus de rhétorique. Il n’y aura que des réalités. Et l’Afrique, elle, n’a plus le luxe de perdre une seule seconde.





