En 1973, le président zaïrois, Mobutu Sese Seko, effectua une visite de trois jours en Mauritanie. À cette époque, la Mauritanie était l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, avec une économie reposant sur la pêche, l’agriculture et l’élevage ovin.

Au cours de ces trois jours d’échanges, le président Mobutu remarqua que son hôte, le président mauritanien Moktar Ould Daddah — premier président de la Mauritanie après son indépendance de la colonisation française — ne changea pas de costume pendant toute la durée de la visite.
À la fin de son séjour, dans le hall de départ de l’aéroport de Nouakchott, le président Mobutu remit discrètement un chèque de 5 millions de dollars américains au secrétaire du président Ould Daddah afin de ne pas l’embarrasser. Au chèque, il joignit un mot indiquant les adresses de célèbres maisons de couture parisiennes, où lui-même faisait confectionner ses costumes, espérant que le président Ould Daddah puisse également s’y procurer des vêtements et accessoires formels.
Après le départ de Mobutu, le secrétaire remit le chèque au président Ould Daddah en lui expliquant qu’il s’agissait d’un cadeau de Mobutu destiné à lui permettre d’acheter des costumes et habits à Paris. Le président Ould Daddah remit aussitôt le chèque au ministre mauritanien des Finances afin qu’il soit versé au Trésor public.
Plus tard, grâce à cette somme, la Mauritanie construisit et équipa l’École Normale Supérieure pour la formation des enseignants, car le pays souffrait d’une grave pénurie dans ce domaine en raison de la pauvreté.
Cinq ans plus tard, en 1978, Mobutu fit escale au Maroc en revenant des États-Unis et y resta une semaine. Lorsque le président Moktar apprit sa halte à Rabat, il le contacta et l’invita à visiter la Mauritanie, même brièvement.
Sur le trajet de l’aéroport au palais présidentiel de Nouakchott, Mobutu remarqua des banderoles en français décorant les rues avec les inscriptions : « Merci Zaïre – Merci Mobutu – Merci pour le don ».
Avant que le cortège n’arrive au palais, Mobutu s’arrêta à l’École Normale des Instituteurs, descendit de sa voiture et, surpris, interrogea son hôte à propos des banderoles. Il demanda au président Moktar :
« Quel est ce don pour lequel le peuple mauritanien me remercie ? Je viens tout juste d’arriver à Nouakchott il y a une heure, je n’ai apporté aucun cadeau ni fait aucun don. »
À ce moment-là, le président Moktar sourit et dit :
« Voici votre précieux don. Avec les cinq millions de dollars que vous m’avez donnés il y a cinq ans, nous avons construit cette École Normale des Instituteurs, car notre peuple avait un besoin urgent de moyens pour lutter contre l’analphabétisme et la pauvreté. »
Mobutu l’embrassa et déclara :
« Si seulement le reste des dirigeants africains étaient comme vous, notre continent ne souffrirait pas d’analphabétisme, d’ignorance, de pauvreté et de sous-développement. »
Le président Moktar répondit :
« Je reçois un salaire mensuel du Trésor public, donc je ne travaille pas gratuitement. Ce don vous appartenant, il revient au peuple mauritanien. Quant à mon apparence et à mes vêtements, il n’est pas convenable que je porte les plus belles modes mondiales alors que mon peuple souffre de pauvreté. Avec l’éducation, nous pouvons vaincre ces fléaux et obstacles qui entravent notre progrès. »
Le président Moktar Ould Daddah est mort en 2003. Il menait une vie simple. Il n’était intéressé ni par le luxe ni par l’extravagance. Il habitait dans une modeste maison de trois pièces.
Ceux qui aspirent à diriger leur pays, voilà ce que les peuples africains attendent de vous.
Jean-Claude Djéréké