Remodeler le discours sur l’Afrique, voilà la tasse de thé de Africa No Filter (ANF) et le groupe d’action politique Speak Up Africa (SUA).
En prenant le parti d’exploiter tout ce que ces deux organisations à but non lucratif ont publié la semaine dernière, l’on se retrouve face à la pétition « Correct the Map ». Comparée aux dispositifs construits par des organisations qui accordent depuis longtemps une place importante au continent africain, voici une pétition digne d’être remarquée, sur le plan quantitatif d’abord, qualitatif ensuite. Pour bien en saisir la signification et la portée, il vaut mieux être sinon Africain, du moins féru de l’Histoire et de la Géographie de l’Afrique. Et ce dès lors que l’objectif proclamé de « Correct the Map » est de démanteler ce que ANF et SUA considèrent comme une imposture séculaire obéissant aux logiques d’édulcoration de la vérité.
En effet, soutiennent les deux organisations, « pendant des siècles, le monde a été induit en erreur sur la taille réelle de l’Afrique. La carte de Mercator, l’une des plus utilisées, a rétréci le continent, déformant son échelle et réduisant son étendue à l’échelle mondiale. Ce qui constitue le plus grand mensonge de la géographie ». Traduction : complètement présentée par des dessinateurs idéologiquement orientés, la carte de l’Afrique a longtemps été envouté par une sorte de magie qu’infuse une prose mensongère devenue flamboyante au fil du temps. Pour mettre fin à ce mensonge persistant, ANF et SUA ont, la semaine dernière, sollicité des organisations internationales, dont l’Organisation des Nations unies (Onu), la Banque mondiale et la BBC, afin qu’elles adoptent la projection cartographique « Equal Earth », une représentation plus juste et plus précise de la géographie mondiale.
Par le biais d’une pétition mondiale et d’une déclaration de campagne, l’initiative invite les institutions, les éducateurs et les médias à s’engager à utiliser des cartes qui reflètent la taille réelle de l’Afrique. « Le monde ne peut pas se permettre de continuer à prendre des décisions basées sur une distorsion vieille de 400 ans. Il est temps de corriger la carte et de recadrer le récit. Les décisions concernant l’Afrique – sur le plan économique, politique et en matière de développement – sont prises sur la base d’un faux référentiel : Il faut que le monde voie l’Afrique telle qu’elle est vraiment » », insiste Yacine Djibo, fondatrice et directrice exécutive de SUA. Sur le même canevas, Moky Makura, directrice exécutive de ANF tempête : « La géographie a une histoire. La fausse représentation de l’Afrique sur les cartes du monde n’est pas seulement une erreur cartographique, c’est un problème de narratif. En réduisant la taille de l’Afrique, nous minimisons inconsciemment son importance. Il est temps de prendre position».
L’affaire peut paraître extravagante. Seulement, tous les spécialistes l’admettent : prendre position, justement, c’est s’élever pour dénoncer l’indécence mensongère dont est victime l’Afrique depuis toujours. Sortir de cette exigence, c’est ouvrir la porte à une escroquerie intellectuelle dont on ne connaît pas les limites et s’exposer à la grande réclamation de l’Histoire et de la Géographie africaines.
Jean-René Meva’a Amougou
