Georges Ngono Edzoa « Le secteur de l’électricité se porte mal »

Le président National des consommateurs d’électricité et de l’eau, leader du mouvement Consumériste décrypte l’actualité du secteur de l’électricité dans le pays. 

 

Georges Ngono Edzoa

Vous êtes au front depuis plusieurs années pour gérer les problèmes d’électricité ou de consommation d’électricité. Si aujourd’hui on vous demandait, de votre point de vue, comment se porte le secteur de l’électricité que diriez-vous ?

D’emblée la vie du secteur aujourd’hui depuis les années antérieures comparée à celle d’aujourd’hui est un peu différent. Hier les améliorations se faisaient, mais une fois les changements survenus, il y a contraste entre l’équipe entrante et l’équipe sortante. Cela cause un retard d’investissement et de management. C’est ce qui arrive avec Enéo, étant donné qu’avec Aes-Sonel, il y avait une dynamique qui marchait déjà malgré les insuffisances. Mais lorsque la société Enéo arrive, elle a commencé avec un travail, avec à sa tête Nana Kontchou qui nous a appris une autre façon de gérer le réseau électrique. Bon juste cinq ans après, il y a une autre équipe qui arrive celle de Mansu Éric qui recommence au point zéro. Le constat fait est que le service n’est pas continu à ce moment.

C’est-à-dire chacun vient avec sa politique. C’est ça qui fait qu’on ait l’impression que le secteur n’avance pas. Mais en interne pour nous les professionnels, il y a des améliorations sur certaines activités. Mais ce qu’il faut relever c’est que le commercial a régressé, étant donné qu’il y a tellement des problèmes au niveau du commercial et du service d’accueil qui ne fonctionnent pas très bien. Il y a le problème de surfacturation et il y a toujours la guerre des appareils de comptage donc les compteurs d’électricité qui ne donnent pas avec la consommation des clients. Donc je crois qu’il faut se focaliser sur le volet commercial afin que les camerounais puissent avoir une nouvelle façon de faire les choses.

Qu’est ce qui justifie la rupture dans la dynamique entre l’équipe entrant et les prédécesseurs ?

Pour moi, tout réside au niveau débarquement des équipes. On ne prépare pas l’équipe entrant, ce qui cause le problème de leadership à l’intérieur de l’entreprise. Puisque si on préparait l’équipe entrant, les choses marcheraient normalement. Étant donné qu’on a affaire à des entreprises très sensibles. On ne peut pas débarquer les gens du jour au lendemain.

Comment se porte le secteur de l’électricité aujourd’hui du point de vue du consommateur ?

Le point de vue à l’heure actuelle est que le secteur se porte mal. Parce qu’on est revenu à la case du départ, il faut recommencer avec les mêmes choses tous les jours, la maintenance du réseau comme on le constatait il n’y avait plus assez de coupures, il y avait réduction de coupures avec la dernière équipe. Mais en 20219, on a recommencé avec les mêmes problèmes. En 2017 et 2018 on a eu une stabilité dans les coupures. Ceci peut s’expliquer avec l’arrivée de la Sonatrel qui s’occupe du transport de l’électricité. Mais l’épineux problème repose au niveau du commercial. Déjà s’il faut parler des estimations, dans d’autres pays ça marche. Mais le contexte camerounais n’est pas le même. Chez nous les gens ne prennent pas les choses au sérieux. On ne consulte pas les historiques de consommation des uns ils regardent seulement le chiffre d’affaires mensuel ou annuel.

Les consommateurs du courant électrique ont formulé les griefs contre Enéo. D’après vous, qu’est ce qui justifie leurs plaintes ?

On peut dire qu’il s’agit des habitudes de consommation. Et surtout par rapport aux estimations très élevées des factures. C’est ça qui fait problème. Lorsque l’on passe de 5000 FCFA à 25000 FCFA, ceci ne peut que susciter des mécontentements. Vu que le consommateur table le paiement de ses factures sur ses revenus mensuels. Et lorsque les factures sont élevées, et que vous ne payez pas, Enéo vient couper l’énergie. Et connaissant toutes les tracasseries pour le retour de l’énergie, c’est tout ça qui est à l’origine des plaintes. Moi en tant que Président de la plateforme des associations des consommateurs pour la défense de l’intérêt économique et sociale du Cameroun, je suis appelé à défendre tout droit du consommateur. Vu que l’association est nationale.  En dehors de la mission de défendre les intérêts de consommateurs, on doit aussi encadrer les membres pour éviter les éclats de voix.

Concrètement, que faites-vous au sein de votre association ?

Lorsqu’il y a des problèmes, il faut qu’on se prononce ; sinon nous ne faisons pas notre travail. Le rôle de notre association c’est d’informer, d’éduquer et de protéger les consommateurs. Concrètement, notre plateforme dont je suis le coordonnateur général a été saisie par plusieurs consommateurs de toutes les régions du Cameroun, Maroua, Garoua qui ont voulu faire des descentes dans la rue. Lorsque j’ai reçu le message des manifestations qui étaient en cours, au regard du contexte socio politique agité, nous avons porté les préoccupations au niveau des autorités. On a saisi Eneo pour lui demander ce qu’il n’allait pas. On a eu un retard dans sa réponse. Nous avons saisi le ministre de l’Eau et de l’Énergie, nous avons fait les menaces de grève. C’est lorsqu’on a lancé la menace de grève le 26 mai 2020 que la société Eneo nous a expliqué les raisons de la surfacturation au niveau des consommateurs.

 Comme réponse à la surfacturation Eneo a voulu éviter que son personnel contracte le coronavirus. C’est pourquoi elle a voulu expérimenter les estimations. Surtout qu’on demandait aux gens de se confiner. Pour éviter tout contact entre les agents d’Eneo   et le public, elle a opté pour les estimations.   Mais alors l’action n’a pas été bien pensée, puisqu’elle n’a pas consulté les historiques des consommations des uns et des autres.

Est-ce que vous en tant que membre de l’association aviez été consulté ?

C’est ça le problème véritable problème au Cameroun. Dans un secteur il y a des acteurs et la société civile. Parce que les secteurs sont organisés, dans le secteur de l’électricité il y a les acteurs, il y a des associations qui sont dans plusieurs plateformes. Avec Eneo, nous avons une plateforme, quoi qu’elle ne soit pas encore active. Mais dans les années antérieures, on nous informait de ce qui devrait être fait. Mais cette année la société Eneo a procédé aux estimations sans nous consulter, pour que nous donnions l’avis des consommateurs, étant donné que c’est nous qui portions leurs voix. Conséquence immédiate, nous avons manifesté notre mécontentement. 

 On était prêt à faire des sitting devant la société Eneo. Le ministre de l’Eau et de l’Energie et le directeur de l’Arsel (Agence de régulation du secteur d’électricité) ont joué un grand rôle à la suite de notre mouvement qui a attiré leur attention. Le directeur général de l’Arsel a demandé à Eneo de suspendre cette opération qui ne cadrait pas avec le règlement de service. Comme pour dire qu’avant la société Eneo ne mette sur pied un tel projet, l’accord de l’Arsel est indispensable. Ce qui n’a pas été fait. Eneo est passée en force. Après l’Arsel, le ministre en charge de l’électricité a sorti des textes visant à mettre terme à cette opération conformément aux textes qui régissent le secteur de l’électricité. Le plus encourageant à la sortie de ce différend c’est le traitement rapide des requêtes qui se font dans les 72 heures. Les corrections sont systématiques.

Vous baissez la garde, mais on se rend compte que la réconciliation n’est pas pour bientôt…

On a levé le pied, parce qu’on a fait les descentes sur le terrain. Il y a de cela deux jours avec le directeur d’Arsel et le directeur général d’Eneo et moi-même le coordonnateur général qui représentait les consommateurs avons fait le terrain pour comprendre les mobiles des plaintes sur les surfacturations et les fraudes. Nous avons remonté toutes les informations auprès du ministre, qui a donné quelques recommandations. Ces recommandations sont les suivantes : L’arrêt immédiat des estimations et le retour à la relève normale. Ensuite, Eneo doit se conformer au règlement de service la sensibilisation et l’information lorsqu’on veut faire des descentes sur le terrain pour les cas de fraude. Le Minée demande de réduire les cas de fraude, mais ce n’est pas le motif pour tordre le cou du consommateur.

Eneo ne doit pas se focaliser sur les fraudes pour renflouer ses caisses. La fraude est une gangrène qu’il faut juste la réduire, et regarder d’autres pans. Il faut combattre la fraude mais dans les règles de l’art. Au regard de toutes les réunions faites avec les différentes parties, le mouvement de grève prévu pour la semaine prochaine n’aura plus lieu. Toute chose qui a amené Eneo à se conformer sur les textes en vigueur. En matière de fraude, on ne parlera plus de fraude mais de régularisation de énergies. On ne va plus facturer les sanctions de fraude, on régularise les énergies qui n’ont pas été enregistrées dans le compteur. On laisse la présomption d’innocence aux consommateurs, puisqu’on peut imaginer que le compteur puisse avoir des irrégularités avant de dire que le consommateur est dans un cas de fraude. C’est à ce moment que l’on peut payer les pénalités. Pour l’instant il s’agit des régularisations, et on normalise le compteur, et le consommateur commence à payer un peu. Les choses ont changé.

Eneo se plaint aussi du non-respect des engagements de l’Etat quel est votre avis ?

Pour la dette, l’Etat paie toujours ses engagements. Dernièrement, il a versé 45 milliards FCFA. Ce que je peux dire est que l’Etat joue toujours sa partition malgré ses lenteurs, étant donné que c’est l’un des grands actionnaires. D’ailleurs, quand l’entreprise a des problèmes, elle se retourne vers l’Etat pour lui venir en aide. Ce sont des partenaires qui se soutiennent. Tout est au niveau des lenteurs.

Que faire pour lutter contre la fraude au niveau de votre association ?

L’une des prescriptions du ministre importante est la communication. Raison pour laquelle nous interpellons votre journal de faire ce travail auprès des consommateurs, d’Eneo et des pouvoirs publics. La guerre contre la fraude nous concerne tous. Il faut tordre le cou à la fraude.il faut une union sacrée pour combattre la fraude.

Comment vous voyez l’avenir du secteur de l’électricité ?

Il faut l’union sacrée pour que le secteur d’électricité soit plus efficace. Il y a une stabilité depuis les récriminations au niveau des coupures. Il y a un grand travail qui est fait. La société Eneo a procédé à la mise sur pied des poteaux en béton que nous voyons un peu partout dans les artères de Yaoundé. Ce sont des efforts qui démontrent à suffisance que le réseau est entrain de reprendre vie.

Interview réalisée par la rédaction

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