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Archives des NDLR - Journal Intégration

Journal Intégration

Étiquette : NDLR

  • Enseignement supérieur : grincement de dents autour de la prime à l’excellence

    Enseignement supérieur : grincement de dents autour de la prime à l’excellence

    La grille de conditions brandie par les guichets de paiement à l’Université de Yaoundé II a exclu certains étudiants bénéficiaires. 

    Yaoundé II, les Cop’s attentent leur argent

    Université de Yaoundé II-Soa, des étudiants s’affairent dans l’agitation de chiffons rouges ou d’épouvantails devant quelques préposés au paiement de leur « argent ». La réplique est faite de petites phrases explosives. Quatre jours durant (du 8 au 11 janvier 2019), ce duel rythme la vie dans cette institution universitaire. Dans le bouillonnement, le paiement de la prime à l’excellence pour l’année académique 2016/2017 (soit plus de 243 millions F CFA pour près de 5000 bénéficiaires) se conjugue sur le mode conditionnel devant les cinq guichets ouverts à cet effet. Selon une dame, «si votre pièce d’identité n’indique pas clairement que vous êtes étudiant, eh bien pas la peine d’insister!», balance-t-elle à quelques étudiants excités.

    À la queue d’une longue file, un jeune a l’attitude pensive. Tous ses espoirs d’entrer en possession de ses cinquante mille francs CFA cavalent. Même si, formellement, le Pr Minkoa Shé a fait une grande annonce: «Aujourd’hui c’est le dernier jour de paie. L’agent comptable viendra vers 16 heures avec les sous. Ne vous inquiétez pas, tout le monde sera payé», dit-il. Sur le coup, d’aucuns pensent que leur recteur procède par juxtaposition, plutôt que par suite logique. «Il multiplie les propositions incises. Nous voulons notre argent sans condition autre que la présentation des reçus d’inscription», fulmine un étudiant de l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication (Esstic).

    «Meli melo»
    S’abritant sous le chapiteau de la «transparence et de la traçabilité», une dame, commise au paiement, enfonce: «Pas de CNI à jour, votre prime est renvoyée au ministère (le Minesup, NDLR) à qui vous pouvez adresser une requête». Dans la foule de cop’s, beaucoup tombent sous le coup de cette condition. «J’ai tout ce qu’ils ont demandé : les reçus, la carte d’étudiant. Mon nom est sur la liste. Parce que sur ma CNI, il n’y a pas “étudiante” comme profession, on veut détourner mon argent» s’offusque une étudiante en Droit. Chez elle comme chez d’autres, l’humeur oscille entre l’irritable et l’irascible. Inscrit en DEA selon ses dires, un étudiant fait le procès du process. «Tout ici est fait dans un présent qui emprunte beaucoup au passé», théorise-t-il.

    Récurrence
    Sur ce passé justement, notre interlocuteur remet en surface une séquence explosive nourrie par des étudiants de la filière des métiers du bois, de l’eau et de l’environnement (FMBEE) de l’Université de Dschang, antenne d’Ébolowa, région du Sud. Guidés par la colère et ce qu’ils considéraient alors comme des «abus de la part des autorités universitaires», ils étaient descendus dans la rue. C’était en 2010. Il cite aussi les cas de 2015 et de 2017 à l’Université de Douala. Le rectorat avait été pris d’assaut par des étudiants qui accusaient les équipes dépêchées dans le campus pour le paiement de ces primes à l’excellence d’actes de corruption.

    En rappel, la prime à l’excellence a été initiée par le président de la République. Sa visée est de récompenser les efforts des meilleurs étudiants camerounais. C’est le 31 décembre 2009 que Paul Biya en a fait l’annonce. Et c’est à compter de l’exercice budgétaire 2010 du ministère de l’Enseignement supérieur qu’elle a commencé à être distribuée aux étudiants méritants. Le paiement s’effectue dans les agences comptables des différentes universités d’État du Cameroun.

    Bobo Ousmanou

     

    Transport interurbain

    Collision entre promoteurs et syndicalistes 

    Dans les rangs des premiers, des voix s’élèvent, accusant les seconds d’avoir joué un mauvais rôle dans la confection d’une liste de compagnies dites clandestines.

     

    L’affaire se murmure dans les bureaux des promoteurs des agences de transport interurbain de la capitale. L’élément qui la déclenche est le communiqué du 2 janvier 2019 du ministre des Transports (Mintransports). Dans ce document, Jean Ernest Ngallé Bibehé accorde un moratoire de 30 jours à 140 compagnies de transport interurbain, afin que celles-ci se conforment à la règlementation en vigueur, sous peine de fermeture de leurs agences. Sur la foi d’un audit conduit par les services de ce département ministériel dans les 10 régions du Cameroun, le Mintransports établit que ces compagnies exercent sans agréments valides. De ce fait, elles feraient donc du transport clandestin.

    Ire
    « C’est ce dernier mot qui nous agace », peste Flaura Ndoumbé de l’agence Marathon Voyages. Elle estime que les syndicats commis pour négocier avec les autorités du secteur ont été incapables d’éviter ce qu’elle appelle « glissement sémantique ». Pour cette responsable d’agence, «des abus se cachent derrière et ont pour vocation de ternir l’image commerciale de certaines compagnies».
    Chez Touristique Express, personne n’endosse la position de la boîte. Reste que tous les responsables rencontrés à l’agence centrale de Yaoundé s’étonnent que la structure qui les emploie soit clandestine. «C’est une manœuvre de certains syndicalistes que nous connaissons», balance l’un d’eux.

    Défense
    À l’intersection des syndicalistes et des opérateurs, Rose Nancy Ngatounou, le délégué régional des Transports pour le Centre, dit que la liste établie par son patron n’est pas à tête chercheuse. Même avis recueilli auprès des syndicalistes. Ces derniers se réjouissent plutôt du fait que le gouvernement ait finalement décidé de passer à cette phase après celle de la sensibilisation. «J’ai la ferme conviction que le gouvernement est engagé à prendre le taureau par les cornes», déclare Joseph Effoula le président du syndicat national des exploitants des bus et taxis du Cameroun.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Business : Atanga Nji «flingué» par les armuriers

    Business : Atanga Nji «flingué» par les armuriers

    Selon des indiscrétions glanées dans le secteur, il n’y a rien de sincère dans les compromis qui ont conduit à la levée de la mesure interdisant les ventes d’armes et des munitions dans certaines régions.

    Des armes de chasse en vitrine

    Paul Atanga Nji vient de lever la mesure portant fermeture des armureries dans six régions du pays (Adamaoua, Centre, Littoral, Ouest, Nord-ouest et Sud-ouest). Elle était en vigueur depuis le 4 avril 2018. Après des heures de discussions avec le ministre de l’Administration territoriale (Minat), les marchands d’armes et autres accessoires de chasse ont décidé de mettre beaucoup d’eau dans leur vin, et de souscrire à certaines exigences régaliennes. Ils acceptent notamment d’obtenir préalablement une autorisation de l’administration territoriale pour toute commande d’armes et de munitions, tant à l’importation que sur le marché local.

    Autre point d’accord entre les propriétaires d’armureries et Paul Atanga Nji : le quota annuel des commandes. Désormais, celui-ci sera attribué à chaque opérateur par le Minat. Bien plus, aucun importateur ne sera autorisé à ouvrir des armureries dans plus de quatre régions ni à disposer de plus de deux magasins dans une même région. Toute tentative d’ouverture d’une agence sous un prête-nom exposera le promoteur au retrait définitif de son autorisation.

    Béni oui-oui

    Selon l’engagement pris par les opérateurs du secteur à l’issue des réunions des 4 et 5 septembre 2018, un point d’honneur est mis sur la communication des données marchandes. En effet, les propriétaires d’armureries ou leurs agents sont tenus de communiquer, chaque semaine, à l’autorité administrative territorialement compétente (préfet et sous-préfet), la liste exhaustive des acquéreurs d’armes et de munitions, leurs identités, assorties des autorisations correspondantes.
    Sur le terrain, toutes ces bonnes intentions sont consacrées par la réouverture des points de vente d’armes dans les régions citées supra. D’où une motion de soutien adressée au président de la République. Dans ce document dressé le 5 septembre 2018 à Yaoundé, le Collectif des armuriers du Cameroun (CAC) écrit : « Considérant la magnanimité, la longanimité, l’esprit de tolérance et de clairvoyance qui vous ont amené à ordonner la réouverture des armureries à travers le territoire national pour accorder une nouvelle chance à leurs promoteurs, ce en dépit des dérives relevées dans ce secteur et les problèmes d’insécurité inhérents et subséquents ».

    Cela démontre que le «piège» a fonctionné. Il a surtout servi à refroidir la détermination de Paul Atanga Nji, porté à mieux contrôler ce business sensible. Selon nos informations, un plan doucereux a été conçu pour contrer l’intransigeance du Minat. « Tout accepter, pourvu que le business reprenne officiellement », souffle un aide-armurier basé à Yaoundé. Une autre source est plus claire: « Quand nous allions là-bas (au Minat, NDLR), il ne fallait plus vexer le ministre. Ses exigences étaient à prendre ou à laisser. On a convenu d’accepter tout pour sauver nos investissements ».

    « Apaches »

    Pour tout couronner, un armurier ayant fortement requis l’anonymat, précise que « le marché des armes et des munitions au Cameroun est régulé par deux personnes qui fonctionnent avec de faux papiers ». À l’en croire, l’un de ces «barons» a, le 15 mai 2018 au quartier Nkondongo (Yaoundé IV) convoqué une réunion restreinte des vendeurs d’armes des régions du Centre et du Littoral. Au cours de ladite rencontre, « c’est là où ils ont tout arrêté. Faire baisser la tension du ministre pour permettre aux autres clandestins d’écouler leurs stocks ».

    Si cela est à prendre avec beaucoup de mesure, il convient d’admettre que le secteur fourmille d’«apaches » (nom donné aux armuriers sans autorisation ou qui ont de faux papiers) de grands ou de petits gabarits. « Autour des plus distingués, ces clandestins constituent un puissant lobby aux énormes tentacules». Du matériau pour expliquer la circulation illégale de plus 23 000 armes de divers calibres sur l’étendue du territoire national.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Concession d’Eneo: Séraphin Magloire Fouda court-circuité

    Concession d’Eneo: Séraphin Magloire Fouda court-circuité

    Le garant des intérêts de l’Etat dans le conseil d’administration du distributeur de l’électricité souhaitait un audit de la concession avant toute décision sur l’avenir. Mais Paul Biya en a décidé autrement. 

    Le PCA d’Eneo.

    C’est peu dire que d’affirmer que les Camerounais ne sautent pas de joie en apprenant l’extension de la concession d’Eneo, le fournisseur de l’électricité dans le pays. «Cette fois-ci on est mort», commente par exemple un internaute en faisant allusion aux interruptions dans la fourniture de l’énergie. Ce sentiment d’insatisfaction, des citoyens le partagent même dans les hautes sphères de la République. En décembre 2017, le secrétaire général des services du Premier ministre, et non moins président du conseil d’administration d’Eneo, signe un avis d’appel à manifestation d’intérêt qui s’apparente à un véritable procès contre l’action de l’entreprise contrôlée à 52% par le fonds d’investissement britannique Actis.

    «Le changement de statut du fournisseur de l’électricité n’a pas eu d’incidence notoire sur la condition du consommateur, bien au contraire. On déplore toujours autant de désagréments électriques caractérisés par des délestages fréquents et intempestifs. Toutes les catégories de consommateurs en sont durement affectées. Par ailleurs, l’électricité coûte chaque jour un peu plus chère au Cameroun, les disparités entre les zones urbaines et les localités rurales se sont accrues, en violation des dispositions de la loi régissant l’électricité, notamment en ce qui concerne celles portant sur l’égalité des usagers du service public», dénonce Séraphin Magloire Fouda, garant des intérêts de l’Etat dans le conseil d’administration du distributeur de l’électricité.

    Pression

    L’étude que l’agrégé d’économie envisage alors de réaliser doit «mettre un accent particulier sur l’évaluation des performances techniques réalisées par le partenaire actuel [Eneo, NDLR], en comparaison avec les meilleurs standards internationaux dans les domaines de la production et de la distribution de l’électricité». Mais le dépouillement des offres soumises pour le recrutement du consultant chargé de conduire cette étude, dont l’objectif est de procéder au «découpage en zones économiquement viables du périmètre du segment de distribution actuel de l’électricité au Cameroun», va de renvoi en renvoi, jusqu’à ce qu’on en entende plus parler. Et ce 13 juin 2018, Paul Biya tue tout suspense en autorisant le ministre de l’Eau et de l’Energie de prolonger pour une durée de 10 ans, à partir du 18 juillet 2021, le contrat cadre de concession et les contrats dérivés qui lient l’Etat du Cameroun à Eneo.

    Il faut dire que le pays est sous pression. Les bailleurs de fonds internationaux, contributeurs annoncés pour la construction du barrage de Nachtigal (420 MW), conditionnent en effet la libération de leurs financements à l’extension de cette concession. A ce jour, le closing financier du projet n’a pas encore eu lieu, alors que l’infrastructure doit entrer en activité en 2022. Et tout retard va creuser davantage le déficit énergétique et entrainer une dégradation de la qualité du service.

    A titre d’illustration les difficultés de ces jours sont notamment le fait des retards enregistrés dans la mise en service du barrage de Memve’ele. Annoncée pour 2017, cette infrastructure de 211 MW n’est toujours pas en service. En cause, l’absence d’une ligne électrique pour pouvoir évacuer l’énergie vers les agglomérations. Selon les chiffres communiqués par Eneo, cette situation engendre des coûts supplémentaires d’un milliard de francs CFA chaque mois pour l’achat du gasoil en vue de faire tourner les centrales thermiques et combler le déficit. Du coup, le pays a été obligé de faire, lors de la révision budgétaire du 4 juin, une provision budgétaire de 20 milliards de francs CFA pour supporter la subvention des prix de l’électricité.

    Aboudi Ottou

  • Infrastructures régionales: Le coup de pouce de l’Union européenne

    Infrastructures régionales: Le coup de pouce de l’Union européenne

    Bruxelles va contribuer à la construction de deux ponts qui vont faciliter les échanges entre le Cameroun et deux de ses voisins.

    Photo de famille à l’issue des discussions.

    Les travaux de construction du pont sur le Logone à l’Extrême-nord et celui sur la Cross River dans Sud-ouest devraient être lancés en début 2019. «Pour les deux ponts, les conventions de financement ont été signées à Bruxelles il y a deux semaines (27 avril 2018 NDLR). Il y a encore une question liée au niveau d’endettement du Cameroun.

    Mais le planning prévoit que les travaux commencent en début 2019», informe Aliou Abdoullahi. Le coordonnateur de la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fonds européen de développement (Caon-Fed) s’exprimait le 08 mai dernier au sortir d’une visite de courtoisie effectuée à la délégation de l’Union européenne (UE), puis au siège de la cellule, par une délégation gouvernementale à l’occasion de la célébration de la fête de l’Europe.

    Intégration n’a pas pu avoir les détails sur la nature du problème en rapport avec le niveau d’endettement du Cameroun. En revanche, il est acquis que, pour la construction de ces deux ouvrages, l’UE met sur la table sous forme de don, 65 millions d’euros (environ 43 milliards de francs CFA), soit un peu plus de 26 milliards de francs CFA pour le premier pont et plus de 16 milliards pour le second pont.

    Le reste du financement est assuré par un prêt de la Banque africaine de développement (Bad). A la Caon-Fed, on précise que le financement de Bruxelles est un soutien de l’UE au Cameroun «dans son rôle de pays pivot pour le développement des infrastructures régionale».

    Projets intégrateurs

    Le pont sur le fleuve Logone, entre Yagoua (Cameroun) et Bongor (Tchad) va contribuer à l’amélioration de la circulation des biens et des personnes et au désenclavement des zones à fort potentiel économique entre la région septentrionale du Cameroun et le Nord-Est du Tchad. Ce projet ambitionne de redynamiser les échanges commerciaux entre le Cameroun et le Tchad.

    Ces échanges sont lourdement affectés par la présence de la secte terroriste Boko Haram. Du pont à double voie (de 402 mètres, sur la Cross River entre Bamenda -Cameroun- et Enugu -Nigéria), il est attendu la fluidité du trafic au passage de la frontière entre les deux pays. Ce pont aura, par ailleurs, la particularité de faciliter les échanges socio-économiques et commerciaux entre la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDAO).

    D’autres projets d’infrastructures d’importance régionale sont déjà en phase de maturation. On peut citer le projet d’interconnexion électrique entre le Cameroun et le Tchad. Selon nos informations, les études financées par l’UE sont déjà disponibles et Bruxelles serait disposée à contribuer à hauteur de 30 millions d’euros (près de 20 milliards de francs CFA) pour sa réalisation.

    Dans la pipe également, le réaménagement du tronçon Magada-Maroua sur la Route nationale n°1 et du segment Magada-Yagoua sur la Route nationale n°12 dans l’Extrême-nord dont les études techniques menées toujours sur financement de l’UE sont en cours. En maturation aussi, la rénovation du chemin de fer entre Belabo et Ngaoundéré et de la construction de la Ring-Road.

    Aboudi Ottou

  • Accident ferroviaire d’Eseka: 300 millions de francs CFA réclamés à Orange

    Accident ferroviaire d’Eseka: 300 millions de francs CFA réclamés à Orange

    Eséka, le 21 octobre 2016.

    L’argent représenterait le contenu des comptes Orange money des victimes. Les ayant-droits entendent intenter un procès à la filiale camerounaise de la multinationale française des télécoms.

     

    Un peu plus d’un an après le drame ferroviaire ayant ôté la vie à 79 personnes et blessé 551 autres, la machine aux accusations continue de tourner à plein rendement. Cette fois, c’est Orange Cameroun qui est visée par une association dénommée «Contre 152» (en écho au train 152 de Camrail). Le 24 mars 2018 à Yaoundé, Marc Zenkeng, le président de ladite association, n’a pas manqué d’incandescence vis-à-vis la filiale camerounaise de la multinationale française des télécoms. A ses yeux, cette compagnie de téléphonie mobile mérite d’être trainée devant les tribunaux. En porte-flingue de «Contre 152», Marc Zenkeng dit que l’opérateur de télécommunications devrait reverser pas moins de 300 millions de francs CFA aux ayant-droits des personnes décédées, disparues ou blessées le 21 octobre 2016 à Eseka.

     

    Raisons et questions

    «Sur la foi des conclusions du cabinet (il refuse sciemment de le citer, NDLR) qui nous assiste, nous savons maintenant que sur les 79 personnes décédées et les 551 blessées, 402 étaient titulaires d’au moins un compte Orange money. Or leurs téléphones ont disparu», avance le président de «Contre 152». Il ajoute: «il a fallu une question, une seule question, pour que le gros chat donne quelques coups de griffes bien sentis à ces gens». La question, apprend-on, avait été posée à Elisabeth Medou Badang, le 04 janvier 2018. Selon Marc Zenkeng, le cabinet commis par «Contre 152» voulait obtenir auprès de l’alors directeur général de Orange Cameroun, les dispositions prises par cette structure en cas de disparition ou d’incapacité du titulaire d’un compte Orange money au Cameroun. A en croire Marc Zenkeng, Elisabeth Medou Badang serait restée muette à propos. «Il y a un vide sur le sujet!», s’émeut-il, avant de s’interroger sur la destination de tels fonds. «Que devient cet argent tel que celui déposé dans leurs comptes par les morts d’Eseka ?».

     

    Agenda

    Ainsi, l’axe clé de la démarche de «Contre 152» est décliné. «Ce vide à lui seul constitue un lubrifiant essentiel pour mettre en marche la machine judiciaire», lance Maître Justine Kissop. Pour cette avocate au barreau du Cameroun, le montant exigé par «Contre 152» aurait même été sous-évalué du fait de la non prise en compte de l’hypothèse de «un mort, plusieurs comptes Orange money». «Au-delà, renchérit la juriste, ces 300 millions indiquent qu’il faut être indifférent aux cajoleries politiques constatées autour de l’accident de train d’Eseka». Suffisant pour annoncer une conférence de presse à Douala (région du Littoral) dans les prochains jours. «En ce moment-là, nous serons déjà en mesure de dire si quelqu’un d’autre opérant dans la téléphonie mobile et le mobile money doit aussi être attaqué en justice», assurer Maître Justine Kissop. Devenue notre, la question du «vide» évoquée plus haut a également été l’aiguillon de nos recoupements. Contactés à plusieurs reprises, les responsables de la communication d’Orange Cameroun n’ont pas donné suite

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Crise anglophone: Les séparatistes versent dans la contrebande

    Crise anglophone: Les séparatistes versent dans la contrebande

    Batibo, érigé en Far West.

    Pour financer leurs opérations, les groupes armés d’inspiration sécessionnistes se tournent vers la vente des produits contrefaits dans leurs zones d’influence.

     

    Trafic de cigarettes, de médicaments, de parfums, de vêtements et même de pièces détachées automobiles. Pour les groupes armés opposés aux forces de défense et de sécurité dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du pays, tout est bon quand il s’agit de financer leur déploiement sur le terrain. Selon des sources sécuritaires, les scènes des récents assassinats des gendarmes le démontrent. «Des échantillons et des emballages de produits contrefaits ont été prélevés sur place», affirme un cadre en service à la légion de gendarmerie du Sud-ouest. A en croire ce haut-gradé, il s’agit notamment de quelques boîtes d’une version falsifiée de «Augmentin comprimé» des laboratoires britanniques GlaxoSmithKline plc (GSK). Ailleurs, dans le Nord-ouest, d’autres sources indiquent que les cigarettes de marque «Aspen» sont devenues le marqueur des attaques dans cette région. Une récente enquête en flagrance a permis de faire tomber, dans le département de la Momo, un réseau de vente d’«Aspen menthol». «Les résultats de cette prise ont permis d’établir que la cheville ouvrière du trafic est basée au Nigéria», apprend-on. «Là-bas, un homme en lien avec les «Ambazonia defense forces» (un groupe armé dirigé par un certain Lucas Cho, NDLR), revendait ces cigarettes en quantités industrielles, générant un profit d’au moins 05 millions par jour. La notoriété de son commerce lui avait valu le surnom édifiant de «Mister Aspen»», informe une autre source.

     

    Indices

    Plus récemment, à Idenau (Sud-ouest), des cartons de parfums ont été saisis. «L’un des suspects, placé en détention par les services compétents dans cette localité, a reconnu appartenir à une chaîne logistique tapie dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et dont la vocation est de diversifier ou muter les sources de financement d’un groupe armé», indique une source à Interpol Cameroun. Une tentative de chiffrage opérée par cette institution internationale souligne qu’«environ 20% des sources de financement des organisations criminelles telles que celles qui se déploie dans les régions anglophones du pays proviennent de l’écoulement de fausses marques de cigarettes et de médicaments notamment». Le 09 mars dernier, le ministre de la Santé publique (Misanté) a publié des communiqués de presse. Dans ces documents, André Mama Fouda informe le public de la circulation de faux «Augmentin» et de faux «Cipzole forte» à travers le pays. Si l’alerte du Minsanté n’établit pas systématiquement le lien entre la contrebande des faux médicaments et la crise anglophone, elle ouvre au moins une grille d’analyse sur les faits et leur timing. «Remarquons ensemble la coïncidence des noms des marques de médicaments et la fréquence des assassinats de gendarmes qui veulent détruire les réseaux», indique Françoise Mouyenga, expert en questions de sécurité au Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques de l’Université de Yaoundé II (Creps). Sous un prisme plus élaboré, cette universitaire parle de «terrorisme local», «celui de petits groupes armés sur la partie anglophone du pays, vivant de petits trafics, de commercialisation de contrefaçons, et plus actifs quand leur business fonctionne de façon optimale».

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Agent secret: le métier… au féminin

    Agent secret: le métier… au féminin

    Visionnaires, brillantes et armées d’un courage sans faille, elles sont aussi étonnamment discrètes. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Intégration est allé à la rencontre de quelques potiches du renseignement au Cameroun.

     

    Comme des béguines, électriques et félines, C.A. et Y. T n’ont pas peur de s’avachir à nos côtés, nous embrassant de paroles, paroles et paroles. Dans ce hall d’un hôtel yaoundéen, l’image qu’elles offrent est bien vaporeuse. Elle ne permet pas tellement de savoir qui l’on a rencontré. Ce qu’on retient de ces belles créatures, ce sont des « yeux revolver » qui, le temps d’un salut, distillent à la fois une allure sévère et cool. Au-delà, ce sont des femmes capables d’adapter leur voix, capables d’imiter mille accents, de rouler les «r» et de roucouler. Des femmes qui prennent garde cependant à rester sensibles à l’enjeu d’être clean : carrure dessinées dans des robes pincées à la taille, avec, pour l’une, une guipure qui ajoute une touche de décontraction urbaine. Cerise sur le gâteau, des fentes qui, dévoilant une partie des membres inférieurs, donnent lieu à une magnifique image. C’est peu de dire que le reporter est traversé par cette image, et qu’il devient de plus en plus difficile de s’arrêter sur quelque chose: le métier d’agent secret, tel qu’exercé au Cameroun par les femmes.

     

    Premiers traits

    Seulement, on vient à bout de cette hébétude quand arrive un ancien Lion indomptable. Une ambiance bon enfant se crée. Si les blagues débitées par ce footballeur émérite emportent tout le monde, elles permettent de distinguer au moins une chose : ce sont des femmes qui s’autorégulent dans le sens d’une ormeta bien tempérée, ne laissant pas au journaliste le soin de fouiller le panier de leur profession. Ni C.A., ni Y. T., personne ne dévie cette ligne, même si, au passage, elles avouent être des «catholiques pratiquantes qui vont chaque dimanche à la messe, font un peu de gymnastique, n’ont pas un train de vie énorme et qui prennent leur métier comme un challenge». Et puis, elles coupent court à la discussion fébrile et décousue, reformulant leur refus de s’épancher plus.

    En jouant sur les contrastes obtenus à partir de leur attitude, on comprend que ce n’est pas personnel : les deux « gazelles » sont encore en fonction. Qui plus est, elles ont l’impression de ressasser «des banalités». Un ancien haut cadre d’Interpol avait donc bien averti que l’interview ne serait pas facile à conduire, que les femmes agents secret, ont leur tempérament et qu’elles veulent garder «une part de mystère». Autrement dit, qu’elles ne se laissent pas malmener et se protègent derrière une définition extensive de la notion de vie privée et une parfaite connaissance des enjeux stratégiques du temps. «C’est un schème mental venu du fonds des âges du renseignement », renseigne une policière à la retraite.

    A ce jour, elle fait figure de «vétéran». J.O. comptabilise plusieurs années de service. «Un parcours durant lequel j’ai côtoyé plusieurs dossiers qui ont fait l’actualité politique, économique et sociale au Cameroun», brandit-elle fièrement. Reconvertie en administratrice déléguée d’une société de gardiennage, elle donne à son ancien métier la teneur d’une riche et belle activité cachée. Elle dit avoir été, en compagnie de cinq autres femmes, recrutée au troquet du coin, juste après son succès à la première partie du baccalauréat (actuel probatoire) et se jette à corps perdu dans les cours par correspondance. «Cette époque est révolue ; avant, c’était un marché un petit peu marginal et un peu traité à la légère», ajuste-t-elle. C’est que depuis, le statut de la femme dans le renseignement a été valorisé. Autrefois mal aimées et considérées (parfois à juste titre, selon notre interlocutrice) comme de dangereuses bourrines, les femmes agents secret au Cameroun bénéficient désormais d’une image positive auprès des structures qui les emploient. «On a beaucoup évolué dans la bonne direction, puisque les autorités ont, il y a 20 ans, accéléré l’insertion des femmes dans ce corps de métier. Elles sont maintenant des dizaines éparpillées sur l’étendue du territoire, avec des salaires juteux », assure la sexagénaire. Elle ajoute: «Maintenant, il faut avoir fait de bonnes études renforcées d’au moins trois modules sur la collecte et le traitement de l’information stratégique ; surtout avec la technologie qui est désormais pointue. Cela est valable même pour les femmes qui sont employées au noir», confie J.O. qui reconnaît que malgré cela, quelques esprits continuent d’instruire, contre les femmes, des procès en incompétence par le truchement de portraits à charge et autres rapports vénéneux.

     

    «Sauveuses et briseuses de vie»

    Voilà qui nous met sur la piste de celles qui ne sont plus en activité. Là encore, il faut trouver des leviers pour les faire parler, bien qu’on ait été recommandé. A J. O., 74 ans, on réussit à obtenir quelques anecdotes pittoresques mais bien réelles illustrant les relations tendues entre les hommes et les femmes du renseignement au Cameroun. «En avril 1983, un collègue mâle, souvent très grincheux sur le terrain, avait adressé à nos patrons un rapport dans lequel il racontait comment je lui avais sauvé la vie en Centrafrique». Dans ce pays-là, J.O. était l’unique femme du groupe chargé de débusquer Jean-Pierre Oumboute et Ambang Mbadje, les co-assassins de Dikoum Minyem (époux de Marinette Dikoum, NDLR». «Ça n’a pas été facile ! Alors que nous étions sur la bonne piste, Oumboute et quelques brigands avaient planifié secrètement de liquider ce collègue. Intuition féminine, je lui ai dit de changer de route tout simplement. Dieu merci, on a fait le boulot et on les a arrêtés…», raconte-t-elle.

    Selon cette «has been», de fringantes demoiselles font des piges dans la profession. Celles-là n’ont pas de statut officiel puisque ne disposant pas d’une carte professionnelle. «On les utilise pour leur cerveau». Dans un éclat de rire mal contenu, J.O. assure que celles-là écument les lieux de plaisir, capables de vouer à un suspect un amour chevaleresque pendant des jours, voire des mois, «juste le temps de la collecte». Avec du recul elle confesse être fascinée par leur capacité à «savoir jouer double jeu pendant tout ce temps, à savoir garder le secret, et à être restées fidèle à une cause, alors qu’elles risquent la mort si jamais leur couverture était découverte».

    Sur le sujet, J.O. relate l’histoire d’une «pigiste» et d’un ancien journaliste de la radio publique camerounaise en fin août 1979 à Yaoundé. L’homme de média était, apprend-on, entré en possession de documents top secret de la gendarmerie. «On a, grâce à une jeune demoiselle, réussi à détecter l’origine de cette fuite, avant d’emprisonner quelques éléments de la sécurité militaire et le journaliste en question… Si cet homme avait imaginé que ça se passerait ainsi…», soupire J.O.

     

    Déconvenues

    L’agréable n’est pas toujours au rendez-vous, hélas ! Parfois, quelques lutins sabotent les initiatives des espionnes. «Le monde des renseignements est un biotope autarcique et limite aristo, rétif à faire preuve de transparence sur ses rouages les moins honorables; c’est ce que dévoilent très souvent quelques serpents visqueux présents dans les rangs», déballe un ancien fonctionnaire d’Interpol. Et pour les femmes du métier, insinue-t-il, cela fausse souvent des enquêtes. Cet avis est partagé par G.E, 73 ans, actuellement à la tête d’une association caritative. Elle a travaillé comme espionne à l’ancienne gare routière de Mbalmayo, à quelques encablures du lieu-dit «Poste centrale» à Yaoundé dans les années 80. Elle raconte comment en tant que femme, elle a été contrariée dans la filature d’un percepteur aujourd’hui décédé. «Un collègue m’a dit que ma féminité ne pouvait pas permettre de solder cette enquête sur le transfert illicites de fonds publics via les cars de transport en commun. Or, il avait flairé le magot et était allé mettre le concerné au courant, moyennant beaucoup d’argent», se souvient-elle, tentant de comparer les profils moraux des mâles et ceux des femmes. «Dans ce métier au Cameroun, je crois que nous avons les nerfs d’acier pour ne pas tomber en tentation, à la seule vue de l’argent», souffle-t-elle.

     

    Femme tout court

    A écouter une femme agent secret, on l’imagine contrainte et contrite. On est presque mal pour elle. «Ce boulot n’est pas du tout ennuyeux. Ce sont toujours les médias qui gâchent un peu les choses ici au Cameroun», croit savoir J.O. La presse, de son point de vue, se préoccupe plus des «coups bas» portés contre les hommes. Fille de famille au revenu très modeste, bien-pensante, elle dit avoir su, au cours de sa carrière, combiner ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ce qui se dit et ne se dit pas. Néanmoins, sous ses airs sages, la dame a eu parfois des élans d’indépendance. De rébellion, peut-être aussi, qui sait ? «Comme toutes les femmes !», sourit-elle. A Yaoundé, elle se la coule douce avec son époux et quelques petits-enfants dans un quatre pièce au standing respectable. «Mon mari avait un métier plutôt précaire mais on pouvait s’en sortir à deux en se serrant les coudes, nous n’avions pas de gros besoins», confie-elle. Féministe durant ses années de service, elle avoue avoir mené d’utiles combat pour que ses filles accèdent à la même instruction que les garçons, pour que les femmes puissent exercer un métier, pour qu’elles aient les carrières qu’elles méritent. «Pas dans le renseignement en tout cas ; j’ai peur pour elles !», rigole-t-elle. Dans la foulée, elle n’oublie jamais l’ignominie des attaques, la bassesse de ces quelques belles-sœurs qui, pour dénoncer son métier, ont choisi, délibérément contre elle, un vocabulaire de haine, de mort.

     

    «Ce qui se passe dévoile que l’argent va davantage se faire rare dans cette zone, eu égard à un probable tassement des indices. Puisque le climat des affaires s’annonce plus défavorable que ces jours-ci»

     

    «En avril 1983, un collègue mâle, souvent très grincheux sur le terrain, avait adressé à nos patrons un rapport dans lequel il racontait comment je lui avais sauvé la vie en Centrafrique»

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Abang-Minko’o: le marché de moins en moins mondial le samedi

    Abang-Minko’o: le marché de moins en moins mondial le samedi

    Le « Marché Mondial », place commerciale très réputée de la zone des trois frontières, obéit à la fois aux injonctions anonymes et visibles propres aux économies frontalières.

    En voyage d’études à Abang – Minko’o, cinq étudiants de l’Institut sous – régional de statistique et d’économie appliquée (ISSEA) de Yaoundé sont face à une situation plutôt réjouissante.  «Contrairement à nos craintes, l’ambiance nous a permis  d’avoir le maximum d’informations et de confirmer nos hypothèses de travail», se réjouit Ali Yaméo. Le Tchadien, qui coordonne sur place ce groupe de jeunes ingénieurs statisticiens économistes depuis deux semaines, dit que ses camarades et lui-même n’ont pas usé d’une quelconque hardiesse intellectuelle au cours de leur collecte au «Marché Mondial».

    Ce 10 février 2018, leurs yeux de statisticiens et leur méthode empirique donnent une force impressionnante à un sombre verdict. «Dans ce marché,  l’inflation frémit. Depuis que nous sommes là, l’indice des prix à la consommation a bondi de 0, 8% ; c’est le niveau médian, si on ne tient pas compte des prix volatiles du transport. Et si tout cela est combiné, la hausse des prix se situe autour de 1%, soit près de 0,6 point comparativement à octobre 2017 lorsque nous étions ici. L’élasticité (rapport entre la variation des quantités demandées en pourcentage et la variation des prix en pourcentage) est de 0,3 à partir de la même période en ce qui concerne seulement les denrées alimentaires», évalue Ali Yaméo. Pour une meilleure compréhension, Gladys Ngobo Belle, l’unique fille du groupe, flashe quelques détails. Ceux-ci font la part belle aux prix définis à la fois comme indicateurs de rareté, signaux sur la situation du marché,  mécanismes incitatifs ou processus de rationnement. «A la date d’aujourd’hui, le Marché Mondial est le théâtre de convergence de tout cela», conclut la Camerounaise.

     

     Interprétation

    Au «Marché Mondial», pas besoin d’appel à candidatures pour une lecture simplifiée de la hausse des prix. Clients et vendeurs se livrent volontairement à l’exercice avec une langue aiguisée. L’ensemble baigne dans de saintes colères, de nobles fulminations et de fulgurances intermittentes. «Le marché est cher parce que les produits sont là, mais en petite quantité», aborde Isabelle Mendomo. Pour légitimer cette approche (qui rejoint celle évoquée plus haut sur les prix comme indicateurs de la rareté), cette revendeuse camerounaise invite à un travelling sur les étals et les entrepôts. «Regardez, il n’y a rien !», assume-t-elle, accompagnant d’ailleurs ses dires d’un geste des deux mains. A côté, une autre voix féminine déchiffre les misères des commerçants : «Les bonnes choses n’arrivent plus ici comme avant ; tout est acheté à 10 kilomètres d’ici sur la route Ambam-Ebolowa et acheminé directement au Gabon ou stocké chez des trafiquants qui guettent la moindre ouverture de la frontière équato ; ici nous n’avons que les invendus». Pour tout couronner, la même voix  déroule un vaste lexique incriminant les Gabonais, accusés (à tort ou à raison) de tenir les réseaux de spéculation. «C’est eux !», pointe-t-elle.

    Dès lors, la  véhémence et l’exécration finissent par l’emporter. Les mots et les chiffres innervent son propos. La réalité du terrain submerge la conversation lorsque quelqu’un évoque une dizaine de camionnettes chargées de bâtons de manioc en route pour Libreville, il y a deux jours. «Voyez, quand le marché doit être mondial le samedi, c’est à ce moment que les gens viennent tout prendre, surtout le bâton de manioc ; c’est comme çà !», peste un homme. «A cause de cela, les rares clients que nous avons subissent», tranche, sans appel, un autre.

    De là, la pertinence de l’idée des prix comme signaux sur la situation d’un marché est étalée. «Un prix élevé signale que l’activité est rentable. Cela encourage d’autres acteurs à rejoindre le secteur. C’est une logique  effroyable, implacable, d’une brutalité et d’une soudaineté souvent sans pareille», chuchote Ali Yaméo. Eclairé par ce raisonnement, la tentation est de croire qu’en plus des Gabonais, les Equato-guinéens ont flairé le filon. «Ils achètent chez les paysans loin d’ici. Quand ils le veulent, ils nous revendent le bâton de manioc à 200 francs CFA et nous, nous détaillons à 250 francs contre 200 avant», lâche Isabelle Mendomo.

     

    Encore…

    La voix peu chaleureuse et le souffle précipité, elle  raconte que le contexte d’ultra sécurité en Guinée Equatoriale joue un rôle nocif autour des prix des denrées, surtout des tubercules. Parce que les clients venus de ce pays sont devenus rares, ceux qui réussissent à avoir une «piste» viennent ici proposer des prix pour le moins copieux. «A eux, se gargarise Mbi Hermanus, commerçant camerounais, je vends le filet de 100 bâtons de manioc à 50 000 francs.  Et j’ai au moins 06 à 10 clients comme çà chaque samedi depuis que la frontière est fermée. Je préfère çà que de vendre aux gens qui me proposent la moitié de ce montant. Cela m’encourage à aller chercher plus de bâtons de manioc même dans la Lékié. La demande est forte depuis qu’on a fermé la frontière».

    Tout pour comprendre le mécanisme incitatif : «si la demande pour un bien augmente, le prix va donc augmenter incitant les vendeurs à s’en procurer coûte que vaille», abrège Gladys Ngobo Belle. L’étudiante en statistique en profite pour s’étendre sur le processus de rationnement: «si la demande pour un bien augmente, le prix va donc augmenter et la quantité demandée va être réduite dans certains marchés et c’est le cas ici», enjoint-elle, prenant soin de ne pas évoquer la pénurie. A son avis, comme tout lieu de confrontation entre l’offre et la demande d’un ou de plusieurs biens, le «Marché Mondial» d’Abang-Minko’o est un espace où se déterminent les quantités échangées et le prix de leur cession.

    Si la preuve de cette assertion ne s’affiche pas d’emblée, Gladys Ngobo Belle tient le «secteur vin» du «Marché Mondial» pour témoin. Ici, les étals semblent dire que «l’Operacion Seguridad» agit comme une mécanique de tri permanent sous l’effet de la forte demande en vins de table, canettes de bière et spiritueux. Venue de tous les pays de la zone Cemac, cette demande a favorisé la hausse des prix. «Le moindre vin qu’on prenait ici à 700 francs, nous l’achetons maintenant à 1 300 francs CFA pour le revendre à 1 500», débite Ymeli Amadou, président du Collectif des grossistes et semi-grossistes de vins du «Marché Mondial» depuis 2016. Du haut de ce profil, il ne peut opposer les actualités peu réjouissantes à la frontière et les quantités, la qualité et les prix actuels des vins et liqueurs. «Tout çà se tient», soutient-il. Par peur de vrais mots, ce Camerounais se contente de fournir des éléments comparatifs. En fin 2015, le prix le plus élevé d’une palette de vin rouge (12 briques) venue de Guinée Equatoriale via Kyé-Ossi caracolait à 7 000 francs Cfa.  Avec le léger «relâchement» survenu à la frontière en fin 2017, le même produit a atteint, en mi-janvier 2018, le pic de 11 000 francs CFA. «La fermeture de la frontière amène les gens (les passeurs, NDLR) à sous-traiter et à proposer leurs produits à qui ils veulent. Pour fructifier leur capital dans un tel contexte, ces gens évoquent de nombreux risques. Et parce qu’il n’existe pas  d’institutions internationales à caractère politique, économique ou juridique en mesure de réglementer efficacement leur comportement, ils font tourner le marché à leur guise. En fait, la hausse des prix ici a des facteurs qui sont connus et d’autres non», polémique une cadre de la délégation régionale du Commerce du Sud. Pour les jeunes statisticiens, «le Marché Mondial obéit à la fois aux injonctions anonymes et visibles propres aux économies frontalières».

     

    Evolution des prix au « Marché Mondial »