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Étiquette : Charly Gabriel Mbock
Territoires, terroirs et pouvoir politique: la source de l’ethnicisme au Cameroun
La deuxième édition des Débats de ligne d’horizon réunis d’éminents intellectuels sur la question le 12 octobre dernier.
Les professeurs Charly Gabriel Mbock, Ambroise Kom, Paul Abouna, le Dr Hugues Pojume et la politologue Hélène-Laure Menthong, ont constitué jeudi une force d’analyse et de propositions sur les questions d’identité communautaire au Cameroun en 2022 ; leur impact dans le jeu électoral, les systèmes de gouvernance et la cohabitation des peuples. Ils étaient réunis à Yaoundé par le magazine Lignes d’horizon, en prolongement de son activité éditoriale. «Il nous semblait important d’organiser de manière formelle, des échanges, des conversations citoyennes à l’effet de croiser les regards, les visions de notre société par ceux dont le métier est précisément de faire comprendre la marche ou la vie de la Citée », indique Valentin Siméon Zinga, directeur de publication de Lignes d’horizon.
Pour poser la problématique, l’universitaire Ambroise Kom amorce « Nous sommes partis de nos terroirs et nous reproduisons nos terroirs dans ce qui devrait être notre territoire. Quand allons-nous sortir de ces mosaïques d’ethnies pour créer un espace que nous pouvons appeler notre territoire ? », questionne-t-il. Les concepts évoqués ont fait l’objet de contemplations anthropologiques, socio-politiques et politologiques, avec à la question la relation intrinsèque entre terroirs et ethnies. Ces vocables se confondant l’un dans l’autre. « Le terroir apparaît comme un signe d’appartenance, le berceau des ancêtres d’un groupe ethnique. La notion de terroir accorde une valeur sentimentale à la terre», Charly Gabriel Mbock. S’inscrivant dans le même courant de pensée, le Pr Paul Abouna pose que la pléthore d’ethnies obligées d’ensembles cohabitants font du territoire national un champ d’affrontements et de compétitions politiques. Idée traduite par Helene-Laure Menthong par l’expression«chaque groupe revendique sa part du gâteau» . Et encore, cette tendance généralisée de l’affirmation identitaire au Cameroun a favorisé dans le pays l’essor du vote communautaire. Lequel, soutient la politologue, est «influencé par l’appartenance sociologique et lingustique. L’élection au Cameroun se pose comme un rite d’exaltation d’appartenance régionale.»
Ethnicisme
Le mot arrive vite au bout des lèvres au chapitre des problèmes qui suscitent ces concepts au Cameroun. Pour dire les choses, l’on cite pêle-mêle : les tensions post-électorales, les notions d’autochtonie exacerbées dans le cadre des élections municipales et régionales… Un doigt accusateur est pointé sur les partis politiques d’oppositions et le gouvernement. Les élections constituant un bon cadre d’analyse des relations entre les partis politiques et les communautés. Ils sont accusés d’haranguer les foules dans la rivalité entre les terroirs. « Il y a une consécration des héros communautaires dans le Code électoral » , souligne le Dr Hugues Pojume. Et d’ajouter « Il y a récupération et manipulation politique de la notion de composante sociologique». Mais pour Charly Mbock, un fort accent devrait être mis sur une meilleure appropriation des valeurs inhérentes au concept de terroir est la clé qui augurera une ère nouvelle dans la gouvernance du pays. « Le territoire conduit à un patrimoine, le terroir conduit à une patrie », at-il relevé.
Les Débats de Lignes d’horizon ont été initiés en octobre 2021 dans le but de faire renaître les débats citoyens autour des questions d’intérêt commun. « Il s’agit de sélectionner ou d’identifier une problématique majeure et de solliciter les intelligences susceptibles de l’éclairer sous une pluralité d’angles, de manière à disposer des points de vue pertinents qui articulent à la fois diagnostics et propositions » , indique son promoteur. La première édition questionnait ce qu’être journaliste aujourd’hui au Cameroun veut dire.
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Louise Nsana
Dupleix Kuenzob Pedeme : Pour un septennat de restauration de la justice sociale
Dupleix Kuenzob Secrétaire Exécutif DMJ Qui payera la facture de la fracture sociale qui se dessine sous fond d’instrumentalisation de la tribu au Cameroun ? Sans que le pays soit sorti de la crise sur la forme de l’Etat, le démon de la division gangrène certains individus aux pensées retors, qui ne verraient en la République qu’un regroupement de tribus ou d’ethnies sans commune vision, sans inclusion ni destin commun. De tels personnages, d’où qu’ils viennent et de quels bords qu’ils appartiennent, ne méritent pas les considérations de la patrie. Car en les responsabilisant, il est fort possible qu’ils confondent la famille restreinte à l’Etat, confisquant de tous temps les institutions et excluant ainsi les autres de la jouissance de leurs droits.
Dans un travail de recherche sous la direction scientifique du Professeur Charly Gabriel Mbock et autres membres constitués des professeurs Tatah Mentan, Tchameni Célestin, à la commande du Service Œcuménique pour la paix (SeP) et publié en 2000 sous le titre ‘‘Conflits ethniques au Cameroun quelles sources, quelles solutions ?’’[1] , les auteurs concluaient non sans raisons que malgré la réalité du fait ethnique, il n’y a pas de conflits ethniques au Cameroun, mais que la manipulation et l’instrumentalisation à des fins politiques ou économiques de l’ethnie était à l’origine des rixes entre groupes différents qui ont pourtant généralement cohabité et partagé tous ensemble sans que les uns s’interrogent sur les origines des autres.
Se basant sur cette conclusion, nous observons que le discours tribal apparaît généralement lorsque des acteurs, agissant la plupart de temps pour leur compte au mépris de la cause commune, sentent leurs intérêts et positions menacés. C’est alors qu’ils se souviennent des autres, plus nombreux, mais dans une approche qui vise à opposer d’innocentes personnes dont les voix n’ont que rarement compté. En lieu et place du tribalisme, il y a dans notre société une forme insidieuse d’oligarchie dont les tenants se cachent derrière d’anciennes théories et pratiques (diviser pour mieux régner) pour asseoir leur domination sur un peuple qui n’aspire en définitive qu’à la justice sociale.
Conscient de cette logique politicienne, nous avons, au lendemain de son installation le 27 avril 2017, interpellé la Commission Nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) sur l’une des dimensions de son mandat qui celui de la médiation sociale en vertu de l’article 3 (1) du Décret N0 2017/013 du 23 janvier 2017 qui stipule que ‘‘la Commission est chargée d’œuvrer à la promotion du bilinguisme, du multiculturalisme au Cameroun, dans l’optique de maintenir la paix, de consolider l’unité nationale du pays et de renforcer la volonté et la pratique quotidienne du vivre ensemble de ses populations’’.
Nous apportions à cet effet, aux membres de la Commission Mafany Musongue, notre modeste contribution à la réalisation de leurs charges et l’accomplissement de leur mission. Une partie de notre contribution portait alors sur la prise en charge de la problématique du tribalisme au Cameroun. D’après notre compréhension des situations préjudiciables à la paix telles qu’elles sont vécues au sein des populations et notamment la jeunesse que nous avons l’honneur d’accompagner dans ses luttes quotidiennes pour une insertion réussie et une cohabitation pacifique avec d’autres couches sociales, nous formulions le vœu et les propositions ci-après.
- La valorisation des stéréotypes et préjugés qui étiquettent les tribus et ethnies
Différentes tribus/ethnies au Cameroun sont sujettes à des images constituées des préjugés, clichés, stéréotypes qui ont la particularité d’être des perceptions à connotation foncièrement péjorative pouvant avoir des conséquences aussi bien pour les personnes qui les expriment que pour celles qui subissent leur expression. Ces construits sociaux manifestés sous diverses formes : croyance à l’égard d’un groupe, affect négatif, attitude, ou émotion sociale, peuvent se révéler être de véritables dépôts de l’exclusion et de la fragmentation sociale. Le triste souvenir du génocide au Rwanda nous suggère d’être prudent en préparant le lit à une inclusion et une compréhension originelle de ces clichés qui peuvent être positivés en une mythologie camerounaise utilisée pour enrichir la connaissance et la compréhension plurielle des tribus et ethnies concernées. Dans cette optique, nous envisageons :
Suggestion 1 : la création d’un kaléidoscope ‘‘imagologique’’ qui serait un répertoire national compilant l’ensemble des perceptions, stéréotypes, préjugés et clichés socioculturels que les ressortissants des différents groupes ethniques ont les uns envers les autres avec essai d’explication historique ou légendaire de leur genèse. La spécificité de ce répertoire d’« imagologie » est que tout le monde pourra y puiser pour comprendre approximativement ou réellement pourquoi une ethnie/tribu x est perçue sous un angle particulier, d’où viendrait cette perception, quel est son bienfondé, et sa plus-value dans une dynamique du vivre ensemble. Nous partons du postulat que dans un contexte multiculturel, les «forces » et les « faiblesses » des uns ou des autres est la base du facteur d’équilibre.
- La régulation de la politique de l’équilibre régional
La vie publique au Cameroun est minée par un sentiment de suspicion généralisée sur le contrôle ethnico tribal de l’appareil de l’Etat. Les querelles autour des résultats des concours d’entrée dans les grandes écoles du pays, les mémorandums des ressortissants d’une partie ou l’autre du pays pour revendiquer une part de la richesse nationale sont des menaces réelles au vivre ensemble qui traduisent un sentiment de lésion, de privation ou d’exclusion dans la jouissance de la croissance du pays.
Suggestion 2 : la mise sur pied d’un organe en charge de veiller sur la stricte application de l’équilibre régional
Nous pensons que pour restaurer la confiance et le sentiment national d’appartenance, un organe capable de produire des informations stratégiques en temps réel sur la situation de l’équilibre régionale au sein des secteurs et administrations où cela doit s’appliquer de droit doit être mis en place. Nous partons ici du postulat selon lequel il n’existe pas de justice sociale sans politique rationnelle de nivellement vers le haut des divergences sociales.
- La vitalisation de l’esprit patriotique à travers les chants scolaires
Il y a plusieurs décennies de cela, la fête de la jeunesse du 11 février et la fête nationale du 20 mai étaient des moments privilégiés pour les établissements scolaires du primaire et du secondaire de faire preuve d’ingéniosité et de créativité à travers la composition de chants patriotiques rappelant les faits historiques et héroïques des compatriotes, conseillant et conscientisant la jeunesse sur ce qu’il faut faire pour porter le Cameroun debout dans le concert des nations, vantant les symboles et victoires du pays, interpellant la conscience nationale sur les défis à surmonter. Ces hymnes et chants de ralliement ont progressivement cédé la place à des chansons d’une banalité déconcertante et parfois sans teneur ni portée éducative. Ce qui à notre sens a contribué à lessiver la fibre patriotique avec l’aide des conditions de vie difficiles. Pour ainsi remédier au dépérissement du patriotisme, nous envisageons :
Suggestion 2 : la création des annales ‘‘hymnologie et musicologiques’’ diffusables sur les ondes nationales
Nous pensons que pour la mémoire et la transmission aux générations futures des acquis du patriotisme, il est important de d’entreprendre un travail ‘‘d’archéologie’’ hymnologique et musicologique dans le but de reconstituer et reproduire sur des bandes sonores les chants patriotique autrefois exécutés dans les écoles primaires, lycées et collèges de la République à l’occasion des fêtes nationales de la jeunesse et de l’unité nationale. Un tel recueil est nécessaire pour la mémoire des jeunes et la familiarisation de celle-ci avec les rêves, les luttes, les aspirations des ainés, leur vision du Cameroun car le monde étant de plus en plus ouvert les jeunes camerounais ne rêvent plus que de l’étranger. Le postulat qui fonde cette autre suggestion est que les rêves des générations passées servent de point d’ancrage aux réalisations des générations futures. Or, si nous faisons une étude nous verrons que les menaces qui pèsent sur le vivre ensemble aujourd’hui sont le fait d’une ignorance de ce qu’était la vision qu’avaient les ainés il y a 20 voire 40 ans. De telles annales se constitueraient en s’enrichissant des nouvelles créations hymnologiques et musicologiques, ce qui encouragerait la culture.
La montée des appels au tribalisme en contexte post électoral nous détermine à dire que là où la compétition se joue uniquement pour les positions, l’action tend à disparaitre ; et lorsqu’il n’y a plus d’action, la situation se dégrade. Quel que soit le Président élu à l’issue du scrutin du 7 octobre 2018, le devoir premier qui l’interpelle est celui de la restauration d’une société de justice. Celle dans laquelle les positions vont se mériter sur la base des résultats réalisés à la position occupée. Pour qu’une telle justice sociale soit perçue et ressentie par le peuple, la pratique du suivi et évaluation doit rentrer dans la culture organisationnelle et managériale, faisant des détenteurs d’enjeux de pouvoir de véritables responsables à savoir des personnes disposant d’un pouvoir d’exercer une fonction, mais aussi une obligation de rendre compte et des comptes.
Il faut le rappeler avec l’ONU que ‘‘la justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité et de liberté d’expression pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique’’. Se faisant le prochain septennat devra être celui durant lequel chacun (e) répond de son travail aux parties prenantes de ce travail afin de garantir la sécurité humaine au sens holistique du terme. Seule la justice sociale peut aider à mettre fin à l’instrumentalisation et la manipulation des tribus et ethnies.
Dupleix F. KUENZOB PEDEME
Secrétaire Exécutif
Dynamique Mondiale des Jeunes (DMJ)
Yaoundé, Cameroun : Editions Service œcuménique pour la paix :
Editions Saagraph, c2000