Mais voilà, la réalité actuelle de ce beau pays pour lequel nos ancêtres se sont battus pour en préserver l’intégrité et la souveraineté est toute autre. Seulement à son deuxième Président depuis ce qu’il a été convenu de surnommer « les indépendances » des années 1960, dont 42 ans à la tête du pays jusqu’à ce jour pour Paul Biya, âgé de 92 ans et toujours dans la course à sa propre succession, contre 25 ans de règne pour son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, « le Cameroun de Paul Biya » a, depuis le temps, perdu de sa superbe.
ÉTAT DES LIEUX
Gabegie, vol, banditisme d’Etat, détournements de fonds publics, corruption, trafics d’influence, clientélisme, privilèges sectaires, impostures en tous genres et autres crimes impunis, voilà à quoi se réduit aujourd’hui l’image du pays de Um Nyobe et de Tchundjang Pouémi. Le Cameroun, c’est le règne de la pègre, le cimetière du génie créateur, le mouroir des talents et l’incubateur de la médiocrité.
Les seuls qui vous dresseront un tableau contraire et reluisant du Cameroun de Paul Biya, ce sont quelques rares et impertinents illuminés qui se servent à volonté et consomment goulûment et gloutonnement sur la table des privilégiés, les bénéfices du chaos organisé. Pourtant, pendant qu’une petite poignée d’insatiables s’empiffrent, les populations, elles, triment chaque jour un peu plus, victimes de la précarité aigüe qui jonche le chemin de leur quotidien. Comme pour mieux se moquer des conditions du peuple, la classe dirigeante n’a cesse de faire des promesses fallacieuses et de solliciter du peuple toujours plus de sacrifices. Mais depuis des décennies, la situation s’empire : taux de chômage galopant, sous-emploi affligeant avec des diplômés d’universités et grandes écoles qui doivent se contenter d’être chauffeurs de motos-taxis, vendeurs à la sauvette ou gardiens de nuit, érosion continue du pouvoir d’achat du fait des salaires de catéchistes pour les fonctionnaires en même temps que l’inflation galopante, insalubrité permanente avec des montagnes d’ordures qui ornent de façon nauséabonde les rues principales des grandes villes du pays, insécurité du fait du déficit d’éclairage public malgré la pression fiscale sur les contribuables souvent victimes de la barbarie administrative du fisc, état préoccupant des routes du fait de leur délabrement avancé, y compris en plein centre-ville, accidents de la route fréquents sur les axes reliant les grandes villes et causant de multiples pertes en vies humaines faute d’autoroutes appropriées malgré les budgets votés et consommés, liberté d’expression en péril, paralysie de certaines administrations et donc ralentissement de la dynamique économique du fait des luttes ouvertes de succession entre les pontes d’un régime déboussolé dont le système est à bout de souffle… Le Cameroun de Martin Paul Samba, d’Osende Afana et d’Ernest Ouandié mérite mieux.
QUI POUR METTRE FIN A LA RÉCRÉATION ?
2025, c’est une année électorale, si l’on s’en tient au calendrier politique annoncé par le pouvoir en place. Cette perspective des élections offre beaucoup d’espoir, mais nourrit aussi un certain nombre d’inquiétudes légitimes. Le flou artistique savamment entretenu par « l’homme lion » sur une éventuelle succession organisée qui ne surprendrait personne, comme il est de coutume dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne dite francophone, avec un quitus toujours mal dissimulé venant de « l’ancien » colonisateur qui ne se tient jamais loin en pareilles échéances pour imposer sa formule et son candidat les plus susceptibles de préserver ses intérêts stratégiques en Afrique ; des candidats déclarés dont la consistance et la cohérence politiques inspirent les doutes les plus profonds et les plus légitimes ; l’écrasante majorité des populations faisant montre d’un déficit criard de culture politique et donc dépourvues de lucidité objective dans leurs choix d’électeurs qui se font trop souvent, malheureusement, sur la base de critères essentiellement subjectifs tels que la solidarité ethnique, la satisfaction ponctuelle des besoins alimentaires, l’apparence physique, l’éloquence ou la forme du discours, même lorsque cela crève les yeux qu’il ne s’agit que de la rhétorique politicienne ; les luttes de positionnement aux relents de règlements de comptes au sommet de l’Etat… Autant d’éléments qui peuvent suggérer des inquiétudes quant à l’issue de l’élection présidentielle à venir.
Une chose au moins est sûre et certaine, l’échec retentissant du régime en place depuis plus de 40 ans est d’une évidence que seuls les mauvais esprits peuvent contester, et la nécessité impérieuse d’un changement réel et en profondeur, loin du simple slogan rébarbatif s’impose. Il y va de l’avenir de notre pays à tous, qui ne saurait être hypothéqué par un groupuscule de prédateurs sans foi ni loi. Pour cela, les populations du Cameroun doivent prendre leurs responsabilités et ne plus se laisser berner par les ruses maléfiques habituelles de quelque candidat que se soit. Assoiffés de pouvoir, obsédés par leurs plans de carrières et avides de gloires personnelles, les candidats politiques à l’élection présidentielle à venir vont user de tous les subterfuges pour séduire, mais dans l’écrasante majorité des cas, l’objectif ultime et inavoué est de se servir des camerounais pour permettre à ces candidats d’accomplir leurs desseins personnels. Changer pour juste voir un autre visage à la tête du pays, ça peut consoler pendant quelques temps, mais la déception ne tarde jamais à se montrer au grand jour, lorsque les masques tombent. Vigilance donc.
La personne providentielle dont le Cameroun a besoin à sa tête pour que notre pays soit à nouveau prospère et respecté dans le monde, c’est un homme ou une femme qui accepte de se donner en sacrifice pour son pays au détriment de ses ambitions personnelles, un homme ou une femme qui se place au-dessus des considérations partisanes, un homme ou une femme qui ne soit pas issu du « système » au risque de vouloir le perpétuer et de protéger ses complices, un homme ou une femme qui ne courbe pas l’échine face aux injonctions et intimidations des « puissances » étrangères qui ont du mal à se défaire de leurs élans esclavagistes, un homme ou une femme qui ait suffisamment de poigne pour imposer la vision de son pays et de l’Afrique au monde, un homme ou une femme qui ait pour priorité affichée et assumée la souveraineté du Cameroun et de l’Afrique. Souveraineté politique, souveraineté économique, souveraineté culturelle. En dehors de ce profil, il n’y a pas d’illusion à se faire sur le prochain dirigeant du Cameroun. A bon entendeur…
Par Paul ELLA
19 mars 2025