Le Représentant-Résident de la Cemac au Cameroun s’exprime au sujet des ressorts de la célébration de la 16e Journée Cemac.

Le sentiment d »appartenance à la CEMAC est-il toujours fort au moment de la célébration de la Journée CEMAC 2025 ?
Il existe effectivement un fort sentiment d »appartenance des populations de la CEMAC à cette Communauté. Même s’il se manifeste principalement par des revendications, des demandes et des exigences, celles-ci sont le signe de ce que ces populations considèrent la CEMAC comme le cadre légitime dans lequel ces attentes doivent trouver des réponses. Globalement les populations comprennent de mieux en mieux le rôle de la CEMAC et le travail de la Commission de la CEMAC que je représente au Cameroun. Il existe de nombreux éléments d’imbrication sociologique ou anthropologique des peuples de la sous-région, un continuum des peuples par-delà les frontières entre le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale; entre le Cameroun et le Tchad, ou entre le Tchad et la RCA, pour ne citer que ces exemples-là. Ce sentiment d’appartenance est également au fondement du rattachement entre les populations et l’institution communautaire, il contribue à l’intégration des peuples, ce que nous aimons appeler «la CEMAC des peuples».
Les activités de la CEMAC s’articulent autour du Programme Economique Régional (PER), qui vise à faire de la CEMAC un espace économique intégré au service du développement humain. Ça n’a pas changé, mais à quoi nous invite cette année la célébration de la Journée de la CEMAC ?
La libre circulation est la grande thématique de la célébration de la Journée CEMAC 2025. Elle est non seulement d’actualité parce qu’il y a des avancées à travers la mise en œuvre de certaines politiques communes, mais surtout parce qu’il y a des attentes très fortes de la part des citoyens communautaires en matière de libre circulation. Cette année, il est question d’évaluer le chemin parcouru en une cinquantaine d’années déjà et réfléchir sur la façon dont le processus évoluera dans les prochaines années, notamment grâce aux mesures qui sont prises pour en consolider la mise en œuvre.
Qu’est-ce qui est prévu pour surmonter les obstacles sur le chemin de la libre circulation?
Nous ne nous lasserons pas de le dire : la libre circulation dans notre zone est actée par les Chefs d’Etat depuis l’Acte Additionnel de 2005. Depuis lors la règlementation communautaire s’est significativement densifiée en la matière pour renforcer l’établissement de «épine dorsale» de l’intégration selon les propres mots du Président en Exercice dans son message à la Communauté. Vous pouvez voyager dans le pays de votre choix en zone CEMAC avec une carte nationale d’identité biométrique ou un passeport biométrique CEMAC. C’est une vérité institutionnelle et juridique. Nous continuons de travailler pour que sa mise en œuvre aille toujours plus loin car c’est l’un des piliers de l’établissement d’un marché commun.
C’est dans cette perspective qu’a été mis en place à l’ISSEA au Cameroun l’Observatoire des pratiques anormales chargé de d’identifier et analyser ces pratiques anormales, en l’occurrence sur les corridors d’intégration. D’autres initiatives sont en cours dans le même sens, notamment la brigade mixte CEMAC créée par les chefs d’Etat en 2022, en cours d’opérationnalisation, qui regroupe les différents services chargés de l’application des lois sur les corridors et dont le rôle sera de fluidifier le trafic, en s’assurant que les contrôles sont sur des sites conventionnels. Citons également le projet I – CEMAC en cours d‘achèvement qui consiste à l’équipement et à la formation des personnels des postes frontières, en rapport à la connexion au système d’identification d’INTERPOL. A ce jour, 35 postes frontières sur 40 ont été traités. Bien évidemment, il faut assurer la vulgarisation des textes communautaires afin que les citoyens communautaires et les agents en charge de leur application les connaissent. Tous cela à faciliter la marche vers la libre circulation effective et totale. Les difficultés rencontrées sur le chemin de la libre circulation ne devraient pas remettre en cause le processus engagé depuis une cinquantaine d’années.
Que dire des projets intégrateurs ?
Le PER est notre document stratégique de référence. Il est en cours d’actualisation pour la période 2025 / 2050. Plus d’une centaine de projets avaient été identifiés dans le PER. Un projet intégrateur implique au moins deux pays de la sous-région et a vocation à renforcer l’intégration de leurs économies. Face aux problèmes économiques des pays de la CEMAC et dans la foulée de la mise en place du Programme de Réformes Economiques et Financières de la CEMAC, les Chefs d’Etat ont adopté un premier programme de 11 projets intégrateurs dits prioritaires, pour lesquels une mobilisation de financements a été organisée à Paris en 2019 à travers une table ronde des bailleurs. La mise en œuvre de la plupart de ces projets est effective. Il s’agit de construire des infrastructures énergétiques, de transports, d’interconnexion numérique des Etats de la CEMAC, etc. En 2023, les Chefs d’Etat ont adopté une deuxième vague de 13 projets. Là également, une recherche de financements sur le plan international en 2023 a permis d’initier la mise en œuvre desdits projets. Il y a quelques jours à Sangmélima au Cameroun, le Ministre d’Etat, Ministre de l’Enseignement Supérieur a inauguré le Centre d’Incubation des Innovations et des Entreprises digitales de l’Université inter-Etats Congo-Cameroun. Ce Centre d’incubation a été entièrement financé par le Fonds de Développement de la Communauté (FODEC), un instrument de la CEMAC pour le financement des projets intégrateurs, à hauteur de 480 Millions de Francs CFA. Il faut préciser que cette Université figure au rang des projets intégrateurs prioritaires sélectionnés par les Chefs d’Etat dans le cadre du premier programme. Voilà une réalisation concrète qui aura un impact sur la vie de la jeunesse des pays de la CEMAC. Nous devons le faire savoir.
Propos rassemblés par Thierry Ndong