En évaluant un retrait de 35 % des structures multilatérales auxquelles il est affilié, Yaoundé cherche à redéfinir la frontière entre influence utile et dispersion coûteuse, dans un contexte où chaque franc doit désormais justifier sa valeur.

Le constat dressé par les ministères des Finances et des Relations extérieures est sans appel : le pays accumule depuis des décennies une série d’adhésions au périmètre incertain et à la finalité parfois mystérieuse. L’audit a mis en lumière la nécessité d’établir un cadre de suivi rigoureux pour éviter que le pays ne finance, parfois sans le savoir, des structures dont l’activité principale semble se limiter à exister. Certaines organisations ont été découvertes au fil de l’audit comme des vestiges d’accords oubliés, des affiliations « romantiques dont personne ne semble connaître l’objet exact », selon l’expression du ministre Louis Paul Motaze. Pour le ministre des Finances (Minfi), le gouvernement s’est rendu compte que le Cameroun est membre de certaines organisations dont personne ne se souvient de la date d’adhésion, ni de leur rôle exact ». Bref, un vrai club de l’inconnu. Cette accumulation a fini par produire un portefeuille diplomatique aussi large qu’illisible.
Enjeu
Il est moins de se retirer que de se recentrer. Le Cameroun entend maintenir son engagement dans les organisations stratégiques, à commencer par l’Union africaine, dont il a récemment acquitté 73 % de sa contribution. Ce geste symbolique et coûteux illustre une volonté claire : rester au cœur des instances qui comptent réellement pour l’équilibre continental, la coopération sécuritaire et les grandes orientations économiques africaines.
Mais ce recentrage s’inscrit dans un contexte plus vaste, marqué par une pression budgétaire accrue et par une exigence de cohérence dans la dépense publique. Les contributions internationales, souvent perçues comme anodines, se révèlent en réalité lourdes et répétitives, pesant sur un budget national déjà sollicité.
Le plan de rationalisation élaboré par le groupe de travail interministériel apparaît ainsi comme un outil stratégique. Il s’agit de réduire la dispersion afin d’améliorer la lisibilité de la politique étrangère du Cameroun et de renforcer son efficacité diplomatique. Recentrer les contributions, c’est aussi affirmer une ambition : peser davantage là où les décisions sont significatives, plutôt que se diluer dans une multitude d’enceintes symboliques.
Cette démarche révèle une évolution dans la perception de la diplomatie elle-même. Pendant longtemps, l’accumulation d’adhésions était synonyme de présence. Aujourd’hui, la présence ne se mesure plus au nombre d’organisations fréquentées, mais à l’impact réel obtenu dans celles où l’on choisit de s’investir. C’est une logique de rendement politique, économique et stratégique qui semble guider la réorientation de Yaoundé. En ce sens, la décision du gouvernement n’est ni un désengagement, ni un repli, mais une réorganisation. Elle acte le passage d’une diplomatie quantitative à une diplomatie qualitative, pragmatique et sélective. La volonté de clarifier, de hiérarchiser et d’assainir les engagements traduit une maturité nouvelle dans la gestion des relations internationales du pays.
Une fois finalisé et soumis au Premier ministre, le plan de rationalisation devrait constituer un outil majeur de maîtrise des dépenses et de clarification du portefeuille international camerounais, garantissant une meilleure cohérence entre coût et impact des participations de l’État. Comme le résume le ministre avec humour : « Nous ne payons pas pour collectionner des tampons, mais pour participer là où cela compte vraiment ». La phrase finale du Minfi devant le parlement résume ce changement de philosophie avec une pointe d’ironie : il ne s’agit plus de « collectionner des tampons », mais de contribuer là où la participation camerounaise peut réellement produire du sens, de l’influence et de la valeur.
Ongoung Zong Bella