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Prêter serment sur un livre « saint » ne garantit ni la sincérité ni la crédibilité d’un intervenant

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Jean-Claude-Djereke

Lors de l’édition du 27 novembre 2025 de « La Quotidienne Info » sur NCI (Nouvelle chaîne ivoirienne), Monsieur Demba Traoré est apparu sur le plateau avec un Coran à la main.

Jean-Claude-Djereke

L’animateur, Ali Diarrassouba, a qualifié la scène « d’inédite », soulignant qu’un tel geste ne s’était encore jamais produit dans un débat politique diffusé sur une chaîne publique ivoirienne. Certains observateurs se sont demandé si un symbole religieux avait sa place dans un espace audiovisuel public, conçu pour représenter l’ensemble des citoyens, quelles que soient leurs croyances. D’autres ont rappelé que la recherche de la vérité et la défense d’une position politique ne nécessitaient pas l’usage d’un livre « saint ». Selon ces points de vue, la force d’un argument devrait reposer sur les faits et la cohérence du discours, plutôt que sur l’invocation d’un symbole religieux destiné à renforcer la crédibilité d’un intervenant. Enfin, certains analystes estiment que les tensions liées au débat sur le désarmement des rebelles avant l’élection présidentielle constituent le cœur du débat, indépendamment de la portée symbolique du Coran brandi sur le plateau.

Les serments religieux dans la vie politique ouest-africaine

Ces dernières années, plusieurs dirigeants ont prêté serment sur des textes sacrés, souvent dans des contextes de transition ou de crise. Dans de nombreux cas, ces engagements n’ont pas été suivis d’effets concrets.
C’est le cas en Guinée, avec Mamady Doumbouya, arrivé au pouvoir par un coup d’État. Il avait publiquement juré sur le Coran de ne pas se porter candidat à la future élection présidentielle. Pourtant, à l’approche du scrutin, il est devenu l’une des figures majeures de la compétition politique, ce qui a relancé le débat sur la valeur réelle de tels serments.
Au Mali, Assimi Goïta avait juré sur le Coran de conduire une transition courte avant de restituer le pouvoir aux civils. Les évolutions ultérieures de la transition ont montré que ce serment n’avait pas suffi à garantir le respect strict du calendrier initial.

En Côte d’Ivoire, à en croire Soro Guillaume, Alassane Ouattara avait prêté serment sur le Coran pour lui transmettre le pouvoir à l’issue de son mandat. Non seulement le serment ne fut pas respecté mais où Soro se trouve-t-il aujourd’hui? Ne mène-t-il pas une vie d’errance? N’est-il pas devenu persona non grata dans un pays à la tête duquel il a contribué à porter Ouattara?
Certains mouvements extrémistes ont, eux aussi, eu recours à des serments religieux, parfois avant de commettre des actes violents. Tous ces exemples montrent que le fait de prêter serment sur un livre saint ne garantit ni la sincérité ni la fidélité à un engagement.
Dans ce contexte, certains observateurs ivoiriens pensent que le débat actuel devrait davantage se concentrer sur des enjeux institutionnels: la gestion du désarmement, les responsabilités dans la sécurisation des élections, et les décisions politiques prises à cette période. Selon eux, l’utilisation d’un symbole religieux détournerait l’attention des questions essentielles, notamment:
– la place du désarmement dans le processus électoral,
– les avantages accordés ou refusés à certains acteurs armés,
– les réactions suscitées par ceux qui demandaient l’application stricte des mesures de sécurité.
Le 24 novembre, Charles Blé Goudé a jeté un gros pavé dans la mare en révélant, entre autres choses, que, convoqué chez Nady Bamba en 2009, il fut sommé de présenter des excuses à Guillaume Soro pour avoir réclamé le désarmement des rebelles avant l’élection présidentielle de 2010. Laurent Gbagbo, Sidiki Konaté et Méité Sindou étaient présents à cette rencontre.

Même si on peut reprocher à l’ancien « général de la rue » certains choix politiques du passé, dont son message de félicitations adressé à Alassane Ouattara lors de sa pseudo-réélection, un geste qui avait surpris et parfois heurté une bonne partie de la population, il semble hasardeux de lui imputer la division du FPI, d’́affirmer qu’il a témoigné contre Simone Gbagbo dans un procès dont on n’a jamais entendu parler ou de considérer que son intervention du 24 novembre visait à salir et à déconstruire Laurent Gbagbo qui, de son propre aveu, est et demeure son mentor.

Jean-Claude Djéréké

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