Ce 6 novembre 2025, les camerounais se retrouvent dans les maquis de Yaoundé pour voir le nouveau président prendre ses fonctions.

Il est 9h lorsque Anicet, Georges et Christian trois jeunes fervents soutiens du président Paul Biya, prennent d’assaut le bar le plus populaire du quartier Ayéné (dans la commune de Yaoundé 4). Ces jeunes qui savent que la buvette est un fief du RDPC veulent être en première ligne. En prenant donc les premières places, ils ne comptent pas céder aux dictats du droit d’ainesse. Pour mieux se prémunir, ils achètent un casier de bière. Bien plus ils convient 2 provenant de leurs amis de l’opposition. Ici l’ambiance est bon enfant. On est loin des querelles pré et post électorales. Comme un seul homme il est question de suivre la prestation de serment, afin que le pays retrouve la sérénité.
Dès l’arrivée du président à l’hémicycle du palais des verres le ton est donné, « l’heure de vérité a sonné. Nous devons attentivement suivre l’évènement, les choses sérieuses commencent », lance avec humour Anicet, un des admirateurs du Président élu. Éclats de rire autour de lui. En réalité, il taquine ses deux amis du camp d’en face qui doutaient de ce que la prestation de serment aurait lieu. Pour eux la paralysie de certaines parties du pays ne pouvait permettre la tenue d’une cérémonie aussi importante.
Lorsque la caméra fait un zoom sur l’ambassadeur des États Unis d’Amérique, l’on entend des rires sarcastiques de ces jeunes. L’on croit alors que les lions indomptables ont marqué un but, vu l’euphorie des militants. Les étudiants venus acheter de la viande braisée accourent pour voir ce qui se passe. L’explication de ces rires moqueurs vient de Christian : « nos adversaires disaient que les occidentaux ne vont pas reconnaître la victoire de Paul Biya. Voilà l’ambassadeur de Donald Trump qui est présent. Vous êtes foutu. Soyez fair-play et buvez la bière de notre camarade ». C’est par un léger sourire que les deux opposants répondent à leurs amis.
Et lorsque le président élu prononce la fameuse phrase déclarative « I do so swear », c’est l’apothéose. Nina la barwoman offre un casier de bière à ces camarades : « on gère encore pendant 7 ans. Prenez ce casier de Manyan, c’est la maison qui offre », une forte jubilation s’installe pendant près de 5 minutes. Même les adversaires entrent dans la danse.
Appréciation du discours
Mais les esprits des uns et des autres reviennent lorsque le président prononce son discours de politique générale. Georges se lève par un mouvement de main et tel un maestro, il demande le calme, « il ne faut pas rater ce moment, le boss va donner le ton ». Le bar étant plein à craquer, ceux des militants et autres curieux qui n’ont pas de chaises prennent les casiers. C’est un silence de cimetière qui règne. Les voies s’élèvent à nouveau lorsque le président annonce la réouverture des inscriptions en thèse de doctorat et le lancement à nouveau du concours de l’école normale supérieure (ENS). « Voilà la seule partie du discours qui m’intéresse. Le reste je m’en fou », évoque un parent présent dans ce bar. Bref, la quasi-totalité des téléspectateurs saluent également la fermeté du président vis à vis des casseurs, « que les désordonnés se cachent, sinon ils se retrouveront au pays de si je savais », scande Amélie, une militante du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC).
André Gromyko Balla
Ils ont dit…
Les attentes des jeunes
Abbé Nguena : étudiant en master droit public à l’université de Douala
Entre colère populaire et désobéissance civile, le Nord-Cameroun vit une tension postélectorale sans précédent, où Issa Tchiroma devient le symbole d’une revendication politique longtemps refoulée.
Vu la conjoncture, il faut premièrement industrialiser le pays. Celle-ci permet de générer les emplois. Ce qui est une réponse directe de la lutte contre le chômage. Deuxièmement, il faut revaloriser les salaires pour rattraper le coup de vie qui est de plus en plus chère. Il faut une nouvelle équipe de gestion de l’État et revoir à la baisse le train de vie de l’État. Avoir un budget d’investissement supérieur au budget de fonctionnement.
Stéphane Akono : ingénieur audiovisuel
Le chef de l’État doit mettre un accent particulier sur la formation accompagnement. On ne doit pas laisser un homme formé en errance. Je prends le cas d’un biochimiste qui n’est pas employé ou qui n’est pas accompagné, il peut devenir un tueur silencieux en produisant ou fabriquant les faux produits comme la bière, les médicaments, la liste n’est pas exhaustive.
Il est aussi temps que l’on passe de l’équilibre régional à beaucoup plus de mérite. Il est frustrant de voir ton camarade occuper une fonction alors qu’il est moins brillant que toi. Le président doit favoriser la justice sociale.
Junior Signé : soudeur métallique
L’accompagnement dont le président a parlé doit véritablement être implémenté, surtout dans le domaine fiscal. Les impôts sont trop chers au Cameroun. J’aimerais que le prix du KW d’électricité baisse.
Ruth Cesarine Mewoulou : infirmière
Pour moi, le personnel soignant doit être plus valorisé par le gouvernement. Il faut que le président intègre plus d’infirmières et techniciens de santé. Pour une meilleure gouvernance, il faut un 50% de femme comme ministre. Dans son discours il a dit que la femme sera au cœur de son action pendant le septennat
Charles Meyong :technicien en bâtiment
Il faut que l’État crée plus de conditions pour l’emploi des jeunes. Quand un jeune ne travaille pas il devient très dangereux pour son environnement avec des conséquences néfastes pour le pays. Le président doit également arrêter tous les voleurs de luxe qui se trouvent autour de lui. Il doit aussi penser à sa retraite, il est déjà très vieux.
Propos recueillis
par André Gromyko Balla




