Sans action urgente et concertée, certaines zones du pays risquent de vivre dans une mauvaise spirale jusqu’en mai de l’année prochaine.
Le Cameroun fait face à une crise alimentaire qui menace des millions de vies et pourrait perdurer jusqu’en 2026. Selon les dernières données du World Food Programme et du Famine Early Warning Systems Network (FEWS NET), plus de trois millions de Camerounais vivent aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Cette situation, déjà critique, pourrait s’aggraver dans les prochains mois, plaçant le pays dans ce que les experts appellent un véritable « piège de la faim ».
Les régions les plus affectées restent l’Extrême-Nord, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, l’Est et l’Adamaoua. Dans ces zones, la combinaison de conflits prolongés, de chocs climatiques et de marchés fragiles fragilise durablement l’accès à la nourriture. Les violences dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui perturbent la production et détruisent les infrastructures agricoles, constituent un facteur majeur. À cela s’ajoutent les aléas climatiques : sécheresses et inondations récurrentes détruisent les récoltes et compromettent la résilience des communautés rurales.
Les ménages urbains vulnérables, souvent dépendants des marchés pour se nourrir, subissent également de plein fouet la flambée des prix alimentaires. Les revenus faibles et irréguliers accentuent le risque de malnutrition, créant un cercle vicieux difficile à briser. Dans certaines zones, le risque d’« Emergency » (IPC Phase 4) est réel, ce qui correspond à une insécurité alimentaire extrême et à des niveaux critiques de malnutrition. FEWS NET prévoit que cette situation persistera au moins jusqu’à mai 2026 dans certaines poches du Nord-Ouest et du Sud- Ouest, tandis que l’Extrême-Nord et les régions septentrionales pourraient connaître un passage de la phase « Stressed » à « Crisis ».
Le Cameroun est ainsi piégé dans une spirale où les catastrophes naturelles, les conflits et la précarité économique se renforcent mutuellement.
Les faibles stocks agricoles et les difficultés d’accès aux marchés exacerbent la vulnérabilité des familles. L’aide humanitaire, elle aussi, reste insuffisante et sujette à des coupes qui menacent de fragiliser encore davantage les populations les plus démunies.
Pour sortir de cette crise, plusieurs leviers sont envisagés. Il s’agit d’abord de renforcer l’appui aux petits exploitants agricoles par des programmes d’irrigation, la fourniture de semences améliorées et la mécanisation. L’amélioration de l’accès aux marchés et la modernisation des infrastructures de transport sont également cruciales pour garantir l’approvisionnement des zones isolées.
Enfin, la résolution des conflits, la diversification des revenus et le développement de filets sociaux protecteurs figurent parmi les priorités pour assurer une résilience durable. Les acteurs humanitaires et institutionnels, tels que la FAO ou le Programme Alimentaire Mondial, ont déjà initié des interventions ciblées. Mais la réussite de ces mesures dépendra de leur mise en œuvre rapide et coordonnée, alors que le pays entre dans une période de soudure prolongée et de vulnérabilité élevée.
Jean René Meva’a Amougou
