Home INTÉGRATION RÉGIONALE Faible niveau de recouvrement de la TCI: la Cemac en panne sèche

Faible niveau de recouvrement de la TCI: la Cemac en panne sèche

27
0

Plusieurs experts soulignent que le faible taux actuel de recouvrement de la Taxe communautaire d’intégration (TCI) contraint la CEMAC à revoir à la baisse ses ambitions budgétaires et à privilégier une approche plus réaliste.

Les ministres et experts venus des six États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ont planché plusieurs jours durant sur le budget 2026 de l’institution. Sur la table, un chiffre : 85,9 milliards de francs CFA. Derrière ce montant, une réalité plus prosaïque : le faible taux de recouvrement de la Taxe communautaire d’intégration (TCI), principale ressource de la communauté.

« La CEMAC avance avec un moteur financier à demi-plein », confie un économiste de la Commission sous couvert d’anonymat. « Le potentiel de la TCI est immense, mais son rendement reste inférieur à 70 %. Cela signifie que nous fonctionnons chaque année avec près d’un tiers de nos ressources bloquées dans les circuits administratifs nationaux ».

Cette taxe, prélevée sur les importations en provenance de pays tiers, devait symboliser la solidarité communautaire. Mais entre lenteurs bureaucratiques, défaillances de recouvrement et priorités nationales, elle peine à remplir son rôle intégrateur. Dans certains États, les transferts tardent, parfois de plusieurs mois. D’autres invoquent des difficultés techniques, des retards comptables ou des tensions budgétaires internes. Résultat : les projets communs ralentissent, les programmes régionaux se mettent en pause, et l’ambition d’une intégration économique forte se dilue dans les bilans.

« Les États membres ont d’énormes contraintes internes, mais ils oublient souvent que la CEMAC, c’est aussi eux », note un expert du Fonds de développement de la communauté. Selon lui, la faiblesse du recouvrement ne reflète pas seulement un problème financier, mais aussi politique : « Il manque une volonté partagée de faire de la TCI une priorité nationale. »

Le président de la Commission, Baltasar Engonga Edjo’o, a reconnu la difficulté, tout en appelant à une approche « pragmatique ». Le budget 2026, dit-il, « prend en compte la réalité du recouvrement ». En d’autres termes, la CEMAC ajuste ses ambitions à la hauteur de ses moyens. Moins de projets pharaoniques, plus de ciblage, de rationalisation et de contrôle.

Pourtant, le contexte régional n’aide guère. L’instabilité politique persistante dans certaines zones, la baisse des recettes pétrolières et la pression sur les monnaies nationales pèsent sur les économies. Plusieurs programmes d’intégration, notamment dans les infrastructures et la libre circulation, sont ralentis. Les partenaires techniques et financiers appellent à des réformes de gouvernance, mais celles-ci tardent à se concrétiser.

« L’heure n’est plus aux slogans, mais à la rigueur », tranche un ancien haut cadre de la BEAC. « Si la TCI ne devient pas une ressource effectivement communautaire, la CEMAC restera dépendante des bailleurs, et son autonomie financière ne sera qu’un mirage ». Entre les chiffres et les promesses, Brazzaville aura donc servi de miroir à une intégration régionale encore hésitante. Les experts ont beau louer la prudence du budget 2026, tous savent que la vraie bataille se joue ailleurs : dans la capacité des États à honorer leurs engagements. Tant que la TCI ne remplira pas pleinement le réservoir, la CEMAC devra avancer au ralenti, freinée par ses propres lenteurs.

Rémy Biniou

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here