L’ouvrage« L’État de l’Afrique 2025 » analyse les successions dynastiques et les incertitudes du pouvoir à Yaoundé, Brazzaville et N’Djamena.

L’ouvrage L’État de l’Afrique 2025, véritable radiographie du continent, fait déjà couler beaucoup d’encre et de salive. Dans sa tendance n°19, intitulée « Afrique centrale : successions dynastiques et présidences perpétuelles à l’épreuve des ruptures géopolitiques », Maurice Simo signe une analyse aussi froide et lucide des régimes d’Afrique centrale, à la veille d’une année électorale camerounaise sous haute tension. « L’Afrique centrale bouge, cela est indéniable. Mais le rythme et la direction diffèrent de ceux de l’Afrique de l’Ouest », écrit-il en introduction.
Quand le vent du Sahel ne souffle pas jusqu’aux forêts
L’auteur revient sur la période post-coup d’État du Niger en 2023, lorsque médias et experts occidentaux prédisaient un effet domino vers l’Afrique centrale. Les pronostics parlaient de chutes imminentes à Yaoundé, Brazzaville ou N’Djamena. Mais deux ans plus tard, observe-t-il, « les chefs d’État que l’on disait condamnés sont toujours en place ». Cette résilience n’est pas anodine. Elle révèle, selon Maurice Simo, « une mécanique du pouvoir propre à la région », fondée sur la gestion clanique, la longévité et la peur du vide.
Les dynasties politiques comme plan de continuité
L’analyse de Simo s’attaque au cœur du modèle : la succession dynastique, qu’il décrit comme le prolongement naturel des présidences à vie. « À Paris, la tentation dynastique est envisagée comme un continuum de la présidence perpétuelle », écrit-il, en allusion aux stratégies de maintien d’influence de l’ancienne puissance coloniale. Ces projets de succession (au Congo, en Guinée équatoriale ou potentiellement au Cameroun) reposent sur la « familiarité congénitale » et la reproduction d’un appareil politico-administratif éprouvé. Les héritiers, explique-t-il, sont souvent « des profils biberonnés et compromis dans des transactions parentales », destinés à perpétuer le système plus qu’à le réformer.
Le Cameroun au centre du jeu
Dans ce panorama, le Cameroun occupe une place singulière. Avec 43 ans de présidence Biya et l’élection présidentielle d’octobre 2025, le pays devient, selon Simo, le véritable pivot géopolitique de la sous-région. « Toute succession non encadrée à Yaoundé ouvrirait une période d’incertitude et de désarroi côté Paris », avertit-il. La France, souligne l’auteur, a plus à perdre qu’à gagner dans une alternance imprévisible. Si la Chine s’impose désormais comme premier partenaire commercial du Cameroun, elle reste indifférente aux modalités de dévolution du pouvoir : « Pékin négociera avec celui qui sera en place ».
Présidences perpétuelles, horizons bouchés
Pour Maurice Simo, la stabilité apparente cache une fragilité profonde. « La présidence perpétuelle convient à l’Élysée, mais adouber un pouvoir à vie a ses limites : le glas finit toujours par sonner ». Son diagnostic, sévère mais mesuré, pose une question dérangeante : le Cameroun est-il prêt pour la relève ? Et si oui, sous quelle forme ? Dynastique, électorale ou… inattendue ?
L’incertitude comme seule certitude
En conclusion, l’auteur invite à la prudence : « les projets dynastiques et présidences perpétuelles seront-ils des digues solides face à la montée du mouvement de rupture sahélien ? La seule certitude, c’est l’incertitude de l’avenir ». Avec cette contribution magistrale, Maurice Simo signe un texte d’alerte et de réflexion. Dans une Afrique centrale où les pouvoirs s’accrochent et les peuples s’impatientent, L’État de l’Afrique 2025 met en lumière la tension entre le désir de continuité des élites et la soif de changement des sociétés. Une lecture indispensable à l’heure où Yaoundé retient son souffle.
Tom.




