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Lendemain d’élection à l’Ecole publique de Mfou (Mefou-et-Afamba): une matinée pas comme les autres

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Ecole publique groupe 1 de Mfou, le CE1 peu avant 8h ce 13 octobre 2025

Choses vues et entendues dans une salle de classe ayant servi de bureau de vote.

Ecole publique de Mfou (Groupe 1), ce matin du lundi 13 octobre 2025. Dans la salle « CE1 B », la lumière entre par les mêmes fenêtres, mais l’air n’a plus tout à fait la même innocence. La salle de classe a encore l’odeur du dimanche. Celle d’un lieu qui a vécu une autre histoire, juste la veille. Et sur le tableau noir, demeurent des traces de craie blanche : des chiffres, des noms, des flèches maladroites, témoins d’un décompte électoral. Les élèves s’installent, leurs cartables sur les bancs un peu déplacés. Ils regardent, intrigués, les restes de la veille. « Maîtresse, c’est quelle leçon ça ? » demande Arlette, le cou tendu vers le tableau. L’enseignante, dame Oscarine Mbezele, suit son regard, lit les inscriptions : « Bureau n°5 : 312 voix contre 289 » et soupire doucement. Elle n’a pas le cœur d’effacer tout de suite. Il y a là, dans ces chiffres, une belle occasion de parler du monde.

« Ce n’est pas une leçon de maths aujourd’hui, mes enfants », dit-elle en reposant son chiffon. « C’est une leçon de vie ». Les regards s’accrochent à ses mots. Alors elle commence, lentement, comme on raconte une histoire. Elle parle du vote, de la démocratie, de ce geste simple qui consiste à glisser un papier dans une boîte transparente. Elle explique comment, hier, dans cette même salle, des hommes et des femmes ont patienté sous le soleil pour accomplir leur devoir de citoyen. Les enfants écoutent, fascinés. Pour eux, le mot vote a jusque-là un parfum d’adulte. Mais ce matin, il s’installe entre les cahiers, comme un concept qu’on apprivoise. « Alors, maîtresse, on gagne quoi quand on vote ? » s’enquiert Adèle, un peu sceptique. « On ne gagne pas, on choisit », répond-elle. « Et parfois, on perd un peu, mais on apprend à accepter ».

Elle leur parle ensuite du dépouillement : des bulletins comptés un à un, des mains tremblantes qui craignent l’erreur, des voix qui s’additionnent comme des espoirs. Elle décrit la tension de ceux qui surveillaient les piles, et la petite émotion au moment du résultat final. Elle raconte sans nommer personne, pour ne pas raviver les passions du quartier, mais tout le monde comprend que c’est du pays qu’il s’agit.

Dans la cour, quelques oiseaux jacassent, comme pour ponctuer la leçon. L’école a retrouvé son calme, mais on sent encore la gravité du dimanche. Les élèves, eux, découvrent que la démocratie, ce n’est pas qu’un mot de radio. C’est un exercice collectif, fragile et beau, un peu comme une dictée où chacun doit bien écrire pour que le sens soit clair.  Alors la maîtresse saisit la craie, hésite, puis écrit au tableau : « Leçon du jour : Apprendre à choisir ». Les enfants copient en silence. Certains ajoutent des dessins : une urne, une main, un soleil. D’autres lèvent la main pour demander si eux aussi voteront un jour. « Oui, bien sûr », dit la maîtresse avec un sourire. « Et ce jour-là, souvenez-vous de cette salle. Vous saurez que chaque petit bout de papier peut changer beaucoup de choses. »

La cloche sonne. Les enfants se lèvent, bruissant d’énergie. Le tableau a retrouvé son rôle, mais l’école garde quelque chose de cette parenthèse civique. Dans la poussière de craie et les échos d’enfance, il reste la trace d’un apprentissage plus grand que les mots : celui de la citoyenneté. Et quelque part, en rangeant les bulletins oubliés dans une enveloppe, la maîtresse se dit que cette élection-là aura peut-être servi à quelque chose : semer une graine de démocratie dans les cœurs encore neufs.

Jean-René Meva’a Amougou

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