Une vieille légende juive raconte qu’un vieux sage voulait protéger son peuple, alors il a pris de la boue, il a modelé un corps, et il a écrit un mot magique sur son front — un mot qui voulait dire «Vérité ».
Et la chose s’est levée!
Elle bougeait, elle obéissait, elle faisait tout ce qu’on lui disait.
Mais elle n’avait « pas d’âme », pas de cœur, pas de pensée.
Elle faisait tout, même quand c’était injuste, même quand ça tuait.
Il avait créé le Golem.
Sauf que le Golem, docile et puissant, devait protéger le peuple. Mais il finit par devenir incontrôlable.
Privé d’âme, il obéissait sans comprendre, exécutait sans conscience.
Pour l’arrêter, il fallut effacer une lettre du mot magique : Émet devint Met — “Mort”.
Et la créature retomba en poussière.
Cette histoire ancienne pourrait bien être celle du Cameroun d’aujourd’hui.
Car notre pays aussi semble gouverné par un Golem, un être d’argile : un pouvoir sans vie, sans souffle, mais qui continue de bouger, de parler, de signer, comme mû par une force invisible.
Un État devenu mécanique.
Une République maintenue artificiellement en mouvement.
Alors, qui est le Golem du Cameroun ?
Est-ce Ferdinand Ngoh Ngoh, le tout puissant secrétaire général de la présidence, détenteur d’une “délégation permanente de signature” qui fait de lui la main agissante d’un chef de l’État absent ?
Créature fidèle ou nouveau maître du sortilège ?
Obéit-il encore à Biya, ou agit-il déjà pour lui-même ?
Celui qui a été créé pour exécuter n’est-il pas, à son tour, devenu indispensable au point de rendre son créateur impuissant ?
Ou bien, le vrai Golem, c’est Paul Biya lui-même — cet homme de 93 ans dont le nom continue d’animer le système ?
Un président transformé en symbole, un corps politique vidé de sa substance , utilisé par ceux qui craignent de perdre le pouvoir s’il s’éteint.
Biya n’est-il pas devenu l’instrument d’un régime qui ne sait plus vivre sans lui, une marionnette que son entourage fait bouger pour protéger ses privilèges ?
Issa Tchiroma serait-il le Golem ou plutôt ironie du destin, le seul capable de désactiver le Golem ?
Ancien ministre, il y a encore quelques mois, ancien avocat du diable et porte-parole du pouvoir, aujourd’hui candidat contre lui.
Celui qui fut la voix du monstre veut-il désormais le faire taire ?
Mais peut-on réellement détruire la créature qu’on a servie pendant tant d’années?
Ou sera-t-il, lui aussi, englouti par la machine qu’il tente de défier ?
Qui est le Golem ?
Le serviteur devenu maître ?
Le maître devenu pantin?
Ou le système tout entier, fait de peur, de silence et d’intérêts croisés, qui manipule et dévore à la fois ?
Dans la légende juive, le Golem finit toujours par écraser ceux qui refusent de l’arrêter.
Et quand il tombe, il ne tombe jamais seul : il emporte le temple avec lui.
La question, aujourd’hui, est :
les Camerounais le 12 octobre prochain sauront-il effacer le mot “pouvoir” du front de cette créature avant qu’elle ne réduise le pays en poussière ?
Jean Pierre Bekolo
