En succédant à Audrey Azoulay, Khaled El-Enany hérite d’une pile de dossiers urgents.

Le 6 octobre dernier à Paris, la direction générale de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) a changé de visage. C’est Khaled El-Enany, 53 ans, qui en porte désormais les espoirs et les tourments. A 54 ans, l’ancien ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités hérite d’une maison fragilisée. Il promet une « UNESCO pour les peuples », centrée sur la défense des droits humains, la diffusion du savoir scientifique et la protection des expressions culturelles. Mais derrière ce credo consensuel se cache une équation complexe : comment maintenir la crédibilité et la neutralité de l’organisation dans un monde où les fractures politiques, économiques et technologiques s’élargissent ?
Chantiers
Le premier défi d’El-Enany est financier. Le départ annoncé des États-Unis en 2026 priverait l’UNESCO de près de 75 millions de dollars par an sur un budget global d’environ 900 millions. Le nouveau directeur général en a conscience : « Sans budget, il ne peut y avoir d’action », a-t-il rappelé devant le Conseil exécutif. Mobiliser de nouvelles ressources, séduire les partenaires privés et convaincre Washington de revenir dans le giron onusien constitueront ses priorités immédiates.
Le deuxième front est politique. Dans une institution où les débats sur l’éducation, la mémoire ou le patrimoine deviennent souvent le reflet des tensions géopolitiques, El-Enany devra jouer les équilibristes. Il s’est engagé à maintenir une « politique ouverte » et un dialogue permanent, en traitant chaque dossier « sur une base d’égalité et non politisée ». Une ambition louable, mais mise à rude épreuve par la compétition d’influence que se livrent les grandes puissances au sein même de l’UNESCO.
Enfin, l’Égyptien devra réaffirmer la pertinence de l’organisation face aux nouveaux défis planétaires : la révolution numérique, la régulation de l’intelligence artificielle, le réchauffement climatique et la protection d’un patrimoine mondial menacé par les guerres. Redonner du souffle à une institution parfois perçue comme lente et bureaucratique exigera autant de diplomatie que de courage politique. Entre crise budgétaire, rivalités d’États et mutation du monde de la connaissance, Khaled El-Enany prend la barre d’un navire à la fois prestigieux et vulnérable. Son mandat commencera sous le signe du doute, mais aussi de l’attente : celle d’une UNESCO capable, à nouveau, d’éduquer, d’éclairer et de rassembler.
Bobo Ousmanou