Les gouvernements de la sous-région face à la baisse des réserves : entre mesures d’urgence et stratégies de long terme.

La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) traverse une période délicate. La chute des réserves de change, qui alimentait jusqu’ici la stabilité de la zone franc, suscite des inquiétudes croissantes tant chez les décideurs politiques que chez les acteurs économiques. Les gouvernements sont désormais confrontés à un dilemme : adopter des mesures d’urgence pour éviter une crise financière ou engager des réformes structurelles pour renforcer la résilience économique à long terme.
À la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’heure est à la communication rassurante. Dans une récente note adressée aux marchés, l’institution souligne que « la liquidité de la zone reste gérable, mais des efforts concertés sont nécessaires pour stabiliser la situation ». Ces déclarations visent autant à éviter une panique bancaire qu’à maintenir la confiance des investisseurs.
Pour les experts, la crise actuelle met en lumière des faiblesses structurelles anciennes. « Les pays de la CEMAC ont longtemps dépendu du pétrole et des matières premières. Cette dépendance rend les économies vulnérables aux chocs externes. Il est urgent de diversifier les sources de revenus et de renforcer les secteurs productifs locaux », analyse Dr. Ernest Mba Bekono, spécialiste des politiques publiques basé à Yaoundé.
Les mesures envisagées par les États vont de la réduction des importations non essentielles à la révision de certaines politiques fiscales. Certains gouvernements étudient également la possibilité de renforcer la fiscalité sur des produits stratégiques afin de mobiliser des ressources supplémentaires. « Chaque franc compte, et il faut agir rapidement tout en évitant d’éroder le pouvoir d’achat des citoyens », précise Fatou Nguema, consultante politique.
Dans ce contexte, la mobilisation de financements extérieurs apparaît comme une nécessité. Des discussions sont en cours avec les institutions multilatérales. « Nous suivons de près la situation en Afrique centrale. Des mécanismes de soutien ciblés pourraient être mis en place pour stabiliser les réserves et accompagner les réformes structurelles », déclare un responsable de la Banque mondiale à Yaoundé. Le Fonds monétaire international (FMI), pour sa part, aurait exprimé sa disponibilité à soutenir des programmes de renforcement de la gestion macroéconomique. « Un soutien coordonné peut aider la CEMAC à traverser cette phase critique sans compromettre la stabilité à long terme », indique un expert en poste à la représentation du FMI au Cameroun.
Politiquement, la situation est particulièrement sensible. Toute décision perçue comme une austérité risque de provoquer des tensions sociales. Les gouvernements doivent donc conjuguer action rapide et communication transparente pour éviter que la crise économique ne se transforme en crise politique. « La perception des citoyens est cruciale. Il ne suffit pas de prendre des mesures, il faut que les populations comprennent et soutiennent les choix économiques », rappelle Fatou Nguema.
Les analystes soulignent également que la crise pourrait devenir un catalyseur pour des réformes plus profondes. Au-delà des mesures d’urgence, la question de la souveraineté monétaire et de la coopération régionale est au cœur des débats. « La zone franc a assuré une certaine stabilité pendant des décennies, mais elle doit évoluer pour s’adapter aux réalités économiques actuelles. La coopération régionale et la diversification économique sont des piliers indispensables pour la résilience future », estime Dr Mba Bekono.
Dans ce contexte, certains bailleurs de fonds internationaux appellent à des réformes ciblées pour réduire la vulnérabilité de la région aux fluctuations des prix des matières premières. « Investir dans l’agriculture, l’industrie locale et les infrastructures permettra non seulement de stabiliser la balance commerciale, mais aussi de créer des emplois et renforcer l’intégration régionale », souligne une source de l’Agence française de développement (AFD).
Malgré la complexité de la situation, plusieurs observateurs restent optimistes. La combinaison de mesures immédiates pour protéger les réserves et d’un plan de réforme à long terme pourrait, selon eux, transformer cette période de tension en opportunité. « La crise actuelle pourrait inciter les États de la CEMAC à moderniser leurs institutions économiques et à renforcer la transparence dans la gestion publique. C’est un défi, mais aussi une chance unique », conclut Dr Mba Bekono.
Ainsi, la CEMAC se trouve à un carrefour stratégique. Entre gestion de crise et vision à long terme, la zone franc d’Afrique centrale doit trouver un équilibre délicat. La réponse des gouvernements, soutenue par la coopération internationale, déterminera la trajectoire économique et politique de la région pour les années à venir.
Jean René Meva’a Amougou