Home LIBRE-PROPOS Même pas une simple photo ensemble? déprimant !

Même pas une simple photo ensemble? déprimant !

50
0
Jean Pierre Bekolo

Tchiroma, cavalier solitaire lancé dans une chevauchée improbable, attire chaque jour plus d’adeptes.

Jean Pierre Bekolo

Sans moyens démesurés, il réussit là où d’autres échouent : rallier les foules avec l’énergie brute du petit peuple. Dans ce climat de lassitude, sa vitalité tranche comme une éclaircie au milieu d’un ciel lourd.

Car partout ailleurs au Cameroun actuellement, la politique rend malade. Les Camerounais ont le blues. Achille Mbembe l’a dit : Paul Biya a gâché nos vies. Pendant que l’alliance Bello-Tchiroma piétine, que Kamto dénonce les trahisons, que Bello, ancien proche de Biya, se voit interdit de meeting dans le village même du président, la déprime s’épaissit. Elle touche jusqu’aux barons du régime : René Sadi avale ses couleuvres, Laurent Esso se contente de défiler en silence.

Elle atteint aussi ces jeunes fonctionnaires de trente ans, enrôlés dans la campagne d’un homme de 92 ans qui ignore jusqu’à leurs noms. Ils s’y prêtent par calcul, espérant grappiller quelques échelons dans une administration en panne. Et cette tristesse se lit dans les foules hurlant sur de pauvres femmes en pagne aux couleurs du RDPC, obligées de se prêter au jeu pour quelques billets afin de nourrir leurs enfants. Elle se lit aussi dans cette image absurde qui envahit tout l’espace publicitaire : un portrait mensonger d’un président qui n’a rien du vieillard qu’il est.
Mais la déprime la plus insoutenable est intime : celle d’une fille contrainte d’appeler à voter contre son propre père, accusant publiquement l’homme qui l’a engendrée d’avoir infligé tant de souffrances à son peuple.

Comment ne pas voir dans son désarroi la vérité nue, plus forte que tout discours ? Même son rétropédalage forcé ne change rien : la blessure est faite.

Et puis il y a la déprime ordinaire, celle des millions de Camerounais qui tirent le diable par la queue et qui, en lisant le slogan de campagne de Paul Biya — « Espérance » — comprennent qu’il ne reste plus qu’à remettre leur sort à Dieu, pour sept années encore. Car tout le monde sait — même en feignant de croire au destin de son candidat — que le RDPC trichera et que Paul Biya sera proclamé vainqueur.

Alors oui, nous allons à cette élection tous malades. Et pourtant, il n’est pas trop tard. Comme un patient en état critique, il nous faut une thérapie de choc. Mais une thérapie qui commence par un récit, par un narratif. Pas un récit de divisions, de querelles d’ego, de calculs dérisoires. Non : un récit qui transforme nos blessures en histoires, nos humiliations en images, notre désespoir en imagination.

Candidats, électeurs, partis : cessez de vous mesurer les uns aux autres. Offrez-nous une seule histoire commune, une histoire à la mesure du véritable enjeu. Une photo ensemble pour porter un message collectif. Une simple image pour nous guérir de cette élection du 12 octobre déprimante.

Commençons parlà : une simple photo de vous tous !

Jean Pierre Bekolo

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here