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Fin de l’Agoa, place à la Zlecaf

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La fin annoncée de l’Agoa, cet accord qui liait une partie des économies africaines aux marchés américains, sonne comme un rappel brutal : le temps des dépendances extérieures est compté.

Le continent, riche de ses ressources naturelles et de son capital humain, ne peut plus se contenter du rôle de figurant dans les grands échanges mondiaux. L’Afrique doit apprendre à être son propre marché, son propre moteur. C’est dans ce contexte que monte en puissance l’idée d’accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Un projet ambitieux, souvent évoqué, parfois ralenti, mais désormais incontournable. « L’Afrique est à un tournant. Elle doit passer du statut de bénéficiaire passif à celui de négociateur actif, capable de transformer ses atouts naturels et humains en leviers de développement durable », résume avec justesse le Dr Mamady Kamara, spécialiste en gouvernance et entrepreneuriat.

Car l’enjeu est clair : si l’Afrique veut peser dans le jeu économique mondial, elle doit d’abord apprendre à commercer avec elle-même. Ses 55 États, ses 1,55 milliard de consommateurs et ses classes moyennes en expansion constituent déjà un marché gigantesque. Reste à abattre les murs invisibles — barrières douanières, lourdeurs administratives, infrastructures déficientes — qui freinent la libre circulation des biens, des services et des idées. Certains analystes y voient même une chance : la fin de l’Agoa pourrait être le choc salutaire qui poussera les décideurs africains à investir davantage dans les chaînes de valeur locales, dans les industries de transformation et dans l’intégration économique régionale. Un pari audacieux, mais nécessaire.

L’histoire retiendra peut-être que le tournant a commencé ici : quand l’Afrique a compris que son avenir ne se négociait plus à Washington, Bruxelles ou Pékin, mais à Accra, Kigali, Douala ou Nairobi. Quand elle a choisi de croire en elle-même, non plus comme un réservoir de matières premières, mais comme une force économique capable de rivaliser avec les blocs les plus puissants. Mais pour franchir ce cap, il faudra plus que des discours. La ZLECAf ne peut pas rester une simple signature sur un traité ou une incantation dans les sommets. Elle doit devenir un outil concret, visible dans le quotidien des entrepreneurs, des agriculteurs, des transporteurs et des consommateurs africains. Comment parler d’intégration quand il faut parfois plus de temps pour faire Douala–Bangui qu’Abidjan–Paris ? Comment prétendre au dynamisme commercial si les ports sont saturés, les routes délabrées, les lignes aériennes rares et coûteuses ? L’intégration économique commence par l’intégration physique.

À cela s’ajoute la question de la confiance. Les États africains doivent accepter de céder une part de souveraineté économique au profit d’une vision commune. Trop souvent, les accords régionaux sont freinés par des réflexes protectionnistes ou des calculs politiques à court terme. Or, face à des géants comme l’Union européenne, les États-Unis, la Chine ou l’Inde, aucun pays africain, pas même le Nigeria, ne peut prétendre jouer en solo. C’est ensemble ou jamais.

Il y a urgence, car la jeunesse du continent, majoritaire et de plus en plus éduquée, ne peut se satisfaire d’attendre indéfiniment des promesses. Elle veut des emplois, des opportunités, des entreprises capables d’exporter et d’innover. Elle attend que ses dirigeants transforment les slogans en chantiers, et les chantiers en prospérité partagée. L’Afrique ne manque pas d’idées ni de talents ; ce qui lui manque, c’est un cadre cohérent et un cap ferme.

JRMA

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