Alors que le monde célèbre la Journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillages alimentaires, le Cameroun peine à masquer ses contradiction.

À l’échelle nationale, ce sont environ 14,5 % de l’offre alimentaire totale qui disparaissent entre champs, routes et étals. Sur les marchés de Njombe- Penja, dans le Littoral, près d’un fruit sur deux finit jeté. Dans le Nord et l’Adamaoua, plus de 550 000 tonnes de résidus agricoles s’accumulent chaque année sans véritable valorisation.
Cette situation choque d’autant plus qu’environ 3 millions de Camerounais vivent en insécurité alimentaire aiguë. « Dans nos villages, nous manquons de mil ou de maïs, alors qu’à quelques centaines de kilomètres, des tonnes de tomates ou de bananes sont jetées faute de débouchés », soupire Mariama, agricultrice de l’Extrême- Nord. Le paradoxe est criant : dans un pays riche en terres fertiles, le gaspillage devient un facteur ag- gravant des inégalités alimentaires.
Au-delà de l’aspect social, les pertes représentent un manque à gagner considérable pour les producteurs. « Chaque cageot de tomates avariées, c’est de l’argent en moins pour une famille déjà vulnérable », analyse Jacques Ngono, agroéconomiste à l’Université de Yaoundé II. Sur le plan environnemental, ces déchets émettent du méthane en se décomposant, aggravant le changement climatique.
Appel à l’action
Des initiatives locales tentent de montrer la voie. À Njombe-Penja, des associations transforment les fruits invendus en biogaz. Dans l’Adamaoua, des coopératives valorisent les résidus agricoles comme aliments pour bétail ou compost. Mais ces efforts restent marginaux. Les experts appellent à une stratégie nationale cohérente : infrastructures de stockage, routes rurales praticables, appui aux filières de transformation. « Il faut voir le gaspillage comme une opportunité : créer des emplois verts, sécuriser les revenus paysans et réduire l’empreinte carbone », insiste une représentante d’une ONG internationale active dans la lutte contre la faim au Cameroun.
Célébrée ce 29 septembre, la journée internationale contre le gaspillage alimentaire sonne comme un rappel : le Cameroun ne peut plus se permettre de perdre près d’un sixième de son offre alimentaire alors que la faim persiste. Le défi est à la fois moral, économique et écologique.
« La lutte contre le gaspillage ne dépend pas que de l’État : commerçants, trans- formateurs, consommateurs et collectivités ont chacun un rôle à jouer. Faute de quoi, les marchés continueront de crouler sous l’excédent… pendant que des millions de fa- milles n’auront pas de quoi remplir leurs assiettes », re- commande Jacques Ngono.
JRMA