La mer n’a pas toujours le même tempo. Selon la CNUCED, 2025 sera marqué par un ralentissement inédit : le commerce maritime mondial n’avancera que de 0,5 %.

Une brise faible sur les radars des grandes puissances, mais une houle lourde pour les rivages africains. Car dans un monde où près de 80 % des échanges transitent par voie maritime, chaque frémissement du commerce mondial se répercute jusqu’aux quais de Douala, Kribi, Lagos, Tema, Abidjan ou Mombasa. Ce coup de frein doit résonner comme un électrochoc. L’Afrique ne peut plus se contenter de ses infrastructures vieillissantes, de ses terminaux saturés et de ses procédures administratives interminables. La véritable bataille ne se jouera plus seulement sur la capacité d’accueil mais sur la compétitivité. Chaque conteneur, chaque escale, chaque flux logistique sera convoité. Ceux qui sauront offrir rapidité, fluidité et sécurité remporteront la mise. Les autres resteront à quai, spectateurs d’une mondialisation qui s’écrit sans eux.
Or le constat est sévère : goulets d’étranglement, corruption endémique, lenteurs chroniques… trop souvent, les ports africains symbolisent les retards structurels du continent. Derrière ces obstacles se cache pourtant un potentiel immense. Car un port n’est pas qu’un simple point de débarquement : c’est une porte d’entrée vers les marchés intérieurs, une plateforme d’intégration régionale, un levier stratégique pour attirer investissements et industries.
Dans ce contexte, le ralentissement mondial peut paradoxalement se transformer en chance. Une chance d’accélérer la modernisation, d’investir enfin dans l’automatisation des terminaux, la digitalisation des procédures, la fluidité des corridors multimodaux reliant routes, rails et plateformes logistiques intérieures. Bref, une chance de passer du bricolage au stratégique. Les exemples ne manquent pas. Là où certains ports africains ont engagé de vraies réformes – à Durban, à Tanger Med, ou dans le hub émergent de Kribi – les résultats sont visibles : délais réduits, coûts maîtrisés, flux sécurisés. Là où rien n’a été entrepris, l’immobilisme se paie cash : cargaisons bloquées, armateurs frustrés, économies étouffées.
La question n’est donc plus technique. Elle est éminemment politique. L’Afrique a les moyens financiers, humains et technologiques d’opérer cette mue. Les partenaires internationaux sont prêts à cofinancer. Les investisseurs privés attendent des signaux clairs. Ce qui manque encore trop souvent, c’est la volonté politique de réduire les rentes, de couper court aux pratiques opaques et de parier sur l’avenir plutôt que sur la survie au jour le jour. Car moderniser un port, c’est bien plus qu’un chantier d’infrastructures. C’est un acte de souveraineté. C’est affirmer que le continent refuse de rester un maillon périphérique, condamné à subir les fluctuations imposées ailleurs. C’est aussi redonner de l’air à ses économies nationales, offrir à ses jeunes entrepreneurs des débouchés élargis, et renforcer une intégration régionale trop souvent réduite à des slogans.
La mer, en 2025, sera moins généreuse. Mais elle continuera de battre les rivages africains, régulière et exigeante. Aux dirigeants de transformer ce souffle ralenti en opportunité. À eux de prouver que les ports africains ne seront plus des goulets d’étranglement mais les portes ouvertes d’une prospérité partagée. Le ralentissement n’est pas une fatalité. Il peut être le point de départ d’une nouvelle histoire : celle d’une Afrique qui, enfin, prend la barre de sa destinée maritime.
Jean-René Meva’a Amougou