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Paris et Yaoundé: entre rapports diplomatiques et soutien électoral

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Alors que la France reconnaît pour la première fois sa responsabilité dans les violences durant la guerre d’indépendance camerounaise, les investissements économiques, les nominations diplomatiques et la retenue dans les discours politiques tracent une stratégie d’équilibre à quelques mois d’échéances électorales sensibles au Cameroun.

Une visite marquante à Étoudi

Lors de son audience d’adieu avec le président Paul Biya le 29 août 2025, l’ambassadeur de France Thierry Marchand exprime une appréciation positive du chef de l’État camerounais. Il souligne que Paul Biya est « conscient et informé de la réalité des sujets » abordés, et ajoute : « Je l’ai retrouvé exactement dans le même état d’esprit, et avec la même attitude ». Alors que les camerounais doutent de la capacité de leur Chef d’Etat à assumer pleinement un nouveau mandat, Marchand précise que le président camerounais « tient véritablement les rênes du pays » et qu’il est « prêt à s’engager dans une campagne présidentielle pour un nouveau mandat ».

Ces déclarations sont interprétées par certains observateurs comme un soutien français implicite à la candidature de Paul Biya pour un huitième mandat. Cependant, elles suscitent des critiques, certains y voyant une ingérence dans les affaires intérieures du Cameroun. Et pourtant, l’ancien ambassadeur de France au Cameroun a déclaré : « la constance et la profondeur de la relation franco-camerounaise doivent être préservées, dans le respect mutuel et le dialogue sincère ». Selon Lejeune Mbella Mbella, ministre camerounais des Relations Extérieures, cette visite s’inscrit dans une démarche de renforcement des liens traditionnels, sans vouloir « instrumentaliser la diplomatie à des fins politiques internes ».

65 millions d’euros pour la mobilité urbaine à Yaoundé

Alors que Paul Biya, candidat à sa propre succession est critiqué pour la gestion calamiteuse des voiries urbaines et interurbaines, un financement de 65 millions d’euros de la France pour des projets routiers à Yaoundé est annoncé. L’Agence Française de Développement (AFD) justifie ce soutien par la nécessité d’améliorer les infrastructures urbaines, de décongestionner la circulation et de faciliter le transport des biens et des personnes. Pour l’économiste camerounais Rodrigue Nana Ngassam, « ce type d’investissement, au moment où la population ressent fortement les lacunes des infrastructures, est porteur d’une forte attente, non seulement technique, mais aussi politique : il prouve que la coopération reste concrète ».

Non-ingérence : posture diplomatique ou stratégie calculée ?

Sur les contentieux pré-électoraux, l’opposition camerounais estime avoir été handicapé en toute violation des règles démocratiques, la France adopte une posture de silence officiel. Un porte-parole du ministère camerounais des Affaires étrangères aurait déclaré anonymement que Paris « n’a pas vocation à interférer dans les processus électoraux camerounais » et souligner son attachement « au respect de la souveraineté nationale des pays partenaires ».

Diplomatie ou soutien électoral déguisé ?

Le gouvernement camerounais soutient que les interventions de la France (qu’il s’agisse de financements d’infrastructures ou de coopération institutionnelle) sont « bénéfiques » pour le développement national. Comme le rappelle Lejeune Mbella Mbella, « le fait que les partenariats servent l’intérêt national ne doit pas être perçus comme des ingérences ».

Si la reconnaissance historique récente par la France de sa responsable dans la répression des indépendantistes camerounais marque une avancée dans la mémoire commune, les prochains mois seront déterminants quant à la façon dont Paris et Yaoundé jugulerons la tension entre coopération et souveraineté politique. Le choix du nouvel ambassadeur, la transparence sur l’usage des financements, la responsabilité dans la gestion démocratique des élections, tout cela sera scruté non seulement par les élites mais par la société civile camerounaise.

Tom

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