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Pour une coalition politique au Cameroun : sortir du piège des visages, entrer dans l’ère des idées

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Bouba Kaele

À l’aube d’un tournant historique, le Cameroun se trouve face à une question cruciale : comment penser l’après-Biya ? Alors que les ambitions s’aiguisent et que les candidatures se multiplient, le débat public semble prisonnier d’un piège récurrent — celui des visages.

Bouba Kaele

On débat des hommes, rarement des idées. On scrute les parcours, les trahisons, les fidélités, mais rarement les projets de société. Pourtant, c’est bien une vision partagée, un programme cohérent et une coalition stratégique qui pourraient redonner sens à l’action politique.

Une coalition, pourquoi et pour quoi faire?

Une coalition politique ne peut se réduire à une alliance de circonstance ou à une addition de noms. Elle doit reposer sur trois piliers fondamentaux :

  • Des principes communs : transparence, justice sociale, équité territoriale, souveraineté nationale.
  • Une vision partagée : quel Cameroun voulons-nous dans 10, 20 ou 30 ans ?
  • Un programme d’action clair : des mesures concrètes pour répondre aux urgences sociales, économiques, éducatives et institutionnelles.

Sans ces fondements, toute coalition risque de se dissoudre dans les rivalités personnelles ou les calculs électoralistes.

Le piège des visages : une politique sans projet

Le débat politique actuel est symptomatique d’un mal profond. Les discussions tournent autour de préférences individuelles : « Cabral Libii est le meilleur », « Non, Issa Tchiroma est plus expérimenté », « Moi je préfère Hiram Iyodi », « Bello Bouba nous a trahis en 1992 »… Ces échanges, bien qu’ancrés dans des mémoires politiques légitimes, occultent l’essentiel : le Cameroun de demain.

La vraie question n’est pas « qui ? », mais « quoi ? » :

  • Quel modèle de gouvernance voulons-nous ?
  • Quelle place pour les jeunes, qui représentent plus de 60 % de la population ?
  • Comment repenser l’éducation, la santé, l’économie, la justice ?
  • Quelle stratégie pour sortir du piège de la dépendance et bâtir une souveraineté numérique, énergétique, alimentaire ?

Celui ou celle qui apportera des réponses claires, audacieuses et inclusives à ces questions méritera d’être soutenu — mais cette réponse ne peut venir d’un individu seul. Elle doit émerger d’un collectif, d’une coalition capable de penser le pays autrement.

Une succession piégée par des clivages

La bataille pour la succession de Paul Biya prend aujourd’hui des formes multiples, souvent plus identitaires qu’idéologiques :

  • Bataille d’héritage historique : entre les figures issues du système Ahidjo (Biya, Bello Bouba, Tchiroma) et celles qui veulent incarner une rupture.
  • Bataille ethnique : où les tensions entre Bulus-Bétis, Nordistes et Bamilékés risquent de masquer les enjeux nationaux.
  • Bataille générationnelle : entre les anciens du système et une jeunesse marginalisée dans les sphères de décision, malgré son poids démographique.
    Ces dynamiques, bien que réelles, ne doivent pas devenir des impasses. Elles doivent être analysées, comprises, mais surtout dépassées par une offre politique qui transcende les appartenances et parle à la nation entière.

Ce que devrait porter une coalition crédible

Une coalition pertinente et crédible devrait :

  • Définir une vision claire du Cameroun post-Biya : fondée sur la justice, la décentralisation, la relance économique, la réforme institutionnelle et la cohésion nationale.
  • Élaborer un programme de transformation : avec des mesures concrètes sur la gouvernance, l’emploi des jeunes, l’accès aux soins, la lutte contre la corruption, la valorisation des langues nationales et la souveraineté numérique.
  • Fédérer au-delà des clivages : en intégrant les sensibilités régionales, religieuses et linguistiques sans les instrumentaliser.
  • Réconcilier la politique avec les citoyens : en mettant fin à la personnalisation du débat et en revalorisant le rôle des idées.

Choisir une vision, pas un visage

Le Cameroun a besoin d’un sursaut. Celui qui saura répondre avec clarté, courage et cohérence à la question « Quel Cameroun voulons-nous ? » mérite d’être soutenu. Mais cette réponse ne peut émerger que d’un travail collectif, d’une coalition stratégique capable de penser le pays autrement, de le rêver ensemble, et surtout de le reconstruire avec lucidité et ambition.

Bouba Kaele – citoyen camerounais

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