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Ouverture des données ITIE: bons contes et mécomptes du Cameroun

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Source https://cameroon.opendataforafrica.org/

Progression ne vaut pas conformité. Cette comparaison prend tout son sens une fois mise en contexte avec la réalité de l’engagement du Cameroun à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Source https://cameroon.opendataforafrica.org/

En la matière, le pays déploie des efforts pour la divulgation des données sur les coûts de projets pétroliers et gaziers, les saisies d’exportations illégales d’or, les paiements déclarés des entreprises du secteur extractif et les revenus perçus par les entités gouvernementales concernées, ainsi que le relèvement de son cadre règlementaire et législatif. Ainsi, au terme du rapport ITIE 2022, il est de notoriété publique que les paiements des entreprises exerçant ou opérant dans le secteur s’élèvent à 1416,22 milliards de contre 776,09 milliards de FCFA un an plus tôt.

Cette divulgation est le résultat des statistiques régulières de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), de la société nationale de raffinage (Sonara) et d’autres structures. « Le Cameroun a connu une grande progression. Si nous prenons le rapport ITIE de 2005 qui était une compilation des exercices de 2001-2004, on va voir que les entreprises comprises dans le périmètre, c’est-à-dire qui étaient prises en compte, étaient très limitées. Mais en plus, on avait des données qui étaient agrégées.

Nous sommes parvenus aujourd’hui à un rapport qui présente en détail chaque type de paiement fait par chaque entreprise de façon désagrégée. Aussi, il y a dans les contrats les paiements obligatoires et les paiements sociaux. Avant, on n’avait pas connaissance de ces paiements sociaux. Aujourd’hui, on a la possibilité de savoir quels sont ces paiements sociaux, les bénéficiaires et comparer le coût. On peut aussi voir comment il est pris en compte les questions environnementales des entreprises », selon Dupleix Fernand Kwenzob, co-fondateur de l’OSC

Dynamique mondiale des jeunes (DMJ)

Ces bons points en matière de transparence dans le secteur extractif révèlent cependant une évolution en « trompe-l’œil ». Tout d’abord, le dernier rapport ITIE Cameroun couvre tout juste la période 2022, jetant ainsi un arrière-goût d’attente sur les exercices 2023 et 2024. Les freins aux possibilités d’analyse des recettes extractives tiennent aussi de la disponibilité des sources de l’information à les rendre accessibles. A titre illustratif, en 2022, sur les 19 entreprises ciblées, seules 15 ont déclaré leurs paiements. Un nombre très en deçà des 81 structures exerçant dans le pays en 2017, selon des données officielles.

Les grands exploitants tels que Géovic, Sinosteel L, G-Stones Ressources et C&K mining Inc n’ont pas tombé leurs copies. Résultat : « Les revenus reportés par l’État pour ces entreprises défaillantes sont très faibles, avec seulement 0,6 million FCFA attribués à Sinosteel, et aucun paiement reporté pour les trois autres sociétés », détaille le rapport.

Ensuite, un petit tour sur les sites Internet des ministères des Finances et des Mines a permis à Intégration de palper la complexité d’une information disséminée dans un large éventail dedocuments. « Sur le portail du Ministère des Finances, l’accès direct et la clarté des données sont très variables pour permettre une exploitation. Le visiteur du site du Minfi doit préalablement disposer d’un compte pour prétendre y accéder. L’agrégation de certaines données ITIE constitue un autre frein à leur exploitation et utilisation, à laquelle il faut ajouter la non-exhaustivité des données lorsqu’elles existent.

Sur un tout autre plan, la faible capacité des citoyens à rechercher et à comprendre les données d’un secteur vis-à-vis duquel le citoyen est resté très longtemps à l’écart ne favorisent pas un intérêt particulier à s’y familiariser tant qu’une vaste campagne d’information et de formation sur l’importance et les incidences du secteur extractive sur l’économie n’est pas entreprise », souligne le membre de la société civile.

Bénéfice pour les populations

Pourtant, en intégrant l’ITIE en 2005, le Cameroun s’est engagé à améliorer la transparence et la gouvernance du secteur extractif. Non seulement dans le but de tirer un juste profit de l’exploitation de son sous-sol, mais aussi en vue de garantir une répartition équitable des ressources générées. Etat et entreprises sont visés par cette exigence, à savoir le reversement d’environ 25% des impôts, des taxes et autres ressources financières générées au profit des collectivités décentralisées et des populations riveraines.

« Il est prévu dans le contrat entre les industriels et le gouvernement la part du local content. C’est-à-dire que l’entreprise emploie les compétences locales en priorité, renforce par des formations les compétences locales, transfère les technologies aux administrations publiques, priorise les entrepreneurs locaux dans l’attribution des marchés au moins à 50%, fait remettre en état les sites endommagés. C’est à travers ces contrats que nous pouvons dire aux exploitants que le contrat prévoit une telle clause, donnez-là nous », indique Ernest Ayissi Nkolo, responsable de l’Agages, une Osc membre du comité ITIE Cameroun. Ce dernier regrette l’impact de tels obstacles ou blocages sur la traçabilité totale des impôts générés et la manière dont ils sont dépensés.

La norme ITIE 2023

La norme ITIE 2023 interpelle pourtant le Cameroun sur ces faits. Elle a pour objectif d’assurer l’accès public à toutes les licences et à tous les contrats liés aux activités extractives en tant que base pour la compréhension publique des droits et obligations contractuelles des entreprises exerçant sur le territoire. Le gouvernement est ainsi appelé à publier ces données via les journaux télévisés, les sites Internet des entreprises, administrations et institutions concernées, entre autres canaux.

L’on est cependant loin du compte. « Le Cameroun étant encore en train de faire son entrée dans les initiatives open governance n’offre aux organisations de la société civile que la possibilité d’exploiter les données issues des rapports des flux financiers et des volumes relatifs à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures et des mines solides que produit un conciliateur ou administrateur indépendant dans le cadre du processus ITIE.

D’après les différents rapports, il se trouve que malgré que l’initiative porte sur la transparence, les contrats du secteur pétrolier sont encore frappés du sceau des clauses de confidentialité. Ces données ne peuvent être divulguées avant le retour du périmètre concerné à l’État ou avant la fin de la période de confidentialité prévue à l’article 143 du décret. Pour sa part, l’article 25 du modèle de Contrat de Partage de Production (CPP) stipule que le contrat, ses annexes et les données contractuelles sont confidentiels et ne peuvent être divulgués à des tiers.

Cette obligation subsiste jusqu’à l’expiration du contrat (qui peut s’étendre sur plus de 20 ans, cas de l’entreprise Sinosteel pour l’exploitation du minerai de fer d’Akom II). Une analyse faite sans accès aux contrats est un exercice incongru puisque c’est dans le contrat que l’on retrouverait les engagements fiscaux des parties », regrette Dupleix Fernand Kwenzob. De quoi garantir encore les beaux jours de l’opacité dans le secteur extractif.

Louise Nsana

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