Dans son Bulletin économique et statistique n°25 de juin 2025, publié le 10 septembre 2025 et consulté par Intégration, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) dresse un constat alarmant sur la filière cacao camerounaise.

Malgré des revenus encourageants pour certains producteurs, le secteur reste fragilisé par une série de défis structurels : rendements agricoles faibles, plantations vieillissantes, structuration limitée des producteurs, volatilité des prix et risque d’exclusion du marché européen. À ces contraintes s’ajoutent des difficultés persistantes d’accès au financement, une fiscalité et une parafiscalité jugées excessives, des infrastructures logistiques insuffisantes, ainsi qu’un commerce illicite actif vers le Nigéria, générant des pertes importantes pour l’ensemble des acteurs locaux.
Face à cette situation, remarque la BEAC, des initiatives ont été engagées à différents niveaux. Le secteur privé, anticipant les exigences croissantes du marché international, a multiplié les certifications, investi dans le géo-référencement des fournisseurs et mené des campagnes de sensibilisation auprès des producteurs sur les bonnes pratiques agricoles. De son côté, l’État a lancé l’enregistrement massif des producteurs, la géolocalisation des parcelles, le déploiement progressif d’un système national de traçabilité et l’adoption d’un Plan d’Action National 2023-2025 dans le cadre du Comité Cacao Durable. Le Centre Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC) travaille à l’harmonisation des bases de données des différents acteurs. Cependant, l’enregistrement complet des producteurs n’est pas encore finalisé et le système national de traçabilité reste partiellement opérationnel.
La BEAC souligne que des réformes structurelles sont indispensables pour améliorer la performance de la filière. À court terme, l’urgence est d’accélérer le déploiement effectif du système de traçabilité, condition sine qua non pour sécuriser l’accès au marché européen. Le renforcement de l’accompagnement technique des producteurs et l’amélioration des infrastructures rurales sont également prioritaires pour faciliter la circulation des produits et des informations.
Parallèlement, la diplomatie économique devra convaincre l’Union européenne de reconnaître les spécificités de la cacao culture camerounaise, intégrée naturellement au couvert forestier, ce qui en fait un modèle conciliant production agricole et préservation de la biodiversité. La question du financement des acteurs et de la simplification des procédures administratives reste au cœur des enjeux pour améliorer leur performance.
À moyen et long terme, le Cameroun dispose d’atouts pour repositionner sa filière sur des segments à plus forte valeur ajoutée. Le développement de la transformation locale, amorcé avec l’installation de plusieurs unités industrielles, doit être encouragé pour capter davantage de la chaîne de valeur. L’intégration des enjeux de développement durable dans la planification de long terme est également cruciale. Si ces conditions sont réunies, le cacao camerounais pourrait devenir un exemple de traçabilité, de qualité et d’inclusion sociale, tout en constituant un moteur de développement rural et un produit phare du commerce équitable en Afrique centrale.
L’objectif est de renforcer la compétitivité du cacao camerounais sur les marchés internationaux, tout en assurant un équilibre entre revenus des producteurs et viabilité des exportateurs. Avec des revenus historiques pour les planteurs et des exportateurs sous pression, le secteur du cacao se retrouve à un carrefour stratégique. La BEAC appelle à des mesures immédiates pour garantir la pérennité de cette filière clé pour l’économie camerounaise et pour l’ensemble de la sous-région.
JRMA