Trois jours de discussions, des déclarations solennelles, quelques accents d’enthousiasme… et, en toile de fond, une question lancinante : l’Afrique a-t-elle réellement franchi un cap dans la bataille climatique, ou s’est-elle une nouvelle fois perdue dans les mirages de la rhétorique ? Le second sommet africain sur le climat, tenu le 10 septembre dernier à Addis-Abeba, a offert un condensé des ambitions et contradictions d’un continent qui se veut à la fois victime et acteur, suiveur et leader, impuissant et audacieux.

Certes, les participants ont salué l’espace inédit de dialogue « entre Africains », loin du regard dominateur des grands rendez-vous internationaux. Cette intimité régionale a permis, dit-on, de « mieux se comprendre ». Mais suffit-il de se comprendre entre soi quand les océans montent, que les sécheresses laminent les récoltes et que les mégapoles suffoquent ? Les jeunesses, représentées à travers ONG et associations, n’ont pas manqué de rappeler que les attentes dépassent largement le registre symbolique. À l’instar d’Abischag Jitimay, militante burundaise, qui a jugé l’exercice constructif mais en deçà de ce que son continent devrait revendiquer. Sa frustration rejoint celle de millions de jeunes Africains qui voient, sommet après sommet, le temps s’écouler sans traduction concrète.
Le représentant de l’Union africaine, Bankoye Adeoye, a voulu se montrer optimiste : « Nous n’avons pas fui les conversations difficiles », a-t-il martelé. Mais cette fierté ne cache-t-elle pas un déficit de résultats tangibles ? Car ce qui manque cruellement aux grandes messes africaines, ce n’est pas la lucidité du diagnostic, mais la volonté d’action suivie. « Action zéro », reconnaissent certains participants, comme un aveu désarmant.
Le véritable test, assurément, viendra en novembre prochain, à la COP30 au Brésil. C’est là que l’Afrique devra prouver sa capacité à parler d’une seule voix et à peser face aux mastodontes économiques qui dictent encore les règles du jeu climatique. Ce sera aussi le moment de démontrer que les résolutions adoptées à Addis-Abeba ne sont pas des vœux pieux, mais les jalons d’une stratégie crédible. Car sans cohérence interne, sans mécanismes communs de financement et sans fermeté vis-à-vis des partenaires du Nord, l’Afrique risque de n’être qu’un figurant de plus dans le grand théâtre climatique.
Au fond, la critique la plus sévère vient de l’intérieur même du sommet : beaucoup s’accordent à dire que, si l’Afrique est toujours « attendue » sur ces questions, elle tarde à transformer cette attente en leadership réel. Or, les enjeux sont vitaux. Il ne s’agit pas seulement de sauver des écosystèmes fragiles, mais de protéger la souveraineté alimentaire, d’assurer la stabilité sociale, et de prévenir les conflits liés aux ressources. Autrement dit, de sauvegarder l’avenir. L’Afrique se rêve en pionnière de la justice climatique.
Mais ce rêve ne survivra pas à l’épreuve des faits si, à l’enthousiasme d’Addis-Abeba, ne succèdent pas des décisions claires, contraignantes et assumées. Le temps n’est plus aux formules convenues ni aux promesses repoussées. Le temps est venu de passer du discours à l’action. Faute de quoi, les futures générations – celles qui déjà, aujourd’hui, frappent à la porte des sommets – jugeront sévèrement ce continent qui aura préféré s’écouter lui-même plutôt que de s’armer face au défi du siècle.
Jean-René Meva’a Amougou