Cette appréciation émane de l’Institut sous-régional de statistiques et d’économie appliquée (ISSEA), à l’issue d’une vaste étude commandée par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), à travers l’Observatoire des pratiques anormales (OPA).

Depuis plusieurs années, les statistiques sur les échanges intracommunautaires en Afrique centrale inquiètent. Les flux commerciaux entre les pays de la Cemac représentent à peine 2 % du volume global, un chiffre bien en deçà du potentiel régional. Dans ce contexte, améliorer la fluidité logistique et la compétitivité des corridors devient une priorité stratégique. Les résultats de l’étude menée par l’ISSEA apportent une note d’optimisme : le PAD (Port autonome de Douala) enregistre une nette amélioration de ses performances. « Le temps global de transit, qui était auparavant de 14 jours, a été ramené entre 8 et 9 jours », explique le Pr Robert Ngonte, chef de projet adjoint à l’OPA. Une évolution qui traduit des efforts de modernisation et de rationalisation des procédures.
Le constat est partagé par Marcel Opoumba, directeur général de l’ISSEA et chef de projet OPA. Selon lui, « la réduction des délais et la perception positive des usagers, notamment les commissionnaires en douane agréés, justifient l’attribution d’une mention honorable au Port autonome de Douala ». L’étude relève également une diminution significative des faux frais exigés lors de certains contrôles, améliorant ainsi la transparence et la compétitivité du site. Pour Joseph Nguene Nteppe, chef de la division de l’analyse prospective et de la coopération au PAD, « ces résultats confèrent au port un indicateur de compétitivité essentiel pour son image et son attractivité ». C’est donc sur la foi de tous ces éléments, que le PAD, principal poumon économique du Cameroun et de la sous-région, a reçu ce jeudi 4 septembre 2025 à Douala, une distinction particulière : la « mention honorable ».
Des progrès, mais aussi des défis
L’évaluation souligne toutefois que tout n’est pas encore parfait. Plusieurs points restent à améliorer, à commencer par l’insuffisance des balises GPS utilisées pour suivre les cargaisons. Sur environ 3 000 balises nécessaires, seules 1 500 sont effectivement disponibles, entraînant des retards dans le suivi des camions et allongeant le séjour des véhicules dans l’enceinte portuaire, estimé en moyenne à trois jours.
À cela s’ajoute la faiblesse de la connectivité internet, un problème récurrent dans l’ensemble de l’Afrique centrale, qui ralentit la transmission et le traitement des données. « L’intégration de la plateforme numérique Bus Cam6 demeure partielle. Certaines procédures, comme l’émission du titre de transit ou de la lettre de voiture internationale, sont encore effectuées sous format papier », regrette le DG de l’ISSEA.
Les délais et les coûts restent donc jugés supérieurs aux standards internationaux. S’y greffent des difficultés de gouvernance et de coordination entre les différents organismes impliqués dans la gestion du fret. Le manque d’informations claires sur les procédures continue de pénaliser les transporteurs et les usagers, notamment les chauffeurs de la Communauté des transporteurs d’Afrique (CTA).
Recommandations pour l’avenir
Face à ces limites, l’ISSEA a formulé une série de recommandations destinées non seulement au PAD, mais à l’ensemble des pays membres de la CEMAC. L’une des priorités reste la finalisation de la numérisation et l’harmonisation des systèmes d’information au niveau sous régional. L’objectif est de centraliser toutes les procédures à travers un guichet unique portuaire, doté d’une plateforme intégrée.
En matière de gouvernance, l’accent doit être mis sur la responsabilisation des agents et la mise en place de mécanismes efficaces de dénonciation et de contrôle interne. La modernisation des infrastructures constitue également un chantier majeur, incluant l’amélioration de la connexion internet, de l’approvisionnement en énergie et du déploiement complet des GPS.
Sur le plan institutionnel et régional, l’étude recommande une formation continue des acteurs portuaires ainsi que la promotion et la généralisation de l’outil informatique SGMAC, déjà développé par la CEMAC.
Un projet structurant pour la sous-région
L’OPA-AC, cadre dans lequel s’inscrit cette étude, est un projet lancé par la CEMAC dans le but de renforcer la gouvernance des infrastructures de transport en Afrique centrale. Financé dans le cadre du programme d’appui à la gouvernance des infrastructures régionales et nationales, il vise à réduire les pratiques anormales qui freinent la fluidité des échanges commerciaux et minent la compétitivité des corridors.
À travers ce rapport, le PAD, malgré ses insuffisances, démontre sa capacité à améliorer ses performances et à s’aligner progressivement sur les standards internationaux. Mais le défi reste immense : transformer ces avancées ponctuelles en réformes structurelles durables, afin de faire du principal port d’Afrique centrale non seulement une porte d’entrée compétitive, mais aussi un catalyseur du commerce régional.
Diane Kenfack