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Afrique centrale: deux sommets, une même cacophonie

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À quelques jours d’intervalle, Malabo et Bangui accueillent les deux principales organisations d’Afrique centrale. La CEEAC parle sécurité et réformes, la CEMAC discute économie et monnaie. Mais derrière ce télescopage, c’est toute la fragilité de l’intégration régionale qui s’expose : manque de coordination, rivalités institutionnelles et une impression persistante de blocage.

Le ballet diplomatique en Afrique centrale vire parfois au théâtre d’ombres. Cette fois, le scénario frôle l’absurde : la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), deux piliers censés incarner l’intégration régionale, ont choisi d’organiser leurs sommets… à quelques jours d’intervalle.

Résultat : embarras diplomatique, impression de déjà-vu et surtout, une image brouillée de la cohésion régionale.
La CEEAC, qui regroupe onze États, a convoqué ses dirigeants à Malabo, en Guinée équatoriale, le 7 septembre 2025.

À l’ordre du jour : sécurité, paix, réformes institutionnelles. La CEMAC, elle, a fixé rendez-vous à Bangui, en Centrafrique, le 10 septembre, après plusieurs reports. Ses discussions porteront sur la relance économique post-Covid, l’avenir du franc CFA et l’intégration des marchés. Deux thématiques vitales, complémentaires sur le papier, mais traitées comme si elles évoluaient en silos concurrents.

« Soyons clairs : ce n’est pas une coïncidence d’agenda, mais le reflet d’une cacophonie régionale devenue la norme », tranche le politologue camerounais Belinga Zambo. Avec ironie, il compare la situation à « deux grandes familles qui organisent leur mariage le même week-end, avec les mêmes invités ». Car derrière l’anecdote, les enjeux sont lourds : ces sommets mobilisent chefs d’État, ministres et délégations entières, dans une région où chaque rencontre représente des coûts financiers et politiques considérables.

Pour l’internationaliste Bonny Azeufack, la situation interroge davantage qu’elle ne surprend. « Deux organisations aux mandats différents, mais complémentaires, devraient coordonner leurs pas. Or nous assistons à une concurrence de calendrier qui fragilise l’idée même d’intégration », observe-t-il. Le chercheur tchadien Mansar Hobaté, spécialiste des dynamiques régionales, voit dans ce télescopage un symptôme ancien : « Depuis des années, on dénonce la prolifération d’organisations en Afrique centrale, souvent aux prérogatives qui se chevauchent.

Cela engendre doublons, lenteurs et parfois rivalités. Quand deux sommets se tiennent presque simultanément, cela traduit un déficit de coordination et un manque de vision commune. » Un constat d’autant plus préoccupant que les défis de la sous-région ne cessent de s’accumuler. Sur le front sécuritaire, les crises persistent, du bassin du lac Tchad à l’est de la RDC. Sur le plan économique, la relance reste fragile, alors que la pression internationale pour la transition énergétique s’intensifie. Quant aux citoyens, ils attendent toujours les bénéfices concrets de cette intégration tant promise.

La juxtaposition des agendas CEEAC et CEMAC envoie donc un signal ambigu : au moment où l’Afrique centrale devrait parler d’une seule voix, elle apparaît divisée. « La région a besoin d’une véritable synergie, voire d’une rationalisation institutionnelle », plaide Hobaté.

Jean-René Meva’a Amougou

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