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Jean-Baptiste, un serviteur de Dieu atypique

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Jean-Claude-Djéréké

Le 29 août, l’Église catholique célèbre la mémoire du martyre de Jean-Baptiste. Cette figure biblique, à la fois puissante et dérangeante, continue d’interpeller les consciences, non seulement par son message radical, mais aussi par la manière singulière dont il a incarné sa mission.

Jean-Claude-Djéréké

Jean-Baptiste n’était pas un prophète comme les autres. Il était atypique, déroutant, et profondément fidèle à Dieu. Son exemple soulève des questions brûlantes pour notre temps, notamment pour ceux et celles qui portent la parole de Dieu dans une Afrique en quête de justice et de vérité.

Un prophète sans filtre

Jean-Baptiste ne caressait personne dans le sens du poil. Sa parole était brute, tranchante, sans détour. Il ne flattait pas les foules, il les interpellait. Des hommes et des femmes, venant de Jérusalem, de toute la Judée et des environs du Jourdain, accouraient vers lui, non pas pour entendre des discours agréables, mais pour se confronter à la vérité, pour se repentir. Le désert était sa paroisse, loin du confort et des institutions religieuses établies. Il ne dépendait d’aucune synagogue ni d’aucune autorité. Sa liberté était totale, et c’est ce qui rendait sa voix si puissante.

Jean n’était ni diplomate ni populiste. Il n’avait rien à vendre, ni huile miraculeuse, ni promesse de bénédictions matérielles. Il ne faisait pas commerce de la foi, il l’incarnait avec radicalité. Sa mission n’était pas de plaire, mais de secouer, d’éveiller, de purifier. Il dénonçait les injustices, les hypocrisies, les mensonges. Même Hérode, le roi, n’échappa pas à sa critique frontale – critique qui lui coûta la vie.

Une vie d’austérité et de cohérence

Ce qui frappait aussi chez Jean-Baptiste, c’était la cohérence entre son message et sa vie. Il prêchait la sobriété, et il vivait dans l’austérité la plus extrême: vêtu d’un vêtement de poil de chameau, une ceinture de cuir autour de la taille, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage. Il ne vivait pas dans un palais, n’ambitionnait aucun pouvoir. Il voulait simplement que la vérité triomphe et que Jésus, le Christ, soit révélé au monde. « Il faut qu’il croisse, et que moi je diminue », disait-il. Quelle humilité ! Quelle lucidité ! Jean ne cherchait ni la gloire ni les honneurs, mais l’accomplissement du dessein de Dieu.

Aujourd’hui, dans un contexte ecclésial souvent tiraillé entre ambition personnelle, attachement au pouvoir, recherche du luxe et compromissions diverses, le témoignage de Jean-Baptiste fait figure de rappel salutaire. Il montre qu’un authentique serviteur de Dieu ne cherche pas à être admiré, mais à conduire les cœurs vers Dieu. Il n’a pas peur d’être seul, d’être rejeté, ou même d’être emprisonné, car il sait pour qui et pourquoi il parle.

L’Afrique a besoin de prophètes

À la lumière de Jean-Baptiste, une question brûlante se pose: où sont les prophètes aujourd’hui ? Où sont ceux qui, dans l’Église d’Afrique, osent dire la vérité au prix de leur sécurité ou de leur carrière ? Trop souvent, les voix ecclésiastiques se taisent face aux régimes oppressifs, face à la misère des peuples, face aux violences et à la corruption. Trop souvent, elles préfèrent les discours convenus, les bénédictions aux puissants, les compromis avec les autorités.

Pourtant, l’Afrique a connu et connaît encore des hommes de Dieu qui ont osé la vérité, à temps et à contretemps. Des figures comme le cardinal Bernard Yago (Côte d’Ivoire), Joseph Malula (ex-Zaïre), Luc Sangaré (Mali), Christian Tumi (Cameroun), Raymond-Marie Tchidimbo (Guinée), ont incarné ce courage prophétique. Bernard Yago, par exemple, fut violemment attaqué pour avoir contesté la version officielle de la mort d’Ernest Boka en prison. Joseph Malula fut expulsé au Vatican pour avoir refusé de s’agenouiller devant la dictature de Mobutu. Ces hommes ont payé le prix fort pour leur fidélité à la vérité, mais leur héritage demeure.

L’Église en Afrique n’a pas besoin d’affairistes ni de prédicateurs de confort. Elle n’a pas besoin de vendeurs d’illusions ni de clercs obsédés par le matériel. Elle a besoin de prophètes. De ceux qui, comme Jean-Baptiste, disent ce qui dérange, qui réveillent les consciences, qui refusent la langue de bois, et qui placent Dieu au-dessus de toute autre autorité.

Un appel à la conversion

La mémoire de Jean-Baptiste n’est pas un simple souvenir liturgique. C’est un appel à la conversion, pour tous les croyants, et particulièrement pour ceux qui ont reçu la charge de guider le peuple de Dieu. Le prophète n’est pas un homme parfait, mais un homme intègre. Il ne cherche pas à plaire, mais à être fidèle. Il ne s’attache pas à lui-même, mais oriente les cœurs vers le Christ.

Prions pour que les prêtres, les pasteurs, les évêques et les cardinaux d’Afrique aient le courage de Jean-Baptiste. Prions pour qu’ils ne craignent ni la prison, ni la calomnie, ni la solitude. Prions pour qu’ils préfèrent la fidélité à Dieu à la reconnaissance des hommes. Et que, comme Jean, ils fassent du désert de notre temps un lieu de vérité, de justice et de réconciliation.

Jean-Claude DJEREKE


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