Comment l’élan d’émancipation des pays de l’AES (Alliance des États du Sahel) a-t-il pu se briser sur les rochers de la réalité ouest-africaine ? A cette question succède une autre question également essentielle : que se passe-t-il actuellement entre les pays restés dans le bloc de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le Mali, le Niger et le Burkina Faso ? En d’autres termes, est-ce bien une question de pragmatisme qui a entraîné ces trois pays sur cette voie ou, au contraire, une rupture avec les orientations historiques ? Fil back.

En mai dernier, une première session de consultations a réuni à Bamako les ministres malien, nigérien et burkinabè des Affaires étrangères et le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray. Une victoire pour les premiers, qui réclamaient de négocier en bloc et non pays par pays. Les deux parties avaient alors conjointement indiqué avoir abordé des sujets « politiques, diplomatiques, administratifs et institutionnels, juridiques, sécuritaires et de développement ». La coopération contre le terrorisme avait également été citée.
À l’issue de cette rencontre, la CEDEAO et l’AES avaient adopté un « relevé des conclusions des consultations en vue du lancement des négociations ». Les enjeux sont connus et considérables : libre-circulation des personnes – les pays de l’AES ont déjà annoncé que les ressortissants de la CEDEAO pourraient entrer sans visa dans leur espace commun, la réciprocité restant à négocier -, règles liées à l’installation des populations et des entreprises, droits de douanes sur les marchandises…
En réalité, les pourparlers battent leur plein. L’AES et la CEDEAO ont, à plusieurs reprises, martelé leur volonté commune de privilégier l’intérêt des populations. En toute logique, l’AES cherche à conserver le maximum d’avantages malgré son départ. L’équation est plus complexe pour la CEDEAO qui doit éviter de donner l’impression de punir les habitants des trois pays sans pour autant offrir de « prime au départ » aux trois États récalcitrants : quitter la CEDEAO doit avoir des conséquences car tout compromis trop large diminuerait d’autant l’intérêt d’en rester membre et pourrait donner des idées à d’autres… La CEDEAO est par ailleurs elle-même engagée dans un processus de réformes internes.
En clair : à part les fonctionnaires maliens, nigériens et burkinabè qui ont été officiellement licenciés et devront quitter leur poste au plus tard le 30 septembre, les citoyens des pays de l’AES n’ont pas encore ressenti les effets du divorce : leurs passeports et cartes d’identité estampillés CEDEAO sont toujours valables, les droits de circulation et d’établissement continuent de s’appliquer, les biens et services restent exemptés de droits de douane.
Et le 19 juillet, l’agence spécialisée de la CEDEAO, le Groupe Intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), a accepté d’admettre les pays de l’AES en tant que membres non affiliés à la CEDEAO. Les enjeux, tous complexes et interconnectés, sont majeurs et détermineront l’attitude de l’une et l’autre partie. Au cœur de ces défis, une Afrique de l’Ouest prête à se ressouder sur la base d’un pacte social robuste. En parallèle, l’évitement de l’échec.
Ongoung Zong Bella